Terre-Neuve-et-Labrador: les médecins submergés de demandes d’aide médicale à mourir

Sarah Smellie, La Presse Canadienne
Terre-Neuve-et-Labrador: les médecins submergés de demandes d’aide médicale à mourir

SAINT-JEAN, T.-N.-L. — La même poignée de médecins et d’infirmières praticiennes qui ont contribué à l’introduction de l’aide médicale à mourir à Terre-Neuve-et-Labrador traitent un nombre sans cesse croissant de demandes– si bien qu’ils estiment ne peuvent plus pouvoir le faire seuls.

Les demandes d’aide médicale à mourir dans la province augmentent d’année en année, dépassant le nombre de travailleurs de la santé disponibles pour évaluer ces demandes, a déclaré le Dr Aaron McKim, médecin de famille et chef de l’aide médicale à mourir de la régie provinciale de la santé.

«L’année dernière, c’était la première fois que nous nous heurtions au mur, où un certain nombre de médecins nous ont dit : «Je ne peux pas faire ça pendant un moment, j’ai besoin de faire une pause», a relaté le Dr McKim  dans une récente entrevue. Nous recevions donc des demandes d’AMM et nous devions dire aux gens que nous n’avions personne pour pratiquer l’AMM.»

La situation s’est aggravée, au point où en avril, le Dr McKim a déclaré à ses collègues, dans une note d’information, qu’il y avait six personnes en attente d’une évaluation pour l’AMM et qu’au moins un patient avait attendu environ cinq mois pour une évaluation.

Terre-Neuve-et-Labrador a enregistré le plus faible taux de décès médicalement assistés au pays au cours des quatre dernières années, selon un rapport publié le mois dernier par Santé Canada. Environ 1,5 % des décès dans la province en 2022 ont été assistés par un médecin, contre une moyenne nationale d’environ 4,1%.

Mais dans la région est de la province, qui comprend la capitale Saint-Jean et abrite environ 60% de la population provinciale, le nombre de personnes demandant une aide médicale à mourir est passé de 16 en 2019 à 107 en 2022, a déclaré le Dr McKim dans son rapport. Il y a eu 37 demandes au premier trimestre 2023.

Chaque demande d’AMM doit être évaluée par au moins deux évaluateurs, qui peuvent être des médecins ou des infirmières praticiennes. Sept professionnels de la santé ont effectué 75 pour cent des évaluations primaires pour toutes les demandes dans la région entre 2016 et le 31 août 2021, indique la note de McKim. Huit personnes ont effectué 76% des évaluations primaires en 2022.

Au 25 mai, sept personnes dans la région attendaient que leur candidature soit pleinement évaluée, ont indiqué des responsables dans un courriel. Trois patients avaient encore besoin de deux évaluateurs et ont dû attendre jusqu’à 113 jours.

L’écrasante majorité des demandes concernaient des morts médicalement assistées de première catégorie, c’est-à-dire des cas où une mort naturelle est prévisible.

Les patients dont la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible, mais dont l’état entraîne des souffrances intolérables, peuvent demander une aide à mourir de deuxième catégorie. Il y a eu cinq demandes de deuxième voie dans la région de l’Est en 2021 et neuf en 2022. Neuf demandes ont été déposées entre janvier et septembre.

Dans une déclaration envoyée par courriel, le ministère de la Santé de la province a déclaré qu’il comprenait que l’accès à l’AMM est important. Les honoraires des médecins pour les évaluations ont été négociés avec l’association médicale de la province, indique le communiqué.

Tous ceux qui demandent une évaluation ne souhaiteront pas nécessairement une aide médicale à mourir, a noté le Dr McKim. Par exemple, 10 évaluations de deuxième voie ont été effectuées au cours de l’année depuis le 1er septembre 2022, mais aucune procédure n’a eu lieu. Au cours de la même période, il y a eu 87 demandes de première étape et 46 procédures.

Parfois, le simple fait d’être approuvé pour l’AMM permet aux patients de se sentir plus en contrôle après avoir reçu un diagnostic qui change leur vie, a déclaré M. McKim.

«Cela permet de rassurer les gens : si les souffrances deviennent trop graves, ils auront une porte de sortie, a-t-il déclaré. En tant que praticien de l’AMM, mon objectif est de pouvoir aider quelqu’un à avoir le choix. Et ce qu’il choisit de faire en fin de compte, cela dépend de lui.»

Partager cet article
S'inscrire
Me notifier des
guest
0 Commentaires
Inline Feedbacks
Voir tous les commentaires