À l’enquête sur l’ingérence, Ottawa devra démontrer la nécessité de huis clos

Jim Bronskill, La Presse Canadienne
À l’enquête sur l’ingérence, Ottawa devra démontrer la nécessité de huis clos

OTTAWA — La responsable d’une enquête fédérale sur l’ingérence étrangère a déclaré que le gouvernement lui avait dit qu’il serait nécessaire que certains éléments de preuve soient présentés à huis clos.

Dans un avis publié vendredi, la commissaire Marie-Josée Hogue affirme que le gouvernement aura le fardeau de la convaincre que la divulgation de telles preuves aux participants à l’enquête ou au public pourrait mettre en danger la sécurité nationale.

Si Mme Hogue et les avocats de la commission ne sont pas convaincus par les arguments du gouvernement, elle exigera que les preuves soient présentées lors d’audiences publiques.

En revanche, si elle accepte une audience à huis clos, un résumé des preuves présentées sera préparé pour être rendu public.

Mme Hogue dit que si le gouvernement et la commission ne sont pas d’accord sur la nécessité de garder certaines informations secrètes, elle informera le gouvernement de son intention de les divulguer.

Le gouvernement aura alors la possibilité de porter le litige devant la Cour fédérale.

«Le procureur général du Canada a déjà avisé la Commission qu’il sera nécessaire, pour des raisons de sécurité nationale ou d’autres raisons liées à l’intérêt public, qu’elle reçoive certains éléments de preuve à huis clos», indique l’avis.

L’enquête se penche sur les allégations d’ingérence étrangère de la Chine, de l’Inde, de la Russie ou d’autres pays dans les élections fédérales de 2019 et 2021. Des audiences sur le fond des accusations devraient avoir lieu le mois prochain, avec un rapport sur les conclusions attendu le 3 mai.

L’avis de Mme Hogue de vendredi fait suite à une première série d’audience d’une semaine, tenue fin janvier et début février, qui a exploré les moyens d’être transparent sur ce sujet hautement sensible.

Les avocats fédéraux ont indiqué à l’enquête que la divulgation publique – par le biais du processus  de la commission en cours – de renseignements détaillés sur les menaces d’ingérence émanant de la Chine et d’autres risquait de révéler des secrets essentiels.

Le risque, disent-ils, repose dans «l’effet mosaïque», par lequel les adversaires traquent et rassemblent de petits éléments de renseignement sur une longue période pour révéler une image plus claire.

Les avocats ont suggéré des options incluant la publication de certains documents expurgés, la publication de résumés d’un «nombre limité de documents ou de sujets» et des audiences à huis clos qui seraient suivies de la publication d’un résumé public.

Dans l’avis publié vendredi, Mme Hogue a déclaré que la commission exigerait des responsables fédéraux qu’ils justifient toute suppression lorsqu’elle estime que les documents et informations que le gouvernement souhaite protéger seraient pertinents et utiles aux participants à l’enquête ou au public.

Cela pourrait inciter les avocats de la commission à contester les passages masqués ou à œuvrer en faveur de la publication de résumés des informations sensibles, indique l’avis.

Si une personne qui craint pour sa sécurité – ou celle de sa famille ou de ses associés – dépose une demande pour témoigner à huis clos, la commissaire décidera si et comment accorder une telle protection, ajoute l’avis.

«La Commission préparera un résumé de ce témoignage et, avant de le rendre public, s’assurera auprès du témoin que rien de ce qu’il contient ne crée un risque pour lui ou ses proches»

Le ministre de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc, a promis au début du mois que l’enquête aurait un accès complet aux documents secrets, même si certaines de ces informations sensibles ne peuvent pas être rendues publiques.

Jon Doody, avocat du Congrès des Ukrainiens Canadiens, l’un des participants à l’audience, a soutenu qu’il y a une grande différence entre l’accès de la commission à l’information sur l’ingérence étrangère et l’accès du public.

«Le caractère public de cette enquête ne doit pas être que de nom», a-t-il affirmé. «Le public doit recevoir autant d’informations que possible.»

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