Ottawa met à jour sa politique de défense, en misant notamment sur l’Arctique

Sarah Ritchie, La Presse Canadienne
Ottawa met à jour sa politique de défense, en misant notamment sur l’Arctique

OTTAWA — L’armée canadienne jouera un rôle plus important dans le Nord au cours des deux prochaines décennies alors que le changement climatique et des ennemis de plus en plus musclés menacent la souveraineté de l’Arctique, indique un nouveau document sur la politique de défense, publié lundi.

Le premier ministre Justin Trudeau était accompagné du ministre de la Défense, Bill Blair, de la ministre des Anciens Combattants, Ginette Petitpas-Taylor, et de la ministre des Finances, Chrystia Freeland, pour annoncer la nouvelle politique de défense du Canada, à la base de Trenton, en Ontario.

«Le changement climatique remodèle rapidement le Canada et notre Nord», a précisé M. Trudeau.

Le gouvernement prévoit acheter de nouveaux véhicules adaptés aux conditions polaires du Nord, construire une station satellite au sol dans l’Arctique et établir des centres d’opérations dans le Nord.

En plus des moyens aériens et terrestres, le Canada doit être prêt à se défendre sous la glace, indique le document.

En 2021, la Marine royale canadienne a lancé une initiative très attendue pour remplacer les quatre sous-marins de classe Victoria du pays, qui atteindront la fin de leur durée de vie au milieu des années 2030.

La politique de défense actualisée prévoit l’achat de sous-marins à propulsion conventionnelle – mais le premier ministre a laissé la porte ouverte lundi à une option à propulsion nucléaire.

«C’est certainement ce que nous examinerons, quant au type de sous-marins le plus approprié pour la responsabilité du Canada de protéger le plus long littoral du monde, et certainement le plus long littoral arctique du monde», a-t-il déclaré lundi.

Parallèlement, M. Trudeau a déclaré que le Canada étudiait la possibilité de rejoindre la deuxième phase de l’accord de coopération militaire tripartite «AUKUS», dirigée par les États-Unis avec le Royaume-Uni et l’Australie.

Le pilier initial de cette alliance était axé sur le développement de sous-marins à propulsion nucléaire pour l’Australie. Sa deuxième phase se concentre sur des capacités avancées telles que l’informatique quantique, l’intelligence artificielle et les cybertechnologies.

Les Forces armées canadiennes mettent en place un nouveau «cyber commandement», qui verra les militaires travailler avec le Centre de la sécurité des télécommunications — le service de renseignement électronique du Canada.

Pas encore le 2 % du PIB

Au total, la politique «Notre Nord, fort et libre: Une vision renouvelée pour la défense du Canada» portera les dépenses militaires à 1,76 % du PIB d’ici 2030.

Cela implique de consacrer 8,1 milliards $ supplémentaires au cours des cinq prochaines années et de dépenser 73 milliards $ d’ici 2044.

La politique prévoit 9,5 milliards $ sur 20 ans pour commencer à accélérer la production de munitions d’artillerie, 307 millions $ pour des avions de détection aérienne avancée et 2,7 milliards $ pour acheter des missiles à longue portée. Elle prévoit que les dépenses annuelles de défense auront doublé entre 2016 et 2026.

Tout cela laisse encore le Canada en deçà du minimum de 2 % que les alliés de l’OTAN ont convenu de dépenser en juillet dernier. Les derniers chiffres de l’OTAN montrent que le Canada consacre 1,33 % de son PIB à la défense et est à la traîne par rapport à un nombre croissant de pays.

Mais le coût d’achat de ces nouveaux sous-marins n’a pas encore été calculé, a déclaré M. Trudeau lundi, soulignant que les dépenses totales augmenteraient.

L’ambassadeur des États-Unis au Canada, David Cohen, a déclaré que cette politique mise à jour «semble articuler un acompte substantiel vers la promesse du Canada de respecter son engagement envers l’OTAN».

Les libéraux avaient promis pour la première fois une politique de défense actualisée il y a plus de deux ans, à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

La publication survient à un moment où des problèmes persistants de recrutement et de rétention ont plongé les forces armées dans une crise de personnel, avec plus de 16 000 postes vacants. Dix mille autres soldats ne disposent pas d’une formation adéquate pour pouvoir être déployés.

«Au cours des dernières années, plus de personnes ont quitté les Forces armées canadiennes que celles qui se sont jointes aux Forces, et nous avons étudié en profondeur pourquoi cela se produit», a déclaré le ministre Blair.

Les facteurs de désaffection

Le gouvernement a identifié certains des facteurs qui empêchent les Canadiens de revêtir l’uniforme militaire: «le fardeau des affectations fréquentes, le manque de possibilités d’emploi pour les conjoints, l’accès limité aux soins de santé et aux services de garde d’enfants, le marché du logement sursaturé et les coûts élevés associés à la réinstallation».

Le gouvernement prévoit lancer une stratégie de logement des Forces armées canadiennes, au coût de 295 millions $ sur 20 ans, et dépenser 100 millions $ sur cinq ans pour améliorer l’accès aux services de garde pour les militaires afin de résoudre ces problèmes.

Il s’engage également à réformer les processus de recrutement et à les accélérer, tout en examinant les moyens d’assouplir si possible certaines exigences médicales.

Dans un communiqué, les conservateurs fédéraux ont qualifié le plan de désespéré et ont critiqué le projet de dépenser la majeure partie de l’argent au cours des années à venir.

«Trudeau repousse encore une fois la situation en engageant la plupart des dépenses de défense dans l’annonce d’aujourd’hui jusqu’après les prochaines élections», a déclaré le porte-parole en matière de défense, James Bezan, dans un communiqué.

Questionné sur le plan des libéraux, le lieutenant politique des conservateurs au Québec, Pierre Paul-Hus, a indiqué que sa formation politique ne voulait certainement pas couper dans la défense.

«Je sais qu’il y a une orientation pour le Nord qui est très importante. Donc, on ne peut pas être contre ça. Maintenant, est ce que c’est assez? Est ce qu’il y a moyen de faire autrement? Il faut que je regarde davantage. Je n’ai pas fait le détail de ça, mais pour nous, c’est important d’avoir une défense qui est plus forte», a-t-il répondu.

Concernant l’objectif de 2 % du PIB en matière de défense, M. Paul-Hus a parlé d’une «cible», tout en disant qu’il faut surtout bien faire les choses.

«Le deux pour cent, c’est une cible, mais en même temps, il y a la façon de faire avec l’approvisionnement de défense. (…) On a beaucoup d’argent qui se gaspille parce qu’on a un problème structurel en approvisionnement de défense. Tant qu’on ne réglera pas nos problèmes structuraux de contrats de dépenses qui se font en supplément de ce qui devrait être, on n’avancera jamais», a-t-il soutenu, ajoutant que l’idée n’était pas «de mettre de l’argent pour de l’argent, mais de renforcer adéquatement avec les budgets prévus».

Les responsables de la défense affirment qu’ils réexaminent les mécanismes d’approvisionnement, un problème de longue date, dans le but de les rationaliser. La politique note que lors des consultations, l’industrie de la défense a déclaré qu’elle devait «réinitialiser» ses relations avec le gouvernement.

«Les représentants de l’industrie et les experts ont également réclamé des processus d’approvisionnement en matière de défense plus rapides et plus souples, des chaînes d’approvisionnement sûres et des investissements pour moderniser l’infrastructure de défense, en particulier dans le Nord du Canada», lit-on dans le document. 

Le gouvernement s’engage également à revoir sa politique de défense tous les quatre ans.

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