Les écologistes attendent toujours un plan pour le rétablissement du caribou

Morgan Lowrie, La Presse Canadienne
Les écologistes attendent toujours un plan pour le rétablissement du caribou

MONTRÉAL — Les écologistes pressent le gouvernement québécois de présenter son plan pour la protection de l’habitat du caribou, plusieurs années après la promesse de la mise en œuvre d’une stratégie visant à sauver les troupeaux.

Le projet devait être présenté en juin, mais le ministère de l’Environnement l’a repoussé à cause des nombreux feux de forêt qui frappaient alors le territoire québécois. À l’époque, le gouvernement disait vouloir examiner les répercussions des incendies sur le caribou, et sur l’exploitation forestière.

On souhaitait présenter le plan à la fin de l’année 2023, mais le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, avait confirmé au quotidien La Presse que le dévoilement de la stratégie avait été repoussé «à la mi-janvier ou à peu près».

La Presse Canadienne a tenté d’obtenir une mise à jour à ce sujet, mais le gouvernement n’a pas répondu à sa demande.

«L’histoire ne fait que se répéter», déplore le président du groupe environnemental Action boréale, Henri Jacob. Il rappelle que la Coalition avenir Québec avait promis la mise en œuvre d’une politique pour sauver le caribou avant son arrivée au pouvoir en 2018. Le plan devait être présenté initialement en 2019, mais il a toujours été repoussé depuis ce temps.

«Repousser et repousser [le processus] est une stratégie. Et pendant ce temps, on continue à couper du bois dans des parties de la forêt qui sont essentielles au caribou», croit-il.

M. Jacob dit qu’il n’y a aucune raison de repousser le plan de protection, même pas les feux de forêt. La politique devrait quand même être le sujet d’une consultation, rappelle-t-il. Le gouvernement pourra alors en profiter pour modifier son plan en tenant compte des conséquences des feux de forêt.

Alain Branchaud, directeur général du groupe environnement SNAP Québec, fait état de l’urgence de la situation. Selon lui, les troupeaux de caribous sont en déclin dans l’ensemble de la province. Il en fait le reproche à l’industrie forestière dont les pratiques contribuent à perturber, voire à détruire, l’habitat de l’animal.

«On ne peut pas accepter d’autres retards», lance-t-il.

Selon lui, un plan sérieux pour sauver le caribou devrait inclure la protection d’au moins 35 000 kilomètres carrés de leur habitat essentiel. Le gouvernement fédéral, en citant des études scientifiques, a déjà indiqué qu’il faut atteindre un pourcentage minimal de 65 % d’habitat non perturbé afin de maintenir la population de caribous, mais M. Branchaud insiste pour dire qu’il s’agit du strict minimum.

Selon une étude publiée par la revue scientifique Land, quelque 140 000 kilomètres carrés de forêt ont été perdus depuis 1976 au profit de l’industrie forestière au Québec et en Ontario. Ce recul a eu des répercussions évidentes pour la population de caribous. Les chercheurs, canadiens et australiens, ont constaté que seulement 2 des 21 aires de répartition du caribou qu’ils ont étudiées respectaient le pourcentage de 65 %.

«Des changements importants doivent être apportés à la gestion de la forêt boréale en Ontario et au Québec afin de la rendre plus durable, d’un point de vue écologique. Il faut mettre davantage l’accent sur la protection et le rétablissement des plus vieilles forêts et diminuer les dangers pour les populations de caribous», peut-on lire dans l’étude.

En attendant de présenter sa stratégie, le gouvernement se fie sur d’autres mesures pour aider à protéger le caribou. Parmi elles: la décision controversée de cloîtrer trois troupeaux et de tuer les meutes de loups qui s’en approchent.

Un rapport a été présenté en 2022 à la suite d’une série de consultations avec les parties prenantes.

Malgré le retard, M. Branchaud dit vouloir faire preuve d’un optimisme prudent.

Le gouvernement québécois s’est engagé à protéger 30 % de son territoire. Le gouvernement fédéral espère l’imiter. M. Branchaud dit que ces promesses pourraient contraindre les gouvernements à collaborer avec les communautés autochtones pour conserver l’habitat du caribou. Il croit aussi que la population québécoise comprend de plus en plus l’importance de gérer les forêts de façon plus durable, malgré la résistance de la puissante industrie.

Il souligne que la décision de scinder le ministère des Forêts et de la Faune, en 2022, a été positive, puisque les intérêts des deux secteurs sont souvent aux antipodes.

Henri Jacob se dit impatient de voir la future stratégie gouvernementale, mais il ne croit pas que Québec renoncera aux lucratives activités forestières et minières dans les habitats du caribou, même si ceux-ci sont importants pour de nombreuses plantes et autres espèces animales.

«Nous n’avons plus confiance au gouvernement», lance-t-il, ajoutant qu’il serait heureux de se tromper.

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