La cicadelle aiderait à prévoir l’impact du climat sur l’agriculture, dit une étude

La Presse Canadienne
La cicadelle aiderait à prévoir l’impact du climat sur l’agriculture, dit une étude

Un insecte empiétant sur les champs de fraises du Québec pourrait aider à prévoir l’impact des changements climatiques sur l’agriculture, suggère une nouvelle étude, la plus récente à considérer ce que les auteurs appellent la «tâche colossale» de l’agriculture durable sur une planète qui se réchauffe.

Des chercheurs de l’Université Laval affirment que les cicadelles migratrices – de petits insectes ressemblant à des cigales qui profitent des augmentations de température – semblent arriver plus tôt dans la saison et coloniser les champs autour de la ville de Québec.

Ils suggèrent que les schémas migratoires de la cicadelle, son territoire élargi et son potentiel de transmission de maladies des plantes contribuent à faire de cet insecte une espèce modèle idéale pour que les scientifiques étudient l’impact du changement climatique sur l’agriculture.

«Ce que nous pensions être une étude locale pourrait avoir un impact significatif sur la manière dont nous suivrons les implications du changement climatique sur l’agriculture et sur la manière dont nous gérerons les invasions biologiques imminentes qui se produisent déjà dans des endroits comme le Canada», peut-on lire dans l’étude publiée vendredi dans la revue Cell Reports Sustainability.

Selon l’étude, ces recherches complètent les connaissances scientifiques sur la manière dont les invasions de ravageurs provoquées par le climat pourraient menacer la sécurité alimentaire et exacerber l’impact environnemental de l’agriculture en raison de l’utilisation accrue de pesticides.

Les cicadelles sont des vecteurs bien connus de virus bactériens, selon l’étude, et des recherches supplémentaires sont nécessaires pour déterminer si elles contribuent à l’augmentation signalée des plants de fraisiers malades au Québec.

Il y a eu 16 cas de maladie des pétales verts du fraisier signalés dans la province entre 2012 et 2022, avec une nette augmentation au cours des trois dernières années, dit l’étude.

«Si parvenir à une agriculture durable est un défi, parvenir à une agriculture durable dans un climat en changement est une tâche colossale qui nécessite tous les outils à notre disposition», indique l’article de Cell Reports Sustainability.

Les cicadelles sont une grande famille d’insectes suceurs de sève qui totalisent plus de 20 000 espèces répertoriées – plus que les reptiles et les oiseaux réunis. Les adultes ailés ne sont pas particulièrement doués pour voler, mais comme leur nom anglais l’indique, «leafhoppers», ce sont d’excellents sauteurs, dont on dit que les bonds contiennent des indices pour améliorer la robotique.

Mais leur présence accrue inquiète certaines fermes québécoises, qui ont fourni plus de la moitié de la production canadienne de fraises en 2021.

Valérie Bernier-English, qui travaille comme directrice de recherche et développement dans une ferme commerciale de petits fruits et une pépinière de l’île d’Orléans, a déclaré qu’elle avait remarqué pour la première fois des cicadelles dans les champs il y a environ huit ans et que leur nombre avait augmenté.

Elle a reconnu que même si l’insecte a causé peu de problèmes à la ferme, il rend le travail plus compliqué et pousse la ferme à utiliser davantage d’insecticides.

«Nous n’avons jamais connu de problème majeur, tel que la destruction complète des récoltes, a-t-elle raconté. Mais leur présence est importante, et nous nous inquiétons simplement parce que nous ne savons pas s’ils causent davantage de dégâts, comme des dommages collatéraux, en étant porteurs du virus.»

Potentiels vecteurs de nouvelles maladies

Au cours de deux saisons, en 2021 et 2022, les chercheurs ont collecté des milliers de cicadelles dans les champs de fraises de la région de Québec. Parmi elles, les chercheurs ont repéré 10 espèces jamais signalées auparavant au Québec, et deux d’entre elles ont été signalées pour la première fois au Canada.

L’auteur principal, Nicolas Plante, dont les recherches de maîtrise ont soutenu l’étude, a expliqué que certaines de ces espèces sont envahissantes et peuvent être vectrices de nouvelles maladies bactériennes affectant les plantes.

«C’est quelque chose que le changement climatique peut également apporter à l’avenir, car avec l’augmentation des températures, de nouvelles zones deviennent plus viables pour ce type de cicadelles», a détaillé M. Plante.

Malgré les nouveaux signalements de cicadelles dans la région, l’étude indique que la diversité des espèces est en réalité plus faible que par le passé. Deux espèces migratrices, l’aster et la cicadelle de la pomme de terre, dominaient.

Ces cicadelles, qui chevauchent les courants éoliens depuis le sud des États-Unis jusqu’au Canada au printemps, arrivaient jusqu’à 10 jours plus tôt que prévu il y a quelques années à peine, a souligné la co-auteure, Edel Pérez-López, phytopathologiste et professeure agrégée à L’Université Laval.

Il a rapporté que son groupe avait prélevé des échantillons sur certaines des cicadelles les plus abondantes et trouvé des bactéries qui pourraient être nocives pour les plants de fraisiers. Ces bactéries ne sont pas apparues dans les plantes, a-t-il précisé, «mais le fait qu’elles soient présentes dans les insectes est très inquiétant».

Établir des liens clairs entre les tendances observées et le changement climatique peut constituer un défi pour les scientifiques. La migration des insectes ou les tendances en matière de maladies pourraient être influencées par un certain nombre de facteurs qui pourraient ne pas être directement liés au changement climatique.

Mais M. Pérez-López a affirmé qu’ils se sentaient confiants dans l’établissement de ce lien dans cet article, en partie parce que le groupe a également utilisé des modèles pour tenter de prédire comment la migration des cicadelles pourrait changer à mesure que la planète se réchauffe.

«Ce que nous avons trouvé n’est pas bon, a-t-il déploré à propos de l’étude de modélisation non encore publiée de son groupe. Beaucoup des endroits qui seront des points chauds se trouvent également dans les Prairies. Et nous savons que certaines de ces cicadelles sont des vecteurs de maladies dans le canola et d’autres grandes cultures qui sont importantes pour l’économie canadienne.»

L’équipe de recherche de son groupe a obtenu trois années supplémentaires de financement de la part du gouvernement du Québec. Mais ils ont également fait une proposition auprès d’une agence fédérale visant à étendre la recherche pour inclure les cultures de canola et de bleuets.

«Nous travaillons avec des chercheurs de partout au Canada pour voir si quelque chose de similaire se produit à l’échelle pancanadienne, et aussi pour essayer de trouver des solutions qui fonctionnent, non seulement pour les producteurs québécois, mais aussi pour tous les producteurs canadiens, a-t-il appuyé. Nous voyons que cela va être un problème, un énorme problème, dans les années à venir.»

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