Virani met en garde contre les «réactions à chaud» sur des libérations sous caution

Stephanie Taylor, La Presse Canadienne
Virani met en garde contre les «réactions à chaud» sur des libérations sous caution

OTTAWA — Les Canadiens devraient s’attendre à ce que les politiciens soutiennent leur droit à la libération sous caution et à la présomption d’innocence, affirme le cabinet du ministre fédéral de la Justice, qui prévient que des «réactions à chaud» et «mal informées» ne font qu’aggraver la situation.

Un jury à Toronto a acquitté dimanche Umar Zameer du meurtre au premier degré d’un policier qui avait été mortellement happé dans le stationnement souterrain de l’hôtel de ville de Toronto en juillet 2021.

Lors du procès, les procureurs ont plaidé que M. Zameer avait choisi de conduire dangereusement tout près de l’agent Jeffrey Northrup et de son collègue, deux policiers en civil. La défense a soutenu que l’accusé ne savait pas qu’ils étaient des policiers et qu’il avait estimé que sa famille était en danger lorsque deux inconnus se sont précipités vers son véhicule.

Au cabinet du ministre fédéral de la Justice, Arif Virani, on admet que les circonstances entourant la mort de l’agent Northrup ont infligé de «profondes blessures» à toutes les personnes impliquées.

Après que le jury a rendu son verdict, la juge, dans un geste inusité, a présenté ses excuses à M. Zameer pour tout ce qu’il avait subi depuis sa première accusation, dont plusieurs mois de détention jusqu’à ce qu’il soit libéré sous caution. Cette libération avait suscité à l’époque l’indignation du maire de Toronto et du premier ministre de l’Ontario, Doug Ford.

Ce n’est que lorsque le jury au procès a été en isolement qu’on a pu rendre publique la décision d’une autre juge sur la libération sous caution, qui démontrait la faiblesse du dossier de la Couronne pour une accusation de meurtre.

M. Ford a déclaré aux journalistes mardi qu’il ne disposait que d’«informations limitées» à l’époque lorsqu’il a qualifié la libération sous caution de M. Zameer de «complètement inacceptable» et d’exemple de la nécessité pour le système judiciaire «de se ressaisir». Le premier ministre avait également soutenu alors que M. Zameer était «la personne responsable» dans cette affaire.

«Un droit fondamental»

Le cabinet du ministre Virani estime que la population devrait être fière du fait que la culpabilité ou l’innocence d’un accusé soit décidée par des jurys et des juges «impartiaux».

«Les Canadiens devraient s’attendre à ce que les politiciens soutiennent les droits fondamentaux à la base de notre système judiciaire, y compris la présomption d’innocence et le droit à une caution raisonnable», a écrit mardi soir Chantalle Aubertin, porte-parole du ministre fédéral.

«Il est rare que tous les faits d’une affaire soient connus [d’entrée de jeu]. Des réactions spontanées et mal informées peuvent aggraver les choses dans des situations où les gens souffrent déjà.»

L’Association canadienne des libertés civiles et l’Association des avocats criminalistes affirment toutes deux que le cas de M. Zameer souligne à quel point la libération sous caution est essentielle dans le système judiciaire et devrait servir de leçon quant aux raisons pour lesquelles les dirigeants politiques feraient mieux de s’abstenir de peser sur de telles décisions.

Shakir Rahim, qui dirige le programme de justice pénale au sein de l’Association canadienne des libertés civiles, souligne que sans libération sous caution, M. Zameer, un homme innocent, aurait passé près de trois ans derrière les barreaux.

Selon M. Rahim, les politiciens qui critiquent les décisions de libération sous caution courent le risque «d’enflammer l’opinion publique» à l’égard d’un individu, ce qui suscite des inquiétudes quant à son droit à un procès juste et équitable.

L’année dernière, les libéraux fédéraux ont introduit une série de mesures de libération sous caution plus strictes, après que les conservateurs, les premiers ministres des provinces et les chefs de police se sont inquiétés du fait que cette mesure était trop facile d’accès pour les récidivistes violents.

M. Virani, qui a piloté le projet de loi au Parlement après David Lametti, a plaidé que ces réformes ciblaient les accusés avec des antécédents criminels violents. Mais des opposants préviennent que ces réformes risquent de contribuer à la surreprésentation en détention préventive des Autochtones, des Noirs et d’autres personnes marginalisées.

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