Vers une aire de conservation marine en territoire cri dans le nord de l’Ontario

La Presse Canadienne
Vers une aire de conservation marine en territoire cri dans le nord de l’Ontario

Une vaste zone marine au large des côtes nord de l’Ontario, qui abrite des bélugas et des ours polaires menacés, pourrait bientôt être protégée, ont déclaré mercredi des responsables, alors que les Premières Nations se félicitaient de ce qui était considéré comme une étape clé vers la réalisation d’une promesse de longue date d’un traité.

Le gouvernement fédéral et neuf Premières Nations ont déclaré avoir surmonté un obstacle sur la voie de la protection d’une partie du sud de la baie d’Hudson et de l’ouest de la baie James en tant qu’aire marine nationale de conservation.

Après avoir étudié la faisabilité du projet, les représentants d’Ottawa et des Premières Nations ont déclaré qu’ils appuyaient l’idée et qu’ils allaient de l’avant avec les négociations.

Le grand chef Leo Friday, du Conseil de Mushkegowuk, a qualifié cela de première étape importante vers la reconnaissance des Premières Nations en tant que gestionnaires de leurs terres et de leurs eaux traditionnelles.

«Ce sont les choses que nous pensons que nos ancêtres ont dit que nous essayons de réaliser», a-t-il souligné dans une entrevue avant l’annonce de mercredi.

La proposition verrait Parcs Canada et les Premières Nations travailler à un modèle de co-gouvernance protégeant une zone marine d’environ 86 000 kilomètres carrés, légèrement plus grande que le lac Supérieur, et garantissant les droits des Premières Nations de pêcher, de chasser et de piéger.

«Nous empruntons simplement les outils aux Européens»

Le Conseil Mushkegowuk milite depuis longtemps en faveur de la protection des basses terres et des écosystèmes marins de la baie d’Hudson et de la baie James, que les habitants d’Omushkego appellent Washabeyoh et Weeneebeg.

«Pour l’instant, nous empruntons simplement les outils aux Européens», a déclaré le Grand Chef Friday, faisant référence à la désignation fédérale de conservation.

Le gouvernement fédéral s’est engagé en 2021 à ajouter 10 aires marines de conservation sur cinq ans, doublant ainsi son total actuel, dans le cadre d’un objectif clé en matière de biodiversité visant à protéger 30 % des terres et des eaux du Canada d’ici 2030.

Ce projet étant le plus avancé des sept propositions de conservation marine en cours à travers le pays, le ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault, a déclaré qu’il restait confiant dans la capacité du gouvernement à atteindre ses objectifs.

«Notre meilleur allié pour lutter contre le changement climatique est la nature, a-t-il insisté. Ainsi, plus nous pouvons investir dans la protection de la nature, plus nous pouvons améliorer la capacité de nos écosystèmes à résister aux impacts du changement climatique.»

Les aires marines de conservation interdisent généralement toute exploration et exploitation pétrolière, gazière ou minière. Ils imposent également des limites strictes au rejet en mer et à d’autres activités, telles que les engins de pêche au chalut de fond.

La zone à l’étude abrite certaines des plus grandes populations de bélugas au monde et la population d’ours polaires la plus au sud. C’est aussi un haut lieu pour les oiseaux migrateurs.

La porte-parole de Parcs Canada, Caroline Macintosh, a qualifié l’annonce de mercredi de «jalon important».

«(Cela) témoigne du travail acharné accompli par le peuple Omushkego pour protéger cette zone. Et cela prépare le terrain pour que nous puissions travailler ensemble pour vraiment mettre cette zone sous protection de manière permanente pour les générations futures», a insisté Mme Macintosh, directrice exécutive de la création d’aires protégées.

Guilbeault reproche à la province un manque d’intérêt

Un comité composé de représentants du Conseil de Mushkegowuk et de Parcs Canada a recommandé une approche en deux phases pour établir la zone de conservation. Le conseil, représentant sept Premières Nations, est rejoint sur le projet par les Premières Nations de Weenusk et de Fort Severn.

La première phase consisterait à protéger la zone marine extracôtière sous compétence fédérale. Une deuxième phase viserait à protéger les zones intertidales et jusqu’à 20 kilomètres à l’intérieur des terres de la côte qui relèvent de la compétence provinciale.

Steven Guilbeault a précisé qu’il y a eu «de très nombreuses» tentatives pour contacter la province sur le projet, ajoutant qu’il «qualifierait malheureusement cela (…) de manque d’intérêt».

Il a rappelé que «la porte est toujours ouverte» à la province, soulignant que le gouvernement fédéral n’avait pas besoin de son implication dans la zone de protection marine, mais qu’il serait heureux de l’impliquer.

«Et, il est certain que, pour les projets terrestres, nous avons besoin de leur implication. Ils doivent être à la table. Et pour l’instant, lorsqu’il est question du nord de l’Ontario, ils n’ont pas montré beaucoup d’intérêt», a insisté M. Guilbeault lors d’une entrevue avant l’annonce.

Le ministère de l’Environnement, de la Conservation et des Parcs de l’Ontario a avancé que la province «n’a pas participé à des discussions détaillées avec Parcs Canada ni avec Environnement et Changement climatique Canada en raison du fait que les aires marines nationales de conservation relèvent de la compétence du gouvernement fédéral».

Les chefs du Conseil de Mushkegowuk ont lancé un appel en 2021 en faveur d’un moratoire sur les activités de développement dans la région riche en minéraux du Cercle de feu, dans le nord de l’Ontario, jusqu’à ce que les zones humides et les bassins hydrographiques sensibles soient protégés. Les basses terres de la baie d’Hudson constituent l’un des plus grands complexes de tourbières intactes au monde, stockant environ 30 à 35 milliards de tonnes de carbone.

Au large, des dizaines de milliers de bélugas migrent chaque été vers la baie d’Hudson et la baie James depuis l’Arctique, se rassemblant autour des estuaires comme les rivières Severn et Winisk, dans le nord de l’Ontario, pour se nourrir des montaisons de poissons.

Des rapports scientifiques indépendants affirment que les populations de bélugas couvertes par la zone de conservation proposée sont robustes, mais que le changement climatique rapide entraîne de nouvelles menaces. 

La réduction de la glace de mer donne aux navires un accès sans précédent à l’Arctique et au Subarctique, entraînant davantage de nuisances sonores et d’exposition aux produits chimiques, ainsi qu’un risque accru de marée noire, selon une récente évaluation du Comité sur la situation des espèces en péril.

La survie des ours polaires du sud de la baie d’Hudson et de la baie James est également menacée par le réchauffement rapide de l’Arctique, réduisant le temps qu’ils peuvent consacrer à la chasse sur la glace marine en retrait.

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