Ottawa envisage des peines plus sévères en cas de vol de voiture

Michel Saba, La Presse Canadienne
Ottawa envisage des peines plus sévères en cas de vol de voiture

OTTAWA — Le gouvernement fédéral envisage de renforcer les peines pour les criminels qui volent des voitures, a indiqué le premier ministre Justin Trudeau, jeudi, en ouverture d’un sommet national d’une journée à Ottawa sur la meilleure façon de lutter contre le fléau du vol d’automobiles.

L’augmentation des vols au cours des dernières années est «alarmante», a-t-il déclaré devant cinq de ses ministres, des chefs de police, des responsables de l’industrie automobile et du secteur de l’assurance notamment.

Il s’en est pris à son rival conservateur Pierre Poilievre, affirmant que des «slogans accrocheurs» et des vidéos de deux minutes ne résoudraient pas le problème.

Le ministre de la Justice, Arif Virani, a lui aussi affirmé qu’il examinera «de près» le Code criminel, bien que des «mesures robustes» y sont déjà prévues pour lutter contre les vols de véhicules.

Lors d’une conférence de presse, M. Virani a expliqué vouloir «faire le pont» entre les dispositions déjà existantes qui punissent le vol et le crime organisé en mettant «l’accent sur le problème de la piraterie routière».

Le ministre de l’Industrie, François-Philippe Champagne, a également annoncé qu’Ottawa interdira l’importation, la vente et l’usage par des consommateurs d’appareils permettant de détecter le signal de clés électroniques qui sont utilisés pour commettre ces crimes.

Violence

Les vols de véhicules sont «de plus en plus violents», a noté le ministre québécois de la Sécurité publique, François Bonnardel. D’ailleurs, plus tôt cette semaine, une policière de Montréal a été blessée lorsqu’un voleur de voiture a foncé sur elle à bord d’un véhicule.

«Il y a des endroits où les gens sont sortis avec des pistolets pointés aux propriétaires. (…) Il y a des situations qu’ils ont défoncé des portes de résidence pour aller chercher des clés. C’est du jamais vu», a déclaré le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada, Mike Duheme, en mêlée de presse.

Bon nombre d’entre eux, a-t-il décrit, sont des «jeunes voyous» âgés de 14 à 18 ans qui n’ont aucune «valeur humaine» lorsqu’ils commettent leurs crimes, si bien que ceux-ci sont d’une «extrême violence». Ils se feraient payer entre 1000 $ et 3000 $ par vol.

Selon le commissaire, le problème est plus criant aujourd’hui en raison de la présence croissante des gangs de rue dans la société.

Et personne n’est à l’abri. La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a raconté s’être fait voler son propre véhicule.

Un véhicule est volé «chaque cinq minutes» au pays, a illustré une dirigeante d’Équité Association, un organisme de prévention de la criminalité et de la fraude en matière d’assurance. Le crime est évalué à 1,2 milliard $ chaque année.

Au Québec, il y a eu «trois fois plus» de dossiers de vols de véhicules ouverts l’an dernier par rapport à 2019, a noté la directrice générale de la Sûreté du Québec, Johanne Beausoleil.

Elle a expliqué que le port de Montréal est «le lieu de transit privilégié» pour l’exportation des véhicules volés en Ontario et au Québec et que la majorité des véhicules volés sont expédiés vers l’Afrique et le Moyen-Orient.

Solutions

Le président de l’Association des directeurs de police du Québec et vice-président du regroupement des chefs de police du Canada, Pierre Brochet, a demandé au gouvernement fédéral des fonds pour colmater le problème à court terme et rendre le vol de véhicules plus difficile à long terme.

M. Brochet, qui dirige également la police de Laval, a dressé une liste d’enjeux sur lesquels travailler: l’offre et la demande de véhicules volés, le crime organisé impliqué dans ces vols, le travail d’enquête et de renseignement policier, les peines et les libertés sous caution, les capacités technologiques dont les systèmes de repérage et la sécurisation des véhicules par les constructeurs.

Il suggère «une restructuration» de l’Agence des services frontaliers du Canada afin d’avoir une organisation «forte avec un mandat clair».

Les policiers canadiens réclament notamment la possibilité de désactiver à distance un véhicule, un peu comme il est possible de le faire avec un téléphone, ce qui le rend inutilisable, a mentionné le commissaire de la Police provinciale de l’Ontario, Thomas Carrique.

Au moment de quitter, le ministre de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc, a dit qu’il souhaite développer «très vite» un «plan d’action concret» avec une «marche à suivre».

Le ministre des Transports, Pablo Rodriguez, a quant à lui appelé à un meilleur partage d’information. Il a rapporté des propos d’une compagnie de camionnage rencontrée récemment qui lui racontait qu’ils déposent «le trailer» chez le client et quitte.

«La personne (…) met deux voitures dedans (le conteneur), le ferme, met un cadenas qu’on n’a pas le droit d’ouvrir, et écrit «Frididaires» dessus, puis on s’en va», a-t-il relaté.

Les oppositions déçues

Lors de la période des questions à la Chambre des communes, le leader parlementaire des conservateurs, Andrew Scheer, a demandé aux libéraux d’abandonner leur approche «laxiste» en matière de criminalité afin de faire diminuer les vols de véhicules.

«Le précédent gouvernement conservateur a réduit les vols de voitures grâce à des politiques de gros bon sens, comme des sanctions plus sévères pour les récidivistes, a-t-il dit. Le premier ministre a changé cela et a accordé aux voleurs de voitures une libération sous caution et une assignation à résidence faciles.»

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, s’est pour sa part désolé que des élus annoncent des décisions avant même d’entendre les experts.

«Ça sert à quoi de consulter les gens, au premier chef les corps policiers, si tous les chefs de partis se mettent en ligne puis vont donner le spectacle électoraliste avant même de savoir ce qui va sortir du sommet sur le vol de véhicules automobiles?», a-t-il demandé.

Le Nouveau Parti démocratique réclame plus d’investissements dans l’Agence des services frontaliers. «Il manque toujours 800 agents à la frontière», a insisté son porte-parole en matière de sécurité publique, Peter Julian.

M. Julian a aussi indiqué qu’il n’est «pas contre» l’idée de renforcer le Code criminel et qu’il est favorable à une réforme des libérations sous cautions.

Mercredi, le gouvernement a débloqué 28 millions $ d’argent frais pour aider à lutter contre l’exportation de véhicules volés, après que l’opposition du Parti conservateur eut fait des pressions persistantes pour que le problème soit résolu.

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