Une pause des travaux de 10 jours «peut être fatale», selon l’avocate de Northvolt

Stéphane Blais, La Presse Canadienne

MONTRÉAL — Une demande d’injonction qui mettrait en pause les travaux de Northvolt pendant dix jours «peut être fatale pour ma cliente», a indiqué l’avocate de l’entreprise qui a rejeté en bloc les prétentions du Centre québécois du droit de l’environnement, lors d’une audience mardi.

Des avocats représentants Norhtvolt, le gouvernement du Québec et la Ville de Saint-Basile-Legrand ont défilé devant le juge de la Cour supérieure du Québec David R. Collier, mardi après-midi.

Celui-ci a pris l’affaire en délibéré et les travaux de Northvolt demeurent sur pause, le temps qu’un verdict soit rendu.

Le juge Collier a indiqué qu’il compte rendre une «décision rapidement».

Selon maître Nathalie-Anne Béliveau, l’avocate de Northvolt, les demandes d’injonctions provisoire et interlocutoire déposées par le Centre québécois du droit de l’environnement et de trois citoyennes, «sont en train de compromettre un projet qui est dans l’intérêt du peuple québécois» sur la base «d’opinions, d’impression et de commérages».

«Si le projet tombe à l’eau, des milliers d’emplois tombent à l’eau, mais aussi des fournisseurs, des clients», a plaidé l’avocate pour faire valoir l’intérêt public du projet.

Elle a aussi cité la Loi sur la qualité de l’environnement qui indique que «le recours à des énergies à faible empreinte carbone» doit être privilégié afin «de répondre à l’urgence climatique».

L’avocate a indiqué au juge que «les activités de ma cliente s’inscrivent dans l’objectif de cette loi» et la suspension des activités de Northvolt causera «un préjudice irréparable à l’intérêt public».

Maître Nathalie-Anne Béliveau est aussi d’avis que le recours des demandeurs ne peut pas être accepté, car il ne remplit pas le critère de l’apparence de droit d’une demande d’injonction interlocutoire.

Autorisations déraisonnables selon le CQDE 

Selon le Centre québécois du droit de l’environnement, le ministère de l’Environnement a autorisé Northvolt à débuter les travaux d’abattage de plusieurs milliers d’arbres sur le site de la future usine en Montérégie,  sans connaître précisément l’impact sur les milieux humides et la biodiversité, et sans que Northvolt présente un plan de compensation détaillé.

Ces travaux, ont souligné les demandeurs, perturberaient 138 000 m2 de milieux humides dans les municipalités de McMasterville et de Saint-Basile-le-Grand.

Pour appuyer ces arguments, l’avocate Jessica Leblanc a présenté au juge des documents que le CQDE a obtenus, dans lesquelles une biologiste du gouvernement indiquerait que l’information transmise par Northvolt concernant la faune vivant sur son site ne permettrait pas de faire une évaluation faunique éclairée.

Le CQDE fait donc valoir que le ministère de l’Environnement n’était pas en mesure, en raison d’un manque d’information, de délivrer une autorisation ministérielle à Northvolt, pour que celle-ci débute ces travaux au début du mois de janvier.

Northvolt a reçu l’autorisation, au début janvier, de débuter des travaux sur le site, à la condition de proposer un plan de compensation pour pallier les impacts du projet sur la biodiversité, dans les 36 mois, suivant l’autorisation ministérielle.

Mais comme le ministère ne possédait pas suffisamment d’information sur l’impact que les travaux auraient sur les espèces fauniques et leurs habitats, selon maître Leblanc, la décision du ministre de délivrer une autorisation était «déraisonnable», d’autant plus qu’on ignore, a-t-elle expliqué, de quelle façon et à quel endroit Northvolt créera des milieux humides compensatoires.

De son côté, l’avocate du gouvernement du Québec, Stéphanie Garon, a fait valoir «qu’au final», après «plusieurs échanges avec Northvolt», les biologistes du ministère de l’Environnement étaient satisfaites des propositions de l’entreprise pour pallier les impacts sur la biodiversité.  

«Les avis fauniques» des biologistes du gouvernement ont été réalisés «avec rigueur», a-t-elle plaidé.

Difficile d’y voir clair pour les citoyens et les journalistes, car ces avis fauniques, et les correspondances qui s’y rattachent, n’ont pas été rendus publics, ni présentés lors de l’audience.

Durant son plaidoyer, maître Garon a également fait valoir que le ministre de l’Environnement possèdeun pouvoir discrétionnaire «très large» pour accepter ou non une demande d’autorisation de faire des travaux dans des milieux naturels sensibles.

Celui-ci a également, selon l’avocate, plusieurs outils qui lui permettent de forcer une entreprise à se plier à ses exigences, si celle-ci ne respecte pas un  plan de compensations suffisant pour pallier les impacts d’un projet sur la biodiversité.

À cet effet, elle a notamment fait référence à l’article 113 de la Loi sur la qualité de l’environnement:

«Lorsque quiconque refuse ou néglige de faire une chose qui lui est ordonnée en vertu de la présente loi, le ministre peut faire exécuter la chose aux frais du contrevenant et en recouvrer le coût de ce dernier, avec intérêts et frais».

Des travaux retardés plusieurs mois?

Lors d’une pause en matinée, Marc Bishai, avocat au CQDE, a expliqué que le plan n’est pas de faire dérailler le projet Northvolt, mais plutôt de s’assurer que les règles soient respectées.

«On considère que de détruire maintenant et protéger plus tard sans avoir l’information suffisante pour s’assurer qu’on contrôle les impacts environnementaux, selon nous, c’est une décision qui est certainement questionnable.»

Il a ajouté que si le juge donne raison aux prétentions de la CQDE, «le dossier pourrait être renvoyé aux décideurs pour une nouvelle analyse, une nouvelle décision».

Questionné à savoir si une telle décision pourrait retarder les travaux de Northvolt de plusieurs mois, Me Bishai a répondu «qu’il ne souhaite pas que le projet soit reporté trop longtemps», et ce que le CQDE «veut surtout, c’est de s’assurer que les choses soient bien faites et que toutes les décisions qui sont prises s’assurent d’une protection suffisante de l’environnement».

Poursuite du conseil mohawk de Kahnawake

Par ailleurs, le Conseil mohawk de Kahnawake a annoncé avoir déposé une poursuite à la Cour supérieure pour forcer le gouvernement fédéral et celui du Québec à le consulter dans le dossier Northvolt.

Le Conseil soutient que le Québec et le Canada ont manqué à leur obligation de consulter les Premières Nations avant de financer le projet. Il reproche aussi au gouvernement du Québec d’avoir autorisé la «destruction de zones humides sans mener de consultations».

Des travaux d’abattage d’arbres ont commencé en début de semaine sur le site de la future usine à McMasterville et Saint-Basile-le-Grand, après que le ministère de l’Environnement eut autorisé, la semaine dernière, le début des travaux de construction de l’usine.

Ces travaux ont cependant été mis sur pause le temps que la Cour supérieure se penche sur les demandes d’injonctions provisoire et interlocutoire déposées par le Centre québécois du droit de l’environnement et les trois citoyennes.

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