Un sénateur condamné pour des propos tenus dans une vidéo sur le «convoi»

Dylan Robertson, La Presse Canadienne
Un sénateur condamné pour des propos tenus dans une vidéo sur le «convoi»

OTTAWA — Les sénateurs ont voté pour condamner l’un des leurs, à la suite de la diffusion de la vidéo d’un discours haut en couleur, enregistrée secrètement lors de la manifestation autoproclamée du «convoi de la liberté» l’année dernière.

L’organisme sénatorial de surveillance de l’éthique a déterminé ce printemps que le sénateur conservateur Michael MacDonald avait violé le code de conduite.

Le sénateur de la Nouvelle-Écosse a été filmé en février 2022 en train de fustiger les résidents du centre-ville d’Ottawa qui se plaignaient des manifestations, affirmant que les habitants étaient surpayés et sous-employés.

M. MacDonald s’est excusé pour ses propos au Sénat et a déclaré aux médias qu’il avait bu le soir en question.

Le conseiller sénatorial en éthique a jugé qu’il avait enfreint six articles du code qui régit les sénateurs, dont deux liés à sa conduite et quatre autres pour manque de conformité dans l’enquête elle-même.

Le conseiller a déterminé que la Chambre rouge devait blâmer formellement les membres dont la conduite porte atteinte à la réputation du Sénat, et les sénateurs ont récemment voté en faveur de cette mesure.

Le 30 novembre, la Chambre a voté avec dissidence en faveur de la sanction contre M. MacDonald, qui n’est assortie d’aucune conséquence, mais qui a une valeur symbolique.

Le sénateur Dennis Patterson s’est prononcé contre le blâme, affirmant que la portée du code d’éthique semble aller au-delà des autres règles parlementaires qui se concentrent uniquement sur la conduite des sénateurs dans l’exercice de leurs fonctions sénatoriales.

«Ne pas accepter les recommandations correctives du (responsable de l’éthique) est très différent de ne pas coopérer», a ajouté M. Patterson juste avant le vote de la semaine dernière.

M. Patterson était un ancien collègue conservateur de M. MacDonald, mais il a quitté le parti lors des manifestations du «convoi», où des milliers de manifestants ont paralysé le centre-ville d’Ottawa en raison de leur opposition aux mesures de santé publique liées à la COVID-19.

Il avait déclaré à l’époque qu’il était «consterné que nous semblions être associés à des extrémistes», qui, selon lui, avaient entrepris «une prise d’otages au cœur de notre démocratie canadienne».

M. MacDonald s’est excusé de nouveau la semaine dernière pour ses remarques «insensibles» et a ajouté qu’il regrettait sa conduite au cours de l’enquête. Il a déclaré qu’une commission parlementaire l’avait traité équitablement.

«J’avais hâte de passer à autre chose, mais je me sentais gêné, isolé et frustré par le processus. Mais j’aurais pu mieux gérer la situation, cela est entièrement sur moi», a-t-il affirmé à la Chambre. 

L’enquête de l’organisme de surveillance avait été motivée par les plaintes de neuf pairs de M. MacDonald.

Un manquement de dignité et de retenue

Peu de temps après la diffusion de la vidéo, M. MacDonald s’est excusé à la Chambre et a souligné que la conversation n’était pas destinée à être enregistrée.

Dans l’enregistrement, on entend M. MacDonald dire qu’il ne veut pas être enregistré. Le vidéaste répond en disant «ok».

M. MacDonald poursuit ensuite avec quelques remarques tranchées.

«C’est la putain de ville de tout le monde, c’est la capitale du pays. Ce n’est pas votre foutue ville simplement parce que vous avez un salaire à six chiffres et que vous travaillez 20 heures par semaine. Vous n’avez pas travaillé une semaine complète depuis deux ans. C’est écoeurant», dit M. MacDonald dans l’enregistrement.

Dans la vidéo, M. MacDonald qualifie aussi sa femme de «Karen» – un terme péjoratif désignant une femme qui se croit tout permis – pour son opposition aux manifestations. Bien que la police ait ordonné aux manifestants de quitter les lieux, M. MacDonald a dit : «Je ne veux pas qu’ils partent».

Le conseiller sénatorial en éthique, Pierre Legault, a déclaré que la demande du sénateur de ne pas être filmé démontrait «un manquement intentionnel à faire preuve de dignité et de retenue» et que ses propos avaient eu un «impact important» sur l’institution.

L’organisme de surveillance a ajouté que les excuses initiales du sénateur avaient été minées par son commentaire selon lequel ses propos n’étaient pas destinés à être filmés.

«On s’attend des sénateurs qu’ils représentent les Canadiens, non qu’ils les dénigrent, qu’ils se moquent d’eux ou qu’ils les rabaissent, tout en encourageant la poursuite d’activités illégales dans un contexte où le gouvernement fédéral a déclaré l’état d’urgence en raison de la manifestation en cours», a statué M. Legault, dans un rapport du mois de juillet.

Le conseiller en éthique et M. MacDonald se sont disputés sur le mandat de son bureau, notamment en repoussant une demande visant à savoir avec qui M. MacDonald mangeait avant la vidéo, afin de savoir s’il avait mené des affaires reliées au Sénat.

Le comité sénatorial d’éthique, composé de pairs de M. MacDonald, a publié un rapport en septembre concluant que celui-ci ne s’est pas conformé de manière appropriée à l’enquête.

«Il s’agissait d’un défi direct à l’intégrité et au mandat du processus approuvé par le Sénat par lequel les sénateurs – et le Sénat lui-même – doivent être tenus responsables», indique le rapport.

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