L’Arabie saoudite exige un État palestinien pour normaliser ses relations avec Israël

Melanie Lidman et Wafaa Shurafa, The Associated Press
L’Arabie saoudite exige un État palestinien pour normaliser ses relations avec Israël

JÉRUSALEM — Le plus haut diplomate saoudien a déclaré que le royaume ne normaliserait pas ses relations avec Israël ni ne contribuerait à la reconstruction de Gaza sans une voie crédible vers un État palestinien – une approche vouée à l’échec pour le gouvernement israélien.

Les remarques du prince Faisal bin Farhan dans une entrevue accordée à CNN diffusée dimanche soir étaient parmi les plus directes jamais prononcées par des responsables saoudiens.

Le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou – qui fait face à une pression intérieure croissante à cause du sort des otages israéliens – a rejeté la création d’un État palestinien et a décrit des plans pour un contrôle militaire illimité sur Gaza.

Le différend sur l’avenir de Gaza – alors que la guerre fait rage sans fin en vue – oppose Israël à son principal allié, les États-Unis, ainsi qu’à une grande partie de la communauté internationale, et constitue un obstacle majeur à tout projet de gouvernance d’après-guerre ou de reconstruction de Gaza.

Avant l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre qui a déclenché la guerre, les États-Unis avaient tenté de négocier un accord historique dans lequel l’Arabie saoudite normaliserait ses relations avec Israël en échange de garanties de sécurité américaines, d’une aide à l’établissement d’un programme nucléaire civil et de progrès pour résoudre le conflit israélo-palestinien.

En septembre, M. Nétanyahou avait déclaré qu’Israël était «sur le point» de conclure un tel accord.

Dans l’entrevue accordée à CNN, l’animateur Fareed Zakaria a demandé : «Êtes-vous en train de dire sans équivoque que s’il n’y a pas une voie crédible et irréversible vers un État palestinien, il n’y aura pas de normalisation des relations entre l’Arabie saoudite et Israël?»

«C’est la seule façon pour nous d’obtenir un avantage, a répondu le prince Faisal. Donc oui.»

Plus tôt dans l’entrevue, lorsqu’on lui a demandé si l’Arabie saoudite, riche en pétrole, financerait la reconstruction à Gaza – où l’offensive israélienne a provoqué des destructions sans précédent – le prince Faisal a donné une réponse semblable.

«Tant que nous sommes capables de trouver une solution (…) alors nous pouvons parler de tout, a-t-il indiqué. Mais si nous revenons simplement au statu quo d’avant le 7 octobre, d’une manière qui nous prépare à une nouvelle série de problèmes, comme nous l’avons vu dans le passé, cette conversation ne nous intéresse pas.»

Les Palestiniens voudraient un État qui engloberait Gaza, la Cisjordanie occupée par Israël et Jérusalem-Est annexée, des territoires capturés par Israël lors de la guerre au Moyen-Orient de 1967.

Israël considère Jérusalem comme sa capitale et la Cisjordanie comme le cœur historique et biblique du peuple juif. Le pays a construit de nombreuses colonies dans les deux territoires, qui abritent des centaines de milliers de colons juifs. Le dernier de plusieurs cycles de pourparlers de paix a échoué il y a près de 15 ans.

Lors d’une réunion sur la guerre lundi, les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne ont déclaré que la création d’un État palestinien était le seul moyen de parvenir à la paix et ont exprimé leur inquiétude quant au rejet de cette idée par M. Nétanyahou.

Plus de 25 000 morts à Gaza

La guerre actuelle entre Israël et le Hamas – la cinquième et de loin la plus meurtrière – a commencé lorsque des militants palestiniens ont déjoué les défenses israéliennes et saccagé plusieurs communautés voisines, tuant quelque 1200 personnes, pour la plupart des civils, et prenant environ 250 personnes en otages.

L’offensive israélienne a tué au moins 25 295 Palestiniens à Gaza et en a blessé plus de 60 000, selon le ministère de la Santé du territoire dirigé par le Hamas. Le ministère ne fait pas de distinction entre civils et combattants, mais affirme qu’environ les deux tiers des personnes tuées étaient des femmes et des enfants.

Les médecins ont fait état de violents combats dans la ville méridionale de Khan Younès, affirmant que des dizaines de morts et de blessés avaient été transportés à l’hôpital Nasser de la ville, déjà débordé. On pouvait voir des familles fuir vers le sud, dans des zones déjà peuplées de centaines de milliers de personnes déplacées.

L’armée israélienne affirme avoir tué environ 9000 militants, sans fournir de preuves, et impute le lourd bilan civil au Hamas parce qu’il positionne ses combattants, ses tunnels et autres infrastructures militantes dans des zones résidentielles denses.

Quelque 85 % des habitants de Gaza ont fui leurs foyers, cherchant un refuge insaisissable dans le sud alors qu’Israël continue de frapper toutes les parties de l’enclave assiégée. Les responsables des Nations unies affirment qu’une personne sur quatre à Gaza meurt de faim alors que les combats et les restrictions israéliennes entravent l’acheminement de l’aide humanitaire.

La guerre a également attisé les tensions dans la région, avec des groupes soutenus par l’Iran au Liban, en Syrie, en Irak et au Yémen attaquant des cibles israéliennes et américaines.

Pressions sur Nétanyahou

Le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou s’est engagé à poursuivre l’offensive jusqu’à la «victoire complète» sur le Hamas et à restituer tous les otages restants. Près de la moitié d’entre eux avaient été libérés dans le cadre d’un accord de cessez-le-feu en novembre.

Mais les Israéliens sont de plus en plus divisés sur la question de savoir s’il est possible de faire les deux.

On pense que le Hamas détient les otages dans des tunnels profondément souterrains et les utilise comme boucliers pour ses principaux dirigeants. Israël n’a réussi à sauver qu’un seul otage, tandis que le Hamas affirme que plusieurs ont été tués lors de frappes aériennes israéliennes ou lors d’opérations de sauvetage ratées. Ces affirmations n’ont pas pu être confirmées de manière indépendante.

Lundi, des dizaines de membres des familles des otages ont pris d’assaut la réunion d’une commission du Parlement israélien en criant: «Vous ne resterez pas assis ici pendant qu’ils meurent là!»

Certains ont dû être physiquement retenus alors qu’ils criaient contre les députés, et au moins une personne a été escortée à l’extérieur. La réunion a été brièvement suspendue.

Les proches des otages, ainsi que d’autres manifestants, ont installé un camp de tentes devant la résidence de M. Nétanyahou à Jérusalem et ont promis de rester jusqu’à ce qu’un accord soit conclu pour ramener le reste des captifs chez eux. D’autres manifestations ont réclamé de nouvelles élections.

Le Hamas a déclaré qu’il ne libérerait davantage de prisonniers qu’en échange de la fin de la guerre et de la libération de milliers de prisonniers palestiniens. M. Nétanyahou a exclu une telle possibilité.

Le premier ministre de longue date, dont la popularité a chuté depuis le 7 octobre, fait face à des pressions de la part des États-Unis pour qu’il se tourne vers des opérations militaires plus précises et fasse davantage pour faciliter l’aide humanitaire.

Mais la coalition gouvernementale de M. Nétanyahou est redevable aux partis d’extrême droite qui veulent intensifier l’offensive, encourager l’émigration «volontaire» de centaines de milliers de Palestiniens de Gaza et y rétablir des colonies juives.

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