La santé mentale des entrepreneurs reste fragile, montre un sondage de la BDC

Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne
La santé mentale des entrepreneurs reste fragile, montre un sondage de la BDC

MONTRÉAL — Malgré quelques améliorations depuis l’an dernier, la santé mentale des entrepreneurs du pays demeure fragile, révèle un sondage réalisé par la Banque de développement du Canada et dont les résultats ont été dévoilés mercredi dans le cadre de la Semaine de la santé mentale.

Ainsi, le quart des entrepreneurs qui ont participé à l’enquête ont admis être très insatisfaits de leur santé mentale. Les groupes les plus susceptibles de faire cet aveu sont les nouveaux propriétaires d’entreprises (38 %), les jeunes entrepreneurs (35 %) et les femmes (32 %).

«Quand on est entrepreneur, on fait tout dans sa propre entreprise, mais on assume aussi le stress de tout en même temps et de tout le monde en même temps», a rappelé la présidente et cheffe de la direction de BDC, Isabelle Hudon.

La moitié des personnes interrogées dans le cadre de cette sixième enquête annuelle ont révélé que l’équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie familiale est leur principale source de stress, soit un recul de trois points de pourcentage par rapport à l’enquête de 2023.

L’inflation et la rentabilité sont aussi évoquées par environ la moitié des participants, ces deux facteurs étant également en déclin de quelques points de pourcentage depuis l’an dernier.

En revanche, on constate une amélioration marquée des sources de stress que représentaient les problèmes de main-d’œuvre et les difficultés de la chaîne d’approvisionnement.

Environ les deux tiers des entrepreneurs ont confié ressentir de la fatigue ou un manque d’énergie au moins une fois par semaine, soit une légère amélioration par rapport à 2023. Un peu moins de la moitié ont admis se sentir déprimés au moins une fois par semaine, soit essentiellement le même nombre que l’an dernier.

«Il y a eu du mouvement un petit peu plus positif cette année, mais c’est quand même timide comme mouvement positif, a dit Mme Hudon. Les résultats de l’an dernier nous faisaient craindre le pire. On voyait de plus en plus d’entrepreneurs de toutes générations confondues qui se montraient beaucoup plus anxieux, beaucoup plus stressés.»

On voit «enfin poindre de petites lumières au bout du tunnel cette année», a-t-elle ajouté, «mais il est encore trop tôt pour crier victoire». On peut notamment supposer que le stress engendré par les années de pandémie, après avoir plafonné l’an dernier, commence maintenant à s’alléger.

Le pourcentage d’entrepreneurs qui ont fait appel à une aide professionnelle en lien avec leur santé mentale est passé de 35 % en 2023 à 38 % cette année. Si la consultation d’un médecin demeure la stratégie la plus populaire, la participation à des ateliers de gestion du stress et l’inscription à des groupes de soutien en personne ou virtuels ont gagné en popularité depuis l’an dernier.

On a aussi mesuré une hausse modeste du nombre d’entrepreneurs qui prennent des mesures actives pour prendre soin de leur santé mentale, comme de se permettre des vacances.

La BDC se réjouit de son côté de constater que son initiative de créer un programme pilote pour rendre le soutien en santé mentale «plus accessible et abordable pour les propriétaires de petites entreprises» a connu un certain succès.

S’il tombe presque sous le sens que les nouveaux propriétaires d’entreprises et les jeunes entrepreneurs soient parmi les plus insatisfaits de leur santé mentale, le fait de retrouver les femmes dans cette même catégorie fait sourciller.

«Les femmes ne sont souvent pas seulement dans la catégorie ‘femmes’, mais c’est souvent une femme d’une communauté noire ou autochtone en région éloignée, a expliqué Isabelle Hudon. Généralement, dans nos clients, on voit que les femmes détiennent de plus petites entreprises que de plus grandes entreprises, donc il y a toute la question du financement de la croissance, de tenir à bout de bras une PME…»

Le fait que les femmes soient traditionnellement plus à l’aise que les hommes de parler de leurs émotions peut aussi avoir influencé les résultats, a-t-elle rappelé.

BDC a utilisé l’indice de bien-être de l’Organisation mondiale de la santé pour évaluer la santé mentale des propriétaires d’entreprise du Canada. Ce questionnaire d’autoévaluation comprend cinq questions. Le résultat moyen obtenu par les entrepreneurs qui ont pris part à l’enquête est de 59 sur 100, juste au-dessus du seuil de 50 qui est considéré comme un faible niveau de bien-être.

Le sondage de BDC sur la santé mentale des propriétaires d’entreprise a été mené auprès de 1502 propriétaires de petites entreprises partout au Canada entre le 19 février et le 5 mars 2024. Il s’agissait d’hommes à 71 % et de femmes à 28 %, et 68 % d’entre eux avaient 45 ans et plus.

Un cinquième des participants provenaient du Québec.

Afin d’être représentatifs de la population des PME canadiennes, les résultats ont été pondérés en fonction de la région, du nombre de personnes salariées dans l’entreprise et du nombre d’années en activité de l’entreprise.

Pour un échantillon probabiliste de 1502 personnes, la marge d’erreur maximale est de plus ou moins 2,5 points de pourcentage, 19 fois sur 20. Toutefois, ce sondage étant basé sur un échantillon non probabiliste, cette information n’est fournie qu’à titre indicatif.

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