Un projet de loi vise à vérifier l’âge des utilisateurs sur des sites pornographiques

Mickey Djuric, La Presse Canadienne
Un projet de loi vise à vérifier l’âge des utilisateurs sur des sites pornographiques

OTTAWA — Un projet de loi du Sénat qui obligerait les Canadiens à vérifier leur âge pour accéder à la pornographie sur Internet a été adopté sans le soutien du gouvernement libéral, qui prévient que le projet de loi ne fait pas assez pour protéger les enfants contre les dangers en ligne.

La sénatrice Julie Miville-Dechêne, membre du Groupe des sénateurs indépendants et marraine du projet de loi, a déclaré qu’elle ne comprend pas pourquoi 133 députés libéraux ont voté contre, alors que d’autres partis ont accepté de le renvoyer au comité pour une étude plus approfondie.

Les libéraux ont leurs propres projets législatifs visant à protéger les Canadiens en ligne, mais ils ne font rien pour empêcher l’accès des mineurs à la pornographie en ligne, a déclaré jeudi Mme Miville-Dechêne.

«Jamais, jamais je n’ai eu la moindre indication que le projet de loi (proposé par les libéraux) sur la haine en ligne contiendrait quoi que ce soit pour protéger les enfants contre ces plateformes pornographiques.»

Un porte-parole du ministre canadien du Patrimoine a déclaré à La Presse Canadienne plus tôt cette année que le gouvernement travaillait sur sa propre approche pour lutter contre les méfaits en ligne, et que le projet de loi du Sénat empiétait sur leurs travaux. Le ministère de la Justice mène désormais le dossier pour présenter le projet de loi visant à lutter contre la haine en ligne. 

«La plus grande question que nous devons examiner est la raison pour laquelle le projet de loi est assez restreint dans son application en ce qui concerne les préjudices causés aux enfants», a déclaré lundi le député libéral Kevin Lamoureux à propos du projet de loi de la sénatrice Miville-Dechêne, le projet de loi S-210.

M. Lamoureux est également secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre.

Problème de confidentialité 

Le projet de loi S-210 a été adopté par le Sénat au printemps. Cela obligerait les sites Web pour adultes à vérifier l’âge des utilisateurs, mais ne précise pas comment. Les options pourraient inclure un système d’identification numérique ou des services capables d’estimer l’âge sur la base d’une analyse par webcam du visage d’un utilisateur.

«Nous partageons l’objectif d’une expérience Internet plus sûre pour les enfants et les jeunes. Cependant, ce projet de loi est fondamentalement imparfait», a affirmé jeudi le cabinet du ministre du Patrimoine canadien.

«Les experts ont souligné haut et fort les graves problèmes de cette proposition en matière de confidentialité, de sécurité et de technologie.»

Le projet de loi exigerait l’utilisation de systèmes fiables qui préservent la confidentialité des utilisateurs et protègent les informations personnelles. Les sites Web pour adultes qui ne vérifient pas l’âge s’exposent à des amendes pouvant aller jusqu’à 250 000 $ à leur première infraction.

Des efforts similaires de contrôle de l’âge se sont multipliés aux États-Unis, où Pornhub a choisi de bloquer l’accès à son site dans plusieurs États suite à l’adoption de restrictions comparables.

Un porte-parole d’Aylo, la société mère de Pornhub, a refusé de discuter de «situations hypothétiques» lorsqu’on lui a demandé jeudi si la même chose se produirait au Canada si la loi S-210 était adoptée à la Chambre des communes.

Mais Pornhub s’oppose effectivement au projet de loi, affirmant que toute réglementation obligeant les sites à collecter des quantités importantes d’informations personnelles hautement sensibles met en péril la sécurité des utilisateurs.

La société dit préférer une approche qui permettrait de vérifier l’âge d’un utilisateur via un appareil, tel qu’un téléphone portable, et non via un site Web. Certains craignent également que le projet de loi ne porte atteinte à la liberté d’expression des Canadiens.

Plus tôt cette année, le gouvernement libéral a mis sur pied un groupe consultatif d’experts pour discuter des obligations législatives et réglementaires qui devraient être imposées afin de réduire les contenus préjudiciables en ligne.

Le groupe était composé de représentants des ministères du Patrimoine canadien, de la Justice, de l’Innovation et de la Sécurité publique, ainsi que de représentants de la Gendarmerie royale du Canada.

Alors que certains experts ont appuyé l’idée de la vérification de l’âge, d’autres ont averti qu’elle serait difficile à mettre en œuvre sans porter atteinte à la liberté d’expression, indique un résumé de la séance mis en ligne par Patrimoine canadien.

Plusieurs ministères étudient actuellement une législation qui adopterait une «approche plus holistique pour traiter les choses qui affectent ou nuisent aux jeunes», a fait savoir M. Lamoureux à la Chambre des communes.

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