Un juge ordonne à l’Alberta de montrer ses documents sur l’exploitation du charbon

Bob Weber, La Presse Canadienne
Un juge ordonne à l’Alberta de montrer ses documents sur l’exploitation du charbon

EDMONTON — Le gouvernement de l’Alberta doit produire des milliers de documents sur ses tentatives visant à encourager l’exploitation minière du charbon dans les Rocheuses, après qu’un juge a rejeté une tentative visant à bloquer leur publication.

En refusant la demande de contrôle judiciaire du gouvernement concernant l’ordonnance de communication des documents, le juge Kent Teskey a averti le gouvernement que les tribunaux voient d’un mauvais œil le recours aux délais pour neutraliser les tentatives du public de comprendre comment les décisions importantes sont prises.

«Les parties requérantes se sont vu pratiquement refuser l’accès aux informations auxquelles elles ont droit en vertu de la loi et ce tribunal n’encouragera pas cette conduite en offrant un contrôle judiciaire», a-t-il écrit dans un jugement rendu public vendredi.

«Si les organismes publics ne veulent pas ou ne peuvent pas s’acquitter de leurs obligations en vertu de la Loi d’accès à l’information, ils doivent s’attendre à ce que les tribunaux exercent un niveau élevé de contrôle sur la possibilité d’un examen judiciaire», a-t-il ajouté. 

Le jugement fait référence à une tentative d’un groupe d’éleveurs de bœufs du sud de l’Alberta de comprendre pourquoi le gouvernement du Parti conservateur uni avait choisi en 2020 de mettre fin à une politique qui protégeait depuis des décennies les Rocheuses des mines de charbon à ciel ouvert. 

En 2020, le groupe a demandé au ministère de l’Énergie, «Alberta Energy», des notes d’information, des notes internes, des rapports et de la correspondance.

La loi stipule qu’un organisme public dispose d’un délai de 30 jours pour déployer des efforts raisonnables afin d’y répondre, mais peut accorder une prolongation de 30 jours. Ces prolongations ont été imposées sans relâche et après 15 mois, le ministère a dévoilé publiquement 30 pages de ce qu’il prétendait être 6539 dossiers.

Il a finalement refusé d’en rendre public davantage, invoquant les exemptions autorisées par la loi. Les éleveurs ont fait appel de cette décision auprès du bureau du Commissaire à l’information et à la protection de la vie privée, et les exemptions ont été rejetées.

Le juge n’a pas retenu la demande du gouvernement visant à obtenir un contrôle judiciaire de cette décision, affirmant qu’elle s’appuyait trop sur des failles concernant les discussions du cabinet.

«Le secret du cabinet est essentiel pour garantir que le gouvernement puisse délibérer librement et sans entrave, mais il n’est pas là pour permettre de gouverner en secret», a écrit le juge Teskey.

Il a aussi indiqué que le gouvernement avait modifié, sans explication, le nombre de documents en question, réduisant ainsi le nombre initial de plus d’un tiers.

«Je suis préoccupé par l’attitude apparemment désinvolte qu’Alberta Energy a adoptée en présentant le nombre de dossiers devant le commissaire», a écrit le juge Teskey.

Sa décision a souligné l’importance d’un accès rapide aux documents gouvernementaux.

«Chaque Albertain a droit à avoir accès aux documents de son gouvernement. Il s’agit d’un pilier essentiel d’une démocratie fonctionnelle. Il est difficile de ne pas regarder l’historique de cette affaire et de ne pas considérer les droits essentiels inhérents à l’accès à l’information comme étant largement illusoires.»

«Rien n’a de sens dans ce dossier»

Laura Laing, l’une des productrices qui ont fait la demande d’informations, a soutenu que le combat de quatre ans en valait la peine. «Je pense que le gouvernement s’attend à ce que les gens abandonnent. Nous sommes des éleveurs. Nous sommes courageux.»

Mme Laing a affirmé qu’elle avait jusqu’à présent reçu 609 pages de documents et que beaucoup avaient été fortement caviardées. «Il faudra probablement des années avant de pouvoir supprimer tout le caviardage, mais nous sommes déterminés.»

La décision politique du gouvernement à l’origine de leur demande a depuis été annulée. Mais Mme Laing croit qu’il valait la peine de comprendre comment tout cela a commencé.

«Rien dans ce dossier du charbon n’a de sens depuis le début. Nous et les Albertains méritons de connaître la vérité derrière des décisions comme celle-ci.»

Alberta Energy n’a pas été en mesure de commenter immédiatement la décision.

La porte-parole de l’opposition néo-démocrate en matière d’environnement, Sarah Elmeligi, a avancé dans un communiqué que la plupart des Albertains s’opposent à l’exploitation du charbon dans les Rocheuses.

«Le Parti conservateur uni a choisi de cacher les informations que le public a demandées, qu’il a le droit de connaître et qu’il est désormais mandaté par un juge de partager, a-t-elle écrit. Les Albertains ne devraient pas avoir à se battre pendant des années simplement pour obtenir un peu d’honnêteté de la part de leur gouvernement. Si le parti n’a vraiment rien à cacher, il ne devrait y avoir aucune hésitation à publier tous les documents associés à l’exploitation du charbon dans les Rocheuses.»

Récemment, le ministère a donné des instructions à l’organisme responsable de l’énergie de la province pour qu’il examine les demandes de permis d’exploration dans les Rocheuses émanant d’une société charbonnière australienne. Ces demandes doivent être soumises à des audiences publiques plus tard ce printemps.

En janvier, le quotidien «Globe and Mail» a rapporté que le Bureau du commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Alberta avait lancé une enquête auprès de divers ministères gouvernementaux au sujet du non-respect de la loi provinciale sur l’accès à l’information.

Dans une enquête sur la liberté d’information à travers le Canada, le quotidien a découvert que l’Alberta était la seule province à refuser de fournir des informations de base sur le fonctionnement de son système d’accès.

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