Plusieurs érablières se battent pour leur survie

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Par Stéphanie MacFarlane
Plusieurs érablières se battent pour leur survie
(Photo : Archives - Kim Valiquette)

Incertitude, angoisse, attente. L’inquiétude grimpe chez les propriétaires d’érablières de la région. Sans aide financière d’urgence, les cabanes à sucre craignent pour leur survie, notamment parce que la préparation des sucres commence habituellement à l’automne, que la tenue de la prochaine saison est incertaine et que les pertes financières sont majeures.

Les érablières n’ont plus de revenus ou presque depuis le 15 mars, date où le gouvernement Legault a décrété leur fermeture. Les établissements avaient engrangé de nombreuses dépenses pour démarrer le temps des sucres qui avait débuté deux semaines avant. Habituellement, la saison dure de neuf à dix semaines.

«C’était un mauvais timing. On venait de commencer. Les premières semaines ne sont pas rentables. Il fait froid. Les clients sont moins présents. On en profite pour roder notre personnel», explique Mélanie Charbonneau, copropriétaire de l’érablière Charbonneau.

Mélanie Charbonneau, copropriétaire de l’Érablière Charbonneau, est accompagnée de son père Denis Charbonneau.

Pertes
La saison des sucres représente la majorité du chiffre d’affaires des érablières. À l’érablière Charbonneau, les pertes en 2020 s’élèveront à environ 1,2 M$. À la Goudrelle, les pertes sont de 90% du chiffre d’affaires de 2019, indique Lyne Tétreault, la conjointe de Michel Gingras. Celui-ci est propriétaire de l’érablière La Goudrelle avec ses frères Luc et Pierre.

«Tout le monde se bat pour survivre. C’est sûr qu’il y a des cabanes à sucre qui vont s’éteindre», poursuit Mme Tétreault. Cette idée peine grandement Pascale Gladu, copropriétaire de l’érablière Au Sous-Bois. «C’est mon héritage. Je ne veux pas laisser aller ça. Je vais tout faire pour m’en sortir. J’espère qu’on va passer au travers. Mais je trouve ça triste. Ça se peut qu’il n’y ait plus de cabanes à sucre au Québec. C’est un patrimoine pour la province.»
Quant aux pertes d’emploi, elles s’élèvent à environ 330 pour les trois érablières contactées par Le Canada Français.

Mariages et baptêmes
Mélanie Charbonneau ajoute que les érablières ne fonctionnent pas seulement deux mois par année. Au-delà des sucres, elles offrent aussi des salles de réception pour les baptêmes, mariages, fêtes diverses et autres événements. Encore là, presque tout a été annulé ou reporté à 2021.

La permission d’organiser un rassemblement maximal de 250 personnes depuis quelques semaines n’a pas changé la situation. «Ça a été annoncé un peu tard. Un mariage ne peut pas se réorganiser en deux semaines», souligne Pascale Gladu. Le calendrier événementiel des cabanes à sucre demeure vide, même pour Noël.

2021
Pour la plupart des érablières, la préparation de la saison des sucres débute dès l’automne, notamment avec la réalisation des marinades et des boulettes. Cela implique des dépenses majeures pour se procurer les denrées.

«Avant la saison, on investit beaucoup d’argent, mais normalement on sait qu’on va avoir des revenus. L’an passé, on a engendré plus de dépenses que de revenus. C’est difficile. D’habitude, à la fin août, je fais 3500 lb de betteraves et j’en manque. C’est certain que je n’en ferai pas là. Je ne sais pas ce qui va arriver», mentionne Pascale Gladu.

Photographiés en février dernier, les frères Michel, Pierre et Luc Gingras devaient célébrer les 50 ans de l’érablière La Goudrelle en 2020.

Même son de cloche à la Goudrelle. «Est-ce qu’on débourse encore des sommes sans savoir si on aura des revenus? On va en discuter à notre prochaine réunion familiale. Quelle sera notre capacité? Quelle production fera-t-on? C’est l’angoisse», ajoute Lyne Tétreault.

«C’est l’incertitude totale. Mon conjoint et moi en parlons tous les jours», renchérit Mélanie Charbonneau. «On veut rouvrir. Ça fait 15 ans qu’on investit dans notre entreprise, mais il va falloir faire des calculs», ajoute-t-elle. En outre, les propriétaires ignorent quelles seront les règles sanitaires en vigueur et craignent encore une fois de devoir fermer leurs portes si le gouvernement l’ordonne.

De plus, les écoles n’ont toujours pas réservé. «Habituellement, on a des réservations. Là, on n’en a pas. C’est la survie des érablières la semaine. Malgré tout, il faut être positif. Le téléphone sonne pour l’année prochaine, notamment pour des mariages. Les gens ont de l’espoir», note Lyne Tétreault.

Pas de réponse
Le 11 août dernier, une quarantaine de propriétaires de cabanes à sucre et de salles de réception s’étaient réunis à Montréal lors d’une conférence de presse pour demander aux gouvernements fédéral et provincial une aide financière d’urgence non remboursable afin de les aider à surmonter cette crise sans précédent.
Mélanie Charbonneau était du panel. «Le gouvernement n’a pas répondu à nos lettres et à notre conférence de presse», résume-t-elle. «Quand on fait des suivis, on se fait répondre que les ministres et les députés sont en vacances», poursuit Mme Charbonneau.

Mais les dépenses ne prennent pas de pause. «Nos hypothèques, nos comptes de taxes, nos comptes de téléphone, tous nos frais fixes continuent», enchaîne Mélanie Charbonneau. La réalité des érablières fait en sorte que la quasi-totalité des aides gouvernementales mises en place pour les entreprises en marge de la COVID-19 n’est pas adaptée à leur situation. «On tombe toujours entre deux sièges», indique Lyne Tétreault.

Et la récolte?
Seule chose de certaine, COVID-19 ou pas, les érables continuent de couler le printemps venu. S’il n’est pas possible de prévoir les résultats de la prochaine saison, ceux de 2020 ont été comparables à 2019.

Les érablières ont continué à faire bouillir l’eau malgré leur fermeture. Si saison 2021 il y a, elles la débuteront avec le sirop de 2020 qu’elles n’ont pu vendre à leurs clients.

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