Le juge Daniel Royer, de la Cour supérieure, a indiqué son intention de retenir la suggestion commune des avocats et de condamner à onze ans de détention Francis Mulrey pour avoir causé la mort de Lucille Morin en 1991.
Il prononcera officiellement la sentence mardi prochain. Mercredi matin, il a entendu les représentations sur la peine. L’accusé étant détenu provisoirement depuis plus de trois ans, six ans de prison lui seront crédités. Il lui restera donc cinq ans à purger.
Crime
Le 9 août 1991, la victime Mme Morin, une femme de 69 ans, avait été trouvée sans vie, dans son appartement de la rue Latour, à Saint-Jean-sur-Richelieu. Elle avait été frappée à coups de fer à repasser. Elle gisait dans une mare de sang, dans le corridor de son logement. Il n’y avait aucune trace d’effraction. La porte n’était pas verrouillée.
À l’époque, les policiers de Saint-Jean avaient mené l’enquête qui les avait conduits, en septembre 1995, à arrêter Mulrey. Mais la preuve s’avérait insuffisante pour l’inculper.
Il y a un peu moins de quatre ans, la section des crimes non résolus de la Sûreté du Québec reprenait le dossier. Dans le cadre du projet Mâcher, elle mettait en place une opération de type «Mr Big» pour approcher le suspect et l’amener à avouer son crime.
Circonstances
Mulrey n’était pas un proche de la victime. Il ne la connaissait pas, si ce n’est qu’il était allé nettoyer des tapis dans son logement, avec son oncle, quelques semaines auparavant.
Comme l’accusé l’a expliqué à l’agent d’infiltration de la SQ, il est retourné chez Mme Morin, le jour du crime, pour lui offrir de laver les fenêtres. Il avait un urgent besoin d’argent pour se procurer de la drogue. Il avait alors un grave problème d’assuétude à la drogue. Il était déjà sous l’influence de la «free base» quand il s’est présenté au logement de la victime qui l’a fait entrer.
Mais devant le comportement bizarre de Mulrey, Mme Morin lui aurait demandé de quitter les lieux sans quoi elle appelait la police. L’accusé aurait alors paniqué et il a empoigné un fer à repasser. Il a asséné avec une grande violence plusieurs coups à la femme. Selon le rapport d’autopsie, le corps de la victime portait les traces d’une dizaine d’impacts à la tête.
Procès
Un procès devant jury devait se tenir ce mois-ci. Mulrey faisait face à une accusation de meurtre non prémédité. Après plusieurs discussions entre la poursuite et la défense, l’accusé décidait, le mois dernier, de plaider coupable à une accusation d’homicide involontaire. Il évite la tenue d’un long procès.
Dans ses représentations devant le juge, Me Martin Bourgeois, de la Couronne, a plaidé qu’aucune sentence ne viendra éliminer le chagrin des membres de la famille de la victime, mais le plaidoyer de culpabilité de l’accusé vient mettre un terme à une longue période d’incertitude.
Le procureur a fait valoir qu’il n’y avait eu aucune préméditation dans le crime de l’accusé qui s’était rendu au logement de la femme pour se faire un peu d’argent. Il a posé un geste impulsif et saisi le fer à repasser qui était à portée de main. L’accusé a toutefois cherché à faire disparaître des traces de son crime.
Antécédents
Mulrey avait des antécédents judiciaires de conduite avec les facultés affaiblies au moment de la commission du crime. Par la suite, il a commis un vol qualifié. Sa dernière condamnation remonte à 2007 alors qu’il a été déclaré coupable d’avoir conduit avec les facultés affaiblies et avoir causé des blessures à une personne.
L’accusé avait 25 ans au moment du crime sur la rue Latour. Il a aujourd’hui 54 ans. Il était prestataire de l’aide sociale quand les policiers l’ont approché pour l’amener à avouer son crime.
Parmi les facteurs aggravants mentionnés par Me Bourgeois, il y a le fait que la victime était dans une position de vulnérabilité. Elle était seule dans son appartement et elle était sans défense.
Remords
Me Bourgeois a souligné que l’accusé a exprimé des remords au moment où il a dévoilé son crime. Mercredi matin, Mulrey a dit au juge: «Je regrette. Je ne suis pas une personne méchante. Je ne suis pas une personne violente.» Tournant la tête vers les nièces de la victime présentes dans la salle d’audience, il leur a demandé de lui pardonner. «Je suis vraiment désolé», a-t-il ajouté.
Son avocat, Me Patrick Lafrance, a dit que son client était conscient des conséquences de son geste sur la famille de la victime. Les sœurs, les beaux-frères et des amis de la victime sont décédés avant de connaître l’auteur du crime.
Une des nièces a témoigné. Des lettres de trois autres nièces de Mme Morin ont été lues pour exprimer ce qu’elles avaient vécu, mais aussi les sentiments d’horreur éprouvés par leurs parents au moment des événements.
Preuve
Dans ses représentations devant la cour, Me Lafrance, de la défense, a fait observer au juge que les aveux de son client dans le cadre du «Mr Big» constituent pratiquement la seule preuve contre l’accusé.
L’avocat a fait état des efforts de Mulrey pour régler son problème de toxicomanie tout au long de sa vie et des formations et des ateliers qu’il a suivis depuis son arrestation en juillet 2015.