Ottawa dédie 50 millions de dollars à la francisation au Québec

Michel Saba, La Presse Canadienne
Ottawa dédie 50 millions de dollars à la francisation au Québec

OTTAWA — Le gouvernement Trudeau entend consacrer 50 millions de dollars des fonds destinés à la communauté anglophone du Québec pour des programmes de francisation, une somme que le Bloc québécois considère comme «de la poudre aux yeux» compte tenu des montants  dédiés à «promouvoir l’anglais».

Le chiffre de 50 millions $ a été révélé mercredi soir en comité parlementaire au fil d’un échange intense et parfois difficile à suivre entre le ministre des Langues officielles, Randy Boissonnault et le porte-parole bloquiste en matière de langues officielles, Mario Beaulieu.

«Parlons des vraies choses: 40% (de l’argent) octroyé aux anglophones, c’est pour les franciser, pour qu’ils aient accès au marché du travail», a d’abord lâché le ministre.

Visiblement surpris, M. Beaulieu, qui l’interrogeait, lui a rétorqué que «dans le passé, c’était tout au plus 6% du budget». 

Le ministre l’a alors assuré de la fiabilité de la donnée alors qu’à ses côtés la sous-ministre au Patrimoine canadien, Isabelle Mondou, hochait de la tête à la question: «ça va être vérifiable?».

M. Boissonnault a ensuite précisé qu’il s’agit de 50 des «137 millions $ qui vont être versés pour les anglophones au Québec» en vertu du Plan d’action sur les langues officielles.

Le ministre semblait faire référence aux 137,5 millions $ que le gouvernement avait ajoutés le printemps dernier à l’enveloppe allouée au financement de certaines initiatives qui visent spécifiquement la communauté anglophone du Québec.

Or, c’est un montant considérablement plus important qu’Ottawa versera à celle-ci. Il devrait être, grosso modo, de 820 millions de dollars sur cinq ans.

C’est que le plan d’action prévoit sur cette période des investissements de 4,1 milliards de dollars à l’échelle du pays. Et, historiquement, environ 20% des sommes vont à la communauté anglophone du Québec, selon ce qu’avait indiqué le printemps dernier une haute fonctionnaire du ministère du Patrimoine canadien.

En comité, le député bloquiste a tenté de savoir si ce sont effectivement «40%» des fonds destinés au Québec qui serviront à promouvoir le français.

«Pas pour le moment, parce que la responsabilité du plan d’action et des langues officielles c’est de protéger les communautés minoritaires et grâce au fait que le Québec est francodominant, il n’y a pas de financement ici», lui a concédé le ministre.

M. Boissonnault a cependant évoqué que davantage de fonds pourraient servir à soutenir le français au Québec. Cela nécessitera «une conversation plus large» entre Ottawa et la province et des discussions ont été entamées notamment avec le ministre québécois de la Langue française, Jean-François Roberge, a-t-il déclaré.

En entrevue avec La Presse Canadienne après la réunion, M. Beaulieu a jugé que, toutes proportions gardées, 50 millions $ «ce n’est pas grand-chose» et qu’Ottawa continue, comme il le fait depuis l’adoption de la première loi sur les langues officielles en 1969, à financer «essentiellement à l’anglais» au Québec.

«C’est du pareil au même, c’est bonnet blanc, blanc bonnet, a-t-il dit. Normalement, c’est le français qui est menacé. C’est le français qui est en déclin au Québec. Le financement devrait servir à protéger le français.»

Lorsque le gouvernement fédéral avait annoncé son nouveau plan d’action pour les langues officielles il y a quelques mois, le ministre Roberge avait déploré n’avoir «pas vu» des mesures «en concordance» avec les déclarations du premier ministre Justin Trudeau voulant que le français soit menacé au Québec.

«Je veux bien, moi, que les communautés anglophones du Québec aient les moyens de se développer, de se déployer, avait-il déclaré. Mais qu’en est-il pour les organismes communautaires, les organisations qui défendent le fait français au Québec? Ça prend une asymétrie.»

Il avait ensuite réclamé que l’enveloppe supplémentaire de 137,5 millions dédiée à la communauté anglophone serve à la francisation et avait constaté «de l’ouverture» d’Ottawa pour répondre aux «préoccupations» du gouvernement du Québec.

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