ArriveCAN: L’ex-ministre de l’Approvisionnement dit ne pas avoir vu de contrat

Émilie Bergeron, La Presse Canadienne
ArriveCAN: L’ex-ministre de l’Approvisionnement dit ne pas avoir vu de contrat

OTTAWA — La présidente du Conseil du Trésor, Anita Anand, qui était ministre de l’Approvisionnement au moment des premières irrégularités dans l’attribution de contrats pour l’application ArriveCAN documentées par la vérificatrice générale, soutient ne pas avoir eu de contrat sous les yeux, à l’époque, pendant qu’elle se concentrait sur les livraisons de matériel médical face à la pandémie de COVID-19.

«Dans ce temps-là, j’avais beaucoup de ‘’focus’’ sur les vaccins, sur les équipements de protection individuelle, sur les tests rapides et ce n’était pas un contrat devant moi», a-t-elle dit mercredi, en français, alors qu’elle se rendait à la réunion hebdomadaire du caucus libéral.

La plupart des problèmes identifiés par la vérificatrice générale, Karen Hogan, découlaient de la décision initiale de s’appuyer sur des contrats non concurrentiels. Le gouvernement n’a pas documenté ses discussions initiales avec des entrepreneurs ni la raison pour laquelle il a procédé sans appel d’offres.

«Tout enjeu relatif (à ArriveCAN) relevait des responsables du ministère», a plus tard affirmé en anglais Mme Anand en faisant référence à Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC).

D’ailleurs, Mme Hogan a relevé que SPAC «avait initialement remis en question la décision» d’éviter un processus d’appel d’offres, laquelle avait été prise par l’Agence des services frontaliers du Canada, «et avait proposé d’autres solutions». Cela n’a toutefois pas mis fin à la série d’irrégularités documentée par Mme Hogan.

Questionnée à savoir si plus de surveillance ministérielle aurait dû survenir à ce moment-là, la ministre Anand n’a pas répondu directement à la question. Elle a plutôt soutenu que maintenant qu’elle était présidente du Conseil du Trésor et que la vérificatrice générale avait fait des recommandations qu’Ottawa a l’intention de suivre, elle s’affaire à «voir quelles mesures de surveillance peuvent être prises, comme des sanctions ou des audits». 

Mme Hogan a été incapable d’établir le coût total associé à l’application lancée en avril 2020 dans le but de suivre les informations de santé et de contact des personnes entrant au Canada pendant la pandémie. Elle a affirmé qu’Ottawa a payé trop cher, mais le «mépris flagrant pour les pratiques de base de gestion et de passation de contrats» ne lui a pas permis d’aller au-delà d’une estimation de 59,5 millions $.

Le premier contrat pour ArriveCAN était initialement évalué à une infime fraction de cette estimation, soit 2,35 millions $. Seulement 80 000 $ étaient prévus pour créer la version initiale de l’application, mais 176 autres versions ont été élaborées. Selon Mme Hogan, ces mises à jour ont été «bien souvent assorties de peu de documentation sur les tests préalables, voire aucune».

Une motion du chef conservateur Pierre Poilievre demandant «au premier ministre de déposer à la Chambre, au plus tard le lundi 18 mars 2024, un rapport donnant le détail de l’ensemble des coûts directs et connexes assumés à ce jour relativement à l’application ArriveCAN», a été adoptée.

Les élus du Nouveau Parti démocratique et du Bloc québécois se sont ralliés à l’initiative, ce qui a permis d’entériner le texte malgré l’opposition des libéraux.

«Ils exigent des documents qui n’existent pas», a dit le leader en Chambre par intérim des troupes de Justin Trudeau, Steven MacKinnon, quelques heures avant le vote.

La motion visait plutôt à «oblig(er) le gouvernement à produire tous les documents» détaillant l’ensemble de la facture liée à ce que les conservateurs appellent «ArriveScam», a déclaré la veille M. Poilievre durant le débat sur sa proposition. «On doit savoir la vérité», a-t-il lancé.

Invitée en mêlée de presse à se prononcer sur la production de documents manquants, Mme Anand s’est contentée d’affirmer qu’elle fait «tout ce qui est nécessaire et possible, dans (son) ressort», en tant que ministre d’un gouvernement ayant à cœur la reddition de comptes.

La motion conservatrice, qui n’est pas contraignante pour le gouvernement, réclame aussi que ce dernier recouvre, dans les 100 jours, «toutes les sommes versées aux entrepreneurs et sous-traitants liés à ArriveCAN qui n’ont pas travaillé sur l’application».

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