«Très déçu», «cadeau de Dieu»: les libéraux divisés sur la demande d’un cessez-le-feu

Michel Saba, La Presse Canadienne
«Très déçu», «cadeau de Dieu»: les libéraux divisés sur la demande d’un cessez-le-feu

OTTAWA — Sans surprise, les troupes libérales de Justin Trudeau étaient toujours aussi divisées mercredi à propos de la décision du Canada d’appuyer la veille une résolution des Nations unies qui appelle à «un cessez-le-feu humanitaire immédiat» entre Israël et le Hamas.

«C’est un cadeau de Dieu» qui contribuera à «arrêter la tuerie», a résumé le député lavallois d’origine libanaise Fayçal El-Khoury, à son arrivée à la réunion hebdomadaire du caucus libéral.

La députée torontoise et présidente du Groupe d’amitié parlementaire Canada-Palestine, Salma Zahid, a salué «une première étape» face à une crise humanitaire qui s’aggrave à Gaza. «Près de deux millions de personnes sont déplacées, a-t-elle dit. Nous avons vu plus de 18 000 civils innocents être tués, dont 70 % sont des enfants et des femmes.»

Mais c’était loin d’être l’harmonie entre les élus. Le député montréalais Anthony Housefather, qui est de confession juive, s’est dit «très déçu» du vote, au point où il a refusé de dire s’il envisage de démissionner du caucus libéral. «Je suis député et je vais continuer d’être député de Mont-Royal», a-t-il déclaré, ajoutant plus tard qu’il continuera de se battre pour «les valeurs libérales».

La leader du gouvernement à la Chambre, Karina Gould, également juive, a affirmé que le vote du Canada à l’ONU est cohérent avec l’idée qu’«un cessez-le-feu ne pourrait être (que) d’un côté» et que cela implique qu’il soit respecté par le Hamas.

Quant à l’ambiance au caucus, elle est «très forte», malgré qu’il y ait «des conversations difficiles», a-t-elle assuré. «Écoutez, nous sommes un caucus diversifié, nous représentons la diversité au Canada, nous sommes le seul caucus qui représente véritablement tous les aspects de la société canadienne.»

À son arrivée à la période des questions, le premier ministre Justin Trudeau a réitéré vouloir un «cessez-le-feu durable», non sans préciser lui aussi qu’il «ne peut pas être juste d’un bord» et que le «Hamas doit déposer ses armes».

M. Trudeau a aussi indiqué croire «profondément différemment de M. (Benyamin) Netanyahou», le premier ministre israélien, qu’une solution à deux États, c’est la seule façon de garantir la sécurité et la paix dans la région.

Le vote du Canada sur la résolution représente un changement important par rapport à sa position de longue date consistant à voter avec Israël sur des résolutions majeures au sein de l’organisation internationale.

Questionné à savoir si le Canada court des risques en ayant voté différemment des États-Unis à l’ONU, le lieutenant politique de Justin Trudeau pour le Québec, Pablo Rodriguez, a répondu du tac au tac: «Le Canada est un pays souverain. Il peut prendre sa propre décision».

Et au chapitre des affaires, le ministre de l’Industrie, François-Philippe Champagne, a dit qu’il «ne pense pas que les gens mélangent les positions qui peuvent être prises diplomatiques par rapport aux investissements».

Poilievre évite les questions

La quasi-totalité des conservateurs a évité les journalistes en arrivant à la réunion de leur caucus. Seul le sénateur québécois Pierre-Hugues Boisvenu s’est arrêté pour véritablement répondre à quelques questions.

«Moi, j’aurais voté contre, a-t-il affirmé. Tant et aussi longtemps qu’ils (le Hamas) vont avoir dans leur programme l’élimination d’Israël, un cessez-le-feu, pour moi, c’est un permis de recommencer.»

Selon lui, le Canada fait erreur en ne s’alignant pas avec les États-Unis. «Mettons que ça «chire» un peu, a-t-il lancé. Je ne pense pas que c’est une bonne carte qu’on a jouée.»

En après-midi, le député de la région de Québec, Joël Godin, s’est borné à répéter trois fois plutôt qu’une qu’«il faut protéger les êtres humains», alors que les journalistes lui demandaient s’il était favorable au cessez-le-feu.

Le chef conservateur Pierre Poilievre évite le sujet comme la peste aux Communes depuis la fin octobre et n’a pas participé à une activité de presse en près de trois semaines. Il concentre ses commentaires sur le coût de la vie. Son équipe a indiqué à La Presse Canadienne qu’aucun point de presse n’est prévu d’ici la fin de la session parlementaire.

Dans une déclaration transmise par courriel, un porte-parole anonyme de son parti ne s’avance pas sur le cessez-le-feu. «Nous appelons à une fin immédiate du conflit en demandant au Hamas de rendre les otages et toutes les armes et de se rendre sans condition», est-il écrit.

Le chef bloquiste Yves-François Blanchet a salué quant à lui le changement de position du gouvernement de Justin Trudeau qui se «rapproche beaucoup» de celle de son parti, «mais beaucoup plus tard, peut-être trop».

«Il y a des divisions à l’intérieur des autres caucus, peut-être, mais il y en aurait eu encore plus, je pense, si le gouvernement n’avait pas voté en faveur», a dit M. Blanchet en point de presse devant son caucus.

Le Bloc québécois a joint sa voix au Nouveau Parti démocratique (NPD) le 23 octobre pour demander un cessez-le-feu et, comme il l’avait fait à ce moment, M. Blanchet a réitéré mercredi l’importance qu’il accorde à l’établissement d’une force internationale chargée d’assurer le bon déroulement de la suite des choses.

«Sans moyens de mise en œuvre entre des ennemis qui se détestent et ne se feront jamais confiance, s’il n’y a pas de moyens déployés par la communauté internationale pour assurer la mise en œuvre d’un cessez-le-feu à Gaza, malheureusement, ça reste des mots», a-t-il soutenu.

Le journal des débats révèle qu’au cours des deux derniers mois les néo-démocrates se sont levés plus d’une cinquantaine de fois en Chambre pour réclamer un cessez-le-feu.

Leur porte-parole en matière d’affaires étrangères, Heather McPherson, a remercié sur X (anciennement Twitter) tous ceux qui ont travaillé sans relâche pour que le gouvernement libéral se positionne «du bon côté du droit humanitaire et international».

«Cela n’aurait pas dû prendre 66 jours pour ce petit pas et nous devons continuer à travailler pour que ce travail se poursuive», a-t-elle ajouté.

– Avec des informations d’Émilie Bergeron

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