Le Neuro procède à une intervention génétique contre la démence frontotemporale

Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne
Le Neuro procède à une intervention génétique contre la démence frontotemporale

MONTRÉAL — Deux médecins de l’Institut-Hôpital neurologique de Montréal injecteront mardi à un patient atteint de démence frontotemporale une copie fonctionnelle du gène défectueux responsable de sa maladie.

Cette thérapie génique sera utilisée pour la première fois en neurologie adulte au Québec et pour la première fois au Canada dans un cas de démence.

Le patient qui sera opéré mardi, a dit le docteur Simon Ducharme, qui est le chercheur principal de l’étude de phase I (UPLIFT-D) à Montréal, est encore à un «stade relativement léger» de la maladie, même si celle-ci est «bien installée».

«On ne s’attend pas à ramener en arrière les neurones endommagés, a-t-il expliqué. Au mieux, pour ce patient, on espère les stabiliser.»

La démence frontotemporale est cette maladie neurodégénérative dont peu de gens soupçonnaient l’existence avant que l’acteur Bruce Willis annonce l’an dernier en être atteint.

La maladie est dite «précoce», puisqu’elle se manifeste généralement chez des gens âgés de moins de 65 ans, voire dès la quarantaine ou la cinquantaine. Elle affecte notamment le langage et le comportement, et mène à une perte d’autonomie totale après dix ou quinze ans.

On trouve parfois une cause génétique à la maladie, a expliqué le docteur Ducharme, à savoir un gène défectueux qui a été transmis par les parents à leur enfant. Cela ne concerne qu’environ 20 % des patients atteints de démence frontotemporale, mais c’est le cas du patient qui sera opéré mardi.

La thérapie que le docteur Ducharme, qui est neuropsychiatre et clinicien-chercheur au Neuro, et son collègue, le neurochirurgien Denis Sirhan, utiliseront s’adresse donc spécifiquement aux patients atteints de démence frontotemporale qui présentent une mutation du gène GRN.

Cette mutation empêche ces individus de produire suffisamment de progranuline – une protéine essentielle au fonctionnement du cerveau. Cela finit par endommager les neurones et mène au développement de la maladie, a dit le docteur Ducharme.

«Il y a une mutation, et tous ceux qui ont la mutation ont la maladie, a précisé le chercheur. C’est vraiment la cause de la maladie, c’est une certitude. C’est aussi simple qu’on peut l’avoir en médecine.»

Les docteurs Ducharme et Sirhan injecteront à la base du crâne du patient, directement dans le liquide céphalo-rachidien qui entoure le cerveau, des particules de virus porteuses du gène à remplacer.

Les chercheurs espèrent qu’en recevant une copie fonctionnelle du gène, les cellules cérébrales pourront augmenter leur production de progranuline.

«Le médicament va (…) s’installer dans les cellules (du cerveau) et devenir un bout de matériel génétique, a détaillé le docteur Ducharme. Et les cellules vont l’utiliser pour produire la protéine manquante.»

Mais puisqu’il s’agit d’un essai clinique de phase 1, a rappelé le chercheur, le but premier de l’intervention est d’en vérifier l’effet thérapeutique, la sécurité et l’innocuité.

Les options thérapeutiques sont pour le moment très limitées pour les patients atteints de démence frontotemporale. Si certains médicaments peuvent limiter l’ampleur des symptômes pour un moment, on offre habituellement à ces patients et à leurs familles un accompagnement.

Mais pour les formes génétiques de la maladie, a dit le docteur Ducharme, il y a de l’espoir sur le plan de la recherche. C’est d’ailleurs dans l’espoir de pouvoir aider leurs enfants que plusieurs patients acceptent de participer à des essais cliniques, a-t-il rappelé.

En effet, si les résultats sont au rendez-vous, a-t-il ajouté, on pourrait un jour envisager d’offrir le traitement à des gens qui sont porteurs du gène défectueux, mais qui ne présentent pas encore de symptômes, dans l’espoir de prévenir ou de repousser l’apparition de la maladie.

«Ce n’est pas une énorme quantité de patients, mais pour ces gens-là, mon espoir c’est qu’on trouve quelque chose qui pourrait dramatiquement changer l’évolution des choses, a conclu le docteur Ducharme. Ce serait un changement de paradigme.»

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