OTTAWA — Un projet de modification de l’impôt sur le revenu visant à lutter contre l’évasion fiscale transfrontalière pourrait involontairement augmenter les factures d’électricité et les tarifs du gaz naturel pour les consommateurs, prévient Électricité Canada.
Si le Canada ajuste le montant des intérêts des dettes que les sociétés multinationales peuvent déduire de leurs impôts sur le revenu, affirme le groupe de défense, cela pourrait signifier que certains services publics privés devront payer des dizaines de millions de dollars en nouveaux impôts.
«Si vous limitez le montant des intérêts pouvant être déduits, il existe également une obligation de répercuter ces coûts sur les clients», a déclaré Michael Powell, vice-président des relations gouvernementales de l’association.
Cet ajustement fait partie du projet de loi du gouvernement visant à mettre en œuvre son énoncé économique de l’automne et survient alors que la ministre des Finances, Chrystia Freeland, tente de mieux aligner le Canada avec les recommandations internationales.
Les lignes directrices de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) visent à empêcher les sociétés multinationales de transférer leurs revenus ou leurs dettes entre juridictions afin de réduire leur facture fiscale globale.
L’OCDE affirme que ce n’est pas une pratique rare.
L’uniformisation du montant des intérêts pouvant être déduits limite les avantages de telles tactiques et contribue à prévenir l’évasion fiscale dans les pays en développement qui dépendent souvent fortement des taux d’imposition plus élevés sur les sociétés.
Le projet de loi C-59 des libéraux, actuellement débattu à la Chambre des communes, établit un nouveau ratio qui limiterait le montant des intérêts pouvant être déduits par les entreprises canadiennes qui font des affaires dans au moins un autre pays.
Cela englobera également plusieurs services publics privés, a indiqué M. Powell.
Il a déclaré que ces services publics sont fortement réglementés, ce qui les empêche déjà, pour la plupart, d’adopter des mesures majeures d’évasion fiscale telles que le transfert de dettes.
Toutefois, pour maintenir les taux bas, ils doivent aussi généralement maintenir des niveaux d’endettement élevés, ce qui allonge les coûts des investissements en capital sur de longues périodes.
M. Powell a affirmé que, comme les entreprises de services publics n’ont pas la capacité de réduire leur endettement, la législation pourrait créer une imposition importante de nouveaux coûts – et ainsi augmenter les tarifs.
«D’autres pays, comme les États-Unis, l’Irlande et le Royaume-Uni, viennent d’exempter les services publics réglementés», a-t-il expliqué.
«Parce que c’est le moyen le plus simple de s’assurer que l’on ne punit pas les organisations qui font des choses sensées. Ce n’est pas vraiment ce que l’on cherchait à faire avec ce changement de règles.»
L’ajustement n’affectera pas les entreprises publiques telles que Manitoba Hydro ou SaskEnergy, ce qui signifie également qu’il y aura des impacts inégaux sur les tarifs de l’électricité et du gaz selon l’endroit où vivent les gens.
M. Powell a également dit que le changement limiterait les investissements que les services publics privés peuvent faire pour étendre le réseau électrique ou investir dans la technologie visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Le bureau de Mme Freeland n’avait pas encore répondu à une demande de commentaires au moment de publier.
Lors d’une réunion du comité des finances de la Chambre des communes la semaine dernière, le député conservateur Philip Lawrence a interrogé une responsable du ministère sur le type de consultation et d’étude qui avait eu lieu avant que la mesure ne soit incluse dans le projet de loi.
Lindsay Gwyer, directrice générale de la Division de la législation de l’impôt à Finances Canada, a déclaré que de vastes consultations avaient eu lieu.
Mme Gwyer n’a pas été en mesure de fournir immédiatement des détails sur la manière dont l’impact économique du changement ou l’effet qu’il pourrait avoir sur les tarifs ont été étudiés.
M. Lawrence a indiqué qu’il craignait que l’idée n’augmente les coûts pour les consommateurs «à une époque où de nombreux Canadiens connaissent actuellement la pauvreté énergétique».
