Pierre Poilievre affirme que Justin Trudeau a détérioré les relations avec l’Inde

Dylan Robertson, La Presse Canadienne
Pierre Poilievre affirme que Justin Trudeau a détérioré les relations avec l’Inde

OTTAWA — Le chef conservateur Pierre Poilievre accuse le premier ministre Justin Trudeau d’être responsable du refroidissement diplomatique avec l’Inde, affirmant qu’Ottawa a besoin d’une «relation professionnelle» avec le gouvernement du premier ministre indien Narendra Modi.

En parallèle, le gouvernement de M. Modi se dit en colère contre les libéraux fédéraux et non contre le Canada dans son ensemble.

M. Trudeau a annoncé à la Chambre des communes le mois dernier que les services de renseignement canadiens enquêtaient sur des informations «crédibles» sur «un lien possible» entre le gouvernement indien et l’assassinat du leader sikh Hardeep Singh Nijjar en Colombie-Britannique.

Depuis, les relations entre les deux pays sont tendues. La semaine dernière, la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a annoncé que le Canada avait retiré la plupart de ses diplomates de l’Inde après que New Delhi eut menacé de les priver de leurs protections et droits particuliers.

Dans une entrevue accordée à Namaste Radio à Toronto, M. Poilievre a accusé M. Trudeau d’être responsable de ce gâchis. Le chef conservateur a affirmé que le premier ministre a monté les Canadiens les uns contre les autres.

«Il est si incompétent et si peu professionnel que nous avons maintenant des différends majeurs avec presque toutes les grandes puissances du monde, y compris l’Inde», a déclaré M. Poilievre au cours de l’entrevue. Une vidéo a été mise en ligne samedi après-midi.

«C’est bien d’avoir nos désaccords et de nous tenir mutuellement responsables, mais nous devons avoir une relation professionnelle», a ajouté M. Poilievre. 

Plus tard dans l’entrevue, il a déclaré que M. Trudeau «est considéré comme la risée de l’Inde, la plus grande démocratie du monde».

Dans l’entrevue, M. Poilievre n’a pas évoqué le cas Nijjar, et l’intervieweur n’a pas non plus posé de questions à ce sujet. M. Poilievre a déclaré auparavant que les responsables de l’homicide devaient être poursuivis et a exhorté M. Trudeau à fournir davantage d’informations sur l’affaire.

Son bureau a refusé de commenter l’entrevue, lundi.

Lors de son entretien avec Namaste Radio, M. Poilievre n’a pas mentionné les sikhs du Canada, ni un sous-groupe de ces communautés qui prônent la création d’un État séparé en Inde qu’ils appellent le Khalistan.

L’animateur l’a interrogé sur le vandalisme dans les lieux de culte hindous.

«Je condamne fermement toutes les menaces d’attaques contre les mandirs (temples) hindous, les menaces contre les dirigeants hindous», a déclaré M. Poilievre sur les ondes de Namaste Radio Toronto.

«Des accusations criminelles devraient être portées contre quiconque attaque les biens ou les personnes dans les mandirs hindous, comme partout ailleurs.»

M. Poilievre n’a pas cité d’exemple précis, mais il a mentionné il y a un mois sur X, anciennement Twitter, des «commentaires haineux visant les hindous au Canada» qui, selon lui, devaient être dénoncés.

Sécurité et liberté d’expression 

Plus tôt cette année, avant la révélation de M. Trudeau concernant l’affaire Nijjar, l’Inde avait déploré les manifestations bruyantes des groupes séparatistes sikhs devant les missions diplomatiques au Canada et les affiches offrant des récompenses en espèces pour les adresses de diplomates indiens.

New Delhi a officiellement appelé le Canada à mieux respecter son devoir de protection des diplomates étrangers et, à la fin août, le haut-commissaire indien au Canada, Sanjay Kumar Verma, a déclaré que son pays était «très satisfait» que le gouvernement libéral ait réagi de manière appropriée et que ses diplomates soient sécurisés.

Le week-end dernier également, le ministre indien des Affaires étrangères, Subrahmanyam Jaishankar, a soutenu que son pays pourrait mettre fin au gel des visas canadiens si le Canada garantissait mieux la sécurité des diplomates indiens.

«Nous avons arrêté de délivrer des visas au Canada parce qu’il n’était plus sécuritaire pour nos diplomates d’aller travailler pour délivrer des visas», a expliqué dimanche M. Jaishankar, malgré les dires contraires de son propre envoyé à Ottawa.

«Nos diplomates ne sont pas en sécurité. Si nous constatons des progrès dans ce domaine, j’aimerais beaucoup reprendre la délivrance de visas. J’espère que cela se produira très, très bientôt.»

M. Jaishankar a également affirmé que la décision de New Delhi de réduire la présence diplomatique du Canada en Inde — entraînant le retrait de la majorité du pays — était le résultat d’une ingérence non précisée du Canada en Inde.

«Nous avons invoqué la parité parce que nous étions préoccupés par l’ingérence continue dans nos affaires de la part du personnel canadien», a-t-il déclaré.

«Nous n’en avons pas beaucoup parlé au public. J’ai le sentiment qu’avec le temps, davantage de choses sortiront et les gens comprendront pourquoi nous avons ressenti ce malaise avec beaucoup d’entre eux.»

L’envoyé de l’Inde au Canada a déclaré le 31 août que «nous sommes très satisfaits» de la réponse d’Ottawa à une demande d’amélioration de la protection. «Nos préoccupations ont été prises en compte. Elles ont été bien comprises», a déclaré le haut-commissaire Sanjay Kumar Verma. 

La ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a révélé le 14 septembre que les diplomates indiens au Canada «bénéficient d’une sécurité 24 heures sur 24, 7 jours sur 7», un service qu’Ottawa offre à très peu de missions diplomatiques.

M. Jaishankar a également dit dimanche qu’il était en désaccord avec les libéraux fédéraux. «Les problèmes que nous avons concernent un certain segment de la politique canadienne et les politiques qui en découlent», a-t-il déclaré.

Vina Nadjibulla, professeure à l’Université de la Colombie-Britannique, a souligné que c’était la première fois que l’Inde indiquait explicitement que ses problèmes avec le Canada s’inscrivaient dans des lignes politiques.

«C’est assez surprenant qu’un ministre des Affaires étrangères comme M. Jaishankar dise cela… en montrant essentiellement du doigt le gouvernement libéral et le premier ministre lui-même», a-t-elle fait valoir. 

Mme Nadjibulla a raconté avoir vu des affiches «troublantes» à Surrey, en Colombie-Britannique, appelant à la violence contre les représentants du gouvernement indien.

«Le défi auquel sont confrontés les pays qui comptent d’importantes diasporas de communautés sikhes est évidemment de protéger les libertés d’expression et la liberté de réunion, mais aussi de reconnaître qu’il existe une sérieuse préoccupation pour l’Inde sur cette question, a-t-elle affirmé. Nous devons impliquer les deux côtés.»

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