Le député libéral Housefather réfléchit à son avenir après la motion palestinienne

La Presse Canadienne
Le député libéral Housefather réfléchit à son avenir après la motion palestinienne

OTTAWA — Le député fédéral montréalais Anthony Housefather a déclaré mardi qu’il «réfléchissait» à son avenir au sein du Parti libéral, après l’adoption lundi aux Communes d’une motion néo-démocrate, fortement amendée par le gouvernement, sur le soutien à un État palestinien.

«Je pense que c’est la première fois de ma carrière parlementaire que j’ai une réflexion comme celle-là», a confié M. Housefather, sombre, à son arrivée mardi sur la colline du Parlement.

M. Housefather est l’un des trois députés libéraux qui ont voté en soirée lundi contre la motion finale, qui recommandait de travailler «en vue de l’établissement de l’État de Palestine dans le cadre d’une solution négociée à deux États».

La motion originale des néo-démocrates prévoyait plutôt, entre autres, de «reconnaître officiellement l’État de Palestine».

La nouvelle mouture ajoute également un libellé appelant le Hamas à déposer les armes, et le qualifiant d’organisation terroriste inscrite au Canada. Un libellé appelant Ottawa à «suspendre tout» commerce de biens et de technologies militaires avec Israël a été remplacé par un paragraphe appelant le Canada à cesser d’approuver le transfert des «exportations d’armes» vers Israël.

La version finale était très proche de la politique actuelle du Canada au Moyen-Orient.

M. Housefather, ainsi que la plupart des grandes organisations juives canadiennes, ont dénoncé la motion initiale comme étant unilatérale, affirmant qu’elle récompensait le Hamas pour son attaque terroriste du 7 octobre en Israël.

Il a déclaré que la version modifiée était meilleure, mais qu’il ne pouvait toujours pas la soutenir.

M. Housefather a ajouté qu’il ne pense pas que ses collègues comprennent pleinement ce à quoi les Juifs du monde entier sont confrontés au milieu d’une «forte vague d’antisémitisme» ni ne réalisent qu’Israël, le seul État juif, est le dernier refuge pour les Juifs «lorsqu’ils sont en exil ou expulsés d’un pays».

«Je n’ai pas eu l’impression que certains députés, ou beaucoup de députés comprenaient la menace existentielle à laquelle Israël est confronté et les craintes des juifs canadiens en raison de ce qui se passe au pays et à l’étranger», a-t-il affirmé.

Les libéraux auraient pu choisir de voter contre la motion imparfaite du Nouveau Parti démocratique (NPD), a-t-il déclaré, mais «nous ne l’avons pas fait».

Toutefois, M. Housefather soutient que lorsque ses collègues libéraux ont ovationné le NPD à propos de la motion, lundi, il s’est demandé pour la première fois de sa vie s’il avait toujours la certitude de vouloir rester au sein de ce caucus.

M. Housefather a ajouté qu’il en aurait plus à dire bientôt.

Des amendements apportés trop tard?

Les deux autres députés libéraux qui ont voté contre, l’ex-ministre de la Sécurité publique Marco Mendicino et le député manitobain Ben Carr, se disent tous deux déçus de la manière dont s’est déroulé le processus d’amendements de dernière minute, lundi.

Ni l’un ni l’autre, toutefois, n’envisage un changement d’allégeance politique.

M. Mendicino a affirmé qu’il n’était pas d’accord avec l’idée d’apporter plus d’une douzaine d’amendements «de fond» à une motion à la onzième heure, sans avoir suffisamment de temps pour réfléchir et débattre.

«Le Canada doit jouer un rôle constructif au Moyen-Orient, mais notre politique étrangère ne doit pas être négociée sur la base d’une motion du NPD», a-t-il soutenu.

La motion originale du NPD appelait à «la reconnaissance unilatérale» de l’État de Palestine «sans un processus de paix, ce qui aurait été incompatible avec le soutien bien établi du Canada à une solution à deux États», a affirmé M. Mendicino.

La motion originale appelait bien le Canada à œuvrer en faveur d’une solution à deux États, mais sans exiger qu’Ottawa reconnaisse l’État de Palestine. La version finale de la motion a concilié les deux aspects.

La semaine dernière, M. Carr avait averti qu’il n’appuierait pas la motion parce qu’elle contenait de nombreux éléments qu’il ne pouvait pas soutenir, y compris cette reconnaissance unilatérale.

M. Carr a déclaré que la paix serait impossible tant que le Hamas gouverne la bande de Gaza, comme c’est le cas depuis 2007.

Il a ajouté que de nombreux amendements reflétaient ses préoccupations, mais qu’il n’avait pas eu suffisamment de temps pour y réfléchir et décider s’il fallait modifier son vote.

Le leader libéral à la Chambre, Steven MacKinnon, a déclaré que les amendements sont intervenus après de longues négociations sur un sujet «complexe, délicat et émotionnel».

Il ne s’est pas excusé du fait qu’ils aient été présentés si tard dans le processus.

«Cela a pris le temps qu’il fallait», a-t-il affirmé.

«Je suis très fier que près des deux tiers du Parlement du Canada aient pu soutenir quelque chose d’un tel niveau de complexité, et je pense que les Canadiens devraient être très fiers que leur Parlement ait adopté hier une position unique au Canada.»

Il a déclaré que les libéraux tendaient la main à M. Housefather.

«C’est un collègue pour lequel j’ai énormément de respect et qui a été un porte-parole incroyable de sa communauté, et nous allons continuer à discuter avec Anthony», a confié M. MacKinnon.

Le ministre de l’Industrie, François-Philippe Champagne, a reconnu que les libéraux avaient besoin d’une voix comme celle de M. Housefather au sein du caucus.

«J’ai énormément de respect pour lui et la communauté qu’il représente et je pense que c’est bénéfique pour nous tous d’avoir des gens comme Anthony au sein de notre caucus, donc j’aimerais certainement qu’il reste avec nous», a soutenu M. Champagne.

Tous les députés bloquistes présents lundi soir ont voté pour la motion et tous les conservateurs ont voté contre.

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