Le SPVM veut mieux gérer les cas d’étranglement pour combattre la violence conjugale

La Presse Canadienne
Le SPVM veut mieux gérer les cas d’étranglement pour combattre la violence conjugale

MONTRÉAL — Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) et le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) ont lancé un projet pilote pour aider les autorités à mieux répondre aux cas d’étranglements en contexte de violence conjugale, mardi.

La police de Montréal a expliqué que ces situations demandent une attention particulière puisque les victimes d’étranglement dans ce contexte sont considérablement plus à risque d’être tuées par leurs agresseurs dans le futur.

Le projet pilote, qui sera appliqué dans l’est de Montréal pour une période de 18 mois, permettra d’enseigner aux policiers et aux procureurs comment mieux identifier et répondre aux cas de violence conjugale dans lesquels l’étranglement est un facteur.

Les policiers suivront une formation spécifique, tandis que les victimes recevront plus d’appui et d’informations à propos des symptômes dont elles pourraient souffrir lors des heures et des jours suivant un étranglement.

Le DPCP a pour sa part indiqué que le projet aidera les autorités à être plus efficaces dans la collecte de preuves dans les cas d’étranglement pour porter des accusations.

La commandante du SPVM Anouk St-Onge a eu l’idée du projet alors qu’elle participait à une conférence aux États-Unis en 2021 sur la violence faite aux femmes. Elle a alors réalisé que ce qu’elle croyait savoir sur les strangulations — notamment que l’étouffement laisse des marques visibles ou que les victimes ne peuvent pas crier — était en fait basé sur «des mythes et des préjugés» et que d’autres juridictions avaient de meilleures pratiques que le Québec.

Lors d’un entretien téléphonique mardi, elle a déclaré que l’étranglement est «un acte de domination et de contrôle» qui n’est pas loin derrière l’homicide en termes de gravité. Cela fait aussi généralement partie d’un schéma d’abus plus large, a-t-elle ajouté.

«L’agresseur montre à la victime qu’il peut la tuer et, en même temps, il ne sait pas à quel moment il va la tuer. Il peut maintenir sa pression et il la tuera», a-t-elle expliqué. 

Maya Ducasse-Hathi, une procureure en matière de violence conjugale impliquée dans le projet, a souligné que le bureau du procureur du Québec a comptabilisé 551 cas d’étranglement pour violence conjugale l’an dernier, à Montréal seulement. La grande majorité des victimes sont des femmes et les chiffres officiels ne représentent probablement que la «pointe de l’iceberg», selon elle, puisque l’étranglement «est une infraction qui n’est pas signalée».

Une prise de conscience croissante au Canada

Amélie Lamontagne, qui se concentre sur les traumatismes crâniens et cérébraux en tant que coordonnatrice du groupe de prévention de la violence conjugale Alliance MH2, affirme que l’étouffement est un acte courant de violence conjugale et l’une des agressions qui peuvent avoir les plus graves répercussions à long terme sur la santé.

Elle rappelle que restreindre l’afflux de sang et d’air peut rapidement entraîner des lésions cérébrales et que l’étouffement peut entraîner non seulement des douleurs à la tête et au cou, mais également des difficultés d’élocution et des problèmes cognitifs et de mémoire.

«Les étranglements sont particulièrement dangereux, notamment en termes d’écrasement des vaisseaux sanguins, car ils peuvent créer des blessures très rapidement, en quelques secondes», a-t-elle indiqué lors d’un entretien téléphonique.

De plus, l’étranglement fait partie d’un «schéma de violence», ce qui signifie qu’il se produit souvent plus d’une fois au cours de la relation. Les dommages s’aggravent avec le temps, rendant les blessures permanentes plus probables.

Il peut également être difficile pour les policiers de reconnaître les symptômes d’étranglement sans formation, car les victimes risquent de ne pas être capables de parler correctement et il n’y aura pas nécessairement de marques visibles, a-t-elle soutenu.

Selon Mme Lamontagne, il y a eu une prise de conscience croissante au Canada du danger d’étranglement, ce qui a conduit à l’ajout d’une nouvelle infraction liée à l’étranglement au Code criminel en 2019.

Mais elle dit qu’il reste encore beaucoup à faire et se réjouit de voir la police de Montréal prendre des mesures pour mieux lutter contre «l’un des outils les plus violents et les plus intenses dans un contexte de violence conjugale».

Elle a toutefois souligné que plusieurs victimes ne s’adressent pas à la police et que l’éducation aux dangers de l’étranglement est nécessaire pour toute personne interagissant avec des victimes potentielles, y compris dans le réseau de la santé et des services sociaux.

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