L’EPTS peut faire courir des risques aux réfugiés, selon une note fédérale

Jim Bronskill, La Presse Canadienne
L’EPTS peut faire courir des risques aux réfugiés, selon une note fédérale

OTTAWA — Des fonctionnaires fédéraux avaient averti le printemps dernier le gouvernement canadien que les modifications à l’Entente sur les pays tiers sûrs (EPTS) stimuleraient les réseaux de passages clandestins et encourageraient les gens à courir plus de risques en tentant de franchir la frontière.

Ils craignent aussi que cela grève les ressources de la GRC puisque les migrants irréguliers seraient plus dispersés le long des 8900 kilomètres de la frontière séparant les États-Unis et le Canada.

La note rendue publique par le ministère de la Sécurité publique par l’entremise de la Loi d’accès à l’information avait été rédigée en avril en vue du Forumsur la criminalité transfrontalière Canada–États-Unis.

En vertu de l’EPTS, chaque pays reconnaît l’autre comme un pays sûr pour ceux qui demandent asile.

Les demandeurs d’asile en provenance des États-Unis ne peuvent pas voir leur demande d’asile être évaluée au Canada, à moins de faire partie des cas d’exception. Les requêtes doivent être examinées par le pays où ils sont arrivés en premier.

Jusqu’aux modifications adoptées plus tôt en 2023, l’entente ne s’appliquait pas à ceux qui franchissaient la frontière sans passer par les points d’entrée officiels.

Le Canada et les États-Unis ont annoncé en mars que l’Entente sur les tiers pays sûrs s’appliquerait à toute la frontière terrestre, y compris les voies navigables intérieures, à compter du 25 mars 2023.  La décision a été prise après maints débats soulevés par l’augmentation de la migration irrégulière aux États-Unis et au Canada.

La note interne rappelle que le Forum sur la criminalité transfrontalière Canada–États-Unis était l’occasion de réaffirmer l’engagement du Canada à assurer une migration juste et ordonnée entre les deux pays.

Elle mentionne qu’il y a une baisse du nombre d’interceptions à la frontière par la GRC du 25 mars au 25 avril.

Toutefois, malgré les résultats préliminaires jugés positifs relativement au volume de migrants irréguliers, l’auteur de la note prévient que les modifications à l’EPTS pourraient modifier l’environnement criminel et exacerber les tensions déjà existantes à la frontière.

Les demandeurs pourraient courir le risque d’emprunter des routes plus dangereuses et plus isolées afin d’éviter les représentants de la loi et contourner les règles en vigueur.

«Il est fortement probable que les réseaux de passeurs clandestins étendent leurs activités et jouent un rôle crucial» pour faire entrer ou sortir des gens illégalement au pays. Ils pourraient fournir des endroits sûrs, des faux documents et des moyens de transport.

«La contrebande d’êtres humains crée des dangers importants pour les migrants irréguliers et les expose à des conditions dangereuses pour traverser la frontière dans des endroits isolés. Cela peut se conclure par des blessures ou même la mort», peut-on lire dans le document.

De plus, la note mentionne que la GRC est au courant que les migrants irréguliers peuvent être victimes d’agressions sexuelles ou se trouver pris dans les maillons de la traite de la personne au cours de leur passage au Canada.

Le passage irrégulier des migrants par des régions isolés met en danger la sécurité et la santé mentale des membres de la GRC, ajoute la note. «Ces activités représentent un défi pour les ressources de la GRC puisque la migration irrégulière est moins concentrée et plus dispersée le long de la frontière canado-américaine.»

La note prévient aussi que le crime organisé pourrait être tenté de faire franchir la frontière à de la marchandise illicite, comme de la drogue, des armes ou du tabac en même temps que des migrants.

Ces mises en garde font écho aux inquiétudes déjà exprimées par le Conseil canadien pour les réfugiés. En ce sens, le contenu de la note de la Sécurité publique n’est pas étonnant, dit la codirectrice générale de l’organisme, Gauri Sreenivasan.

«Ce qui est vraiment inquiétant, c’est de constater que le gouvernement était au courant des dangers associés à la fermeture de la frontière», souligne-t-elle. 

Dans un communiqué au terme du Forum sur la criminalité transfrontalière Canada–États-Unis, des ministres des deux pays avaient demandé aux fonctionnaires «d’examiner des incidents survenus le long de la frontière afin de cerner les possibilités d’améliorer le renseignement, la détection, l’interception et les enquêtes visant à perturber la contrebande transfrontalière».

Selon une porte-parole de la GRC, Marie-Ève Breton, cette collaboration «a démontré que nous pouvons réagir à toute évolution des menaces à la frontière.»

L’Agence des services frontaliers dit travailler étroitement avec ses partenaires canadiens et américains pour s’assurer que les demandeurs d’asile soient traités légalement de façon humaine et sécuritaire tout en maintenant la sécurité à la frontière.

«Il est illégal de passer entre points d’entrée et c’est n’est pas sûr, rappelle une porte-parole de l’agence, Maria Ladouceur. Nous encourageons les demandeurs d’asile de franchir la frontière aux points d’entrée désignés.»

Mme Breton exhorte les demandeurs d’asile à respecter les règles. «Ce processus est plus sûr, plus rapide et plus respectueux des lois».

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