Denis Boucher: sa vie sur les losanges reconnue par le Temple de la renommée canadien

Frédéric Daigle, La Presse Canadienne
Denis Boucher: sa vie sur les losanges reconnue par le Temple de la renommée canadien

MONTRÉAL — Denis Boucher n’a jamais aimé attirer l’attention. Il ne pourra possiblement jamais l’attirer plus que samedi, alors qu’il devra livrer son discours d’intronisation au Temple de la renommée du baseball canadien.

Mais quelques jours avant son intronisation à St. Mary’s, Boucher était encore affairé à le peaufiner.

«Il faudrait que tu m’écrives trois ou quatre bonnes pages!, a-t-il raconté à La Presse Canadienne. Je ne sais pas trop par où commencer: je ne veux pas oublier personne, mais je ne veux pas ennuyer les gens non plus. Il faut trouver trois ou quatre petites blagues et des anecdotes que les gens n’ont pas entendues mille fois!»

Pourtant, ce ne sont pas les anecdotes qui doivent manquer dans la carrière de Boucher, qui s’étend maintenant depuis plus de 45 ans, que ce soit dans le baseball mineur, chez les professionnels, ou au sein du programme national sénior.

Une carrière qui lui a valu des éloges bien senties d’un compatriote qui, comme Boucher, a un jour été associé aux Expos de Montréal, mais dans un rôle différent.

«Denis Boucher représente tout ce qu’il y a de bon dans le baseball au Québec», a déclaré Alex Agostino, superviseur régional pour les Phillies de Philadelphie et membre du comité de sélection du Temple canadien.

«C’était tout un athlète: il lançait, il frappait, il faisait un peu de tout sur le terrain, alors qu’il pouvait aussi jouer au premier-but. C’est un des athlètes les plus compétitifs sur le terrain que j’aie connus.

«Ce n’est pas le gars qui lançait le plus fort, mais c’était l’un des plus intelligents sur le terrain. C’est un gars qui, dès le moment où il a signé son contrat avec les Blue Jays, il savait comment lancer: rapide, changement de vitesse, balles à effet. Ce n’est pas comme aujourd’hui, où certains lanceurs ‘garrochent’ à 100 milles à l’heure sans savoir où la balle va atterrir: il lançait pour vous retirer. C’est pour ça qu’il a connu du succès dans les ligues mineures, dans les Majeures et au sein de l’équipe canadienne.»

Premier en 20 ans

Le Québécois de 55 ans a joué son baseball mineur à Lachine, dans l’ouest de Montréal, avant de disputer son baseball junior avec les Cards de LaSalle. Signé comme joueur autonome par les Blue Jays de Toronto en août 1987 — les Canadiens ne sont alors pas admissibles au repêchage — il franchit avec succès tous les niveaux dans les ligues mineures avant de percer la rotation des Jays pour la saison 1991.

Quand il effectue son premier départ, le 12 avril 1991, cela fait près de 20 ans qu’il n’y a pas eu de Québécois dans les Majeures, soit depuis le dernier lancer de Claude Raymond, en septembre 1971.

Son passage à Toronto est toutefois de courte durée: en juin 1991, il est échangé aux Indians de Cleveland, où il obtiendra sa première victoire dans les Majeures. Non protégé en vue du repêchage d’expansion, il est sélectionné par les Rockies du Colorado en novembre 1992, qui le cèdent plus tard aux Padres de San Diego. Il n’atteindra pas les Majeures avec ces deux organisations. Mais quand les Expos font son acquisition, en juillet 1993, il montre à tout le baseball ce dont il est capable.

Son mois de septembre 1993 le place parmi l’élite du baseball: une fiche de 3-1 et une m.p.m. de 1,91 en cinq départs. Sa MPM+ (statistique avancée qui compare les lanceurs entre eux) de 222 ne ment pas: alors qu’un artilleur moyen reçoit une cote de 100, la sienne fait partie des meilleures du baseball.

«Comme joueur, je dis toujours qu’il y a deux moments marquants, s’est rappelé Boucher. Il y a mon premier départ dans les Majeures à Toronto et mon premier à Montréal. Entre ça, il y en a eu d’autres, comme la transaction qui m’a amené à Montréal. Ça a été un gros moment aussi.»

Ce premier départ à Montréal, le 6 septembre 1993, tous les amateurs de baseball de la province s’en souviennent. Ils étaient 40 066 au Stade olympique pour le voir dominer les frappeurs des Rockies pendant six manches, au cours desquelles il ne cède qu’un point sur six coups sûrs.

Membre de la rotation au début de 1994, les blessures l’empêcheront de poursuivre son rêve et il ne relancera plus dans les Majeures après le 21 mai cette année-là.

Sa carrière ne s’arrête toutefois pas là: de retour à Lachine, il prend les rênes de l’association locale, dont il deviendra président, un poste qu’il occupe de nouveau aujourd’hui. À compter de 2003, il devient également l’entraîneur des lanceurs du programme national sénior. Dans ce rôle, il a aidé le Canada à se qualifier pour les Jeux Olympiques de 2004 et de 2008, à trois Jeux panaméricains, où l’équipe a été sacrée deux fois, en 2011 et 2015, en plus de prendre part aux cinq Classiques mondiales de baseball.

Unanimité

Le Temple de la renommée du baseball canadien tente de récompenser les belles carrières professionnelles, mais aussi le rayonnement donné au baseball canadien. Sur ce point, Boucher fait l’unanimité.

«C’est un ensemble: sa carrière comme joueur a été excellente pour un Canadien de cette époque. Il a ouvert la porte à d’autres, a souligné Marc Griffin, analyste à RDS, mais aussi ex-coéquipier au sein du programme national et adversaire au baseball professionnel. C’est un gars qui jouit d’une grande crédibilité et qui fait l’unanimité au sein de la communauté du baseball au Canada.»

«Il est là en raison de ses accomplissement sur le terrain, hors du terrain et de son travail au sein de l’équipe nationale, a ajouté Agostino. Les gars qui l’ont eu au sein de l’équipe nationale, je n’en connais pas un qui parle en mal de lui. C’est rare! Il n’y a personne qui a joué avec Denis ou pour Denis qui n’irait pas à la guerre pour lui.

«Il a eu un impact dans plusieurs facettes du baseball canadien et ce, à tous les niveaux.»

«Je ne me rends pas compte de ce que j’ai redonné, a raconté le principal intéressé. C’était normal pour moi de participer à ces tournois avec l’équipe canadienne. C’était une belle opportunité pour moi de continuer dans le baseball. Je trouvais aussi normal de redonner au baseball mineur comme je l’ai fait à Lachine.»

Qu’on lui remémore ses plus hauts faits d’arme ne le rend toutefois pas plus à l’aise.

«C’est un bel honneur, mais je ne fais pas cela pour les honneurs et je ne suis pas très à l’aise d’en recevoir.»

Boucher, aujourd’hui dépisteur pour les Yankees de New York, sera intronisé samedi, en compagnie de l’ex-voltigeur des Jays et des Yankees Jesse Barfield, de l’ex-lanceur des A’s d’Oakland, des Cubs de Chicago et des Rangers du Texas Rich Harden, ainsi que du bâtisseur Joe Wiwchar.

Ces gens partageront la scène avec l’ex-commentateur des Expos Jacques Doucet et l’ex-premier-but des Jays John Olerud, élus en 2020, mais qui n’avaient pas encore été officiellement intronisés.

Finalement, La Presse Canadienne sera bien représentée avec Richard Milo, récipiendaire du prix Jack-Graney, remis à un représentant des médias qui a contribué de façon significative au rayonnement du baseball au Canada. Milo a couvert les Expos pendant 28 saisons, dont les 20 dernières au sein des services français de l’agence nationale.

Denis Boucher en chiffres:

MLB: 6-11, 5,42, 146 ml, 77 rab, 54 bb

Ligues mineures: 76-55, 3,80, 1086 ml, 679 rab, 367 bb.

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