Pêches et Océans étudie une nouvelle réglementation pour la saison des civelles 2024

Keith Doucette, La Presse Canadienne
Pêches et Océans étudie une nouvelle réglementation pour la saison des civelles 2024

HALIFAX — De nouvelles réglementations visant à perturber la pêche illégale et à mettre fin à la violence dans la pêche aux civelles (bébés anguilles) sur la côte est sont à l’étude pour la saison 2024.

Selon le site web de Pêches et Océans Canada, les autorités fédérales proposent un nouveau système de permis de possession et d’exportation pour suivre ces minuscules poissons, appelés civelles, depuis le moment où ils sont capturés jusqu’à leur expédition à l’étranger.

«Il y aura des permis distincts pour la possession et l’exportation, indique le site Internet. En fonction de vos activités dans la chaîne d’approvisionnement, vous aurez peut-être besoin des deux.»

Un permis de possession de civelles serait requis pour les exploitants d’installations d’entreposage de civelles, les acheteurs ou transformateurs de poisson qui possèdent physiquement des civelles et les personnes qui transportent des civelles et qui ne sont pas des transporteurs publics. 

Ses conditions pourraient préciser notamment où et quand les civelles peuvent être possédées, comment elles sont entreposées dans les installations d’entreposage et comment les registres de capture et autres informations doivent être fournis au ministère.

Parmi les conditions de permis d’exportation pourrait figurer l’obligation d’informer le ministère lorsqu’un conteneur de civelles sera emballé pour l’exportation afin que les autorités puissent en vérifier le poids et le contenu.

«Il n’y aura aucune exemption pour les permis d’exportation», précise le ministère.

La date limite pour que l’industrie donne ses commentaires sur la réglementation, qui devrait être en place avant l’ouverture de la saison à la fin mars, a expiré mercredi.

Stanley King, titulaire d’un permis commercial de la Nouvelle-Écosse, a qualifié les exigences proposées de «début», mais a déclaré qu’un certain nombre d’autres mesures seraient nécessaires pour réduire la pêche illégale.

«L’appel (aux commentaires) qui s’est terminé hier avait une portée très limitée, a-t-il soutenu jeudi dans une entrevue. Franchement, ce n’est pas encourageant. C’est une bonne première étape parmi les nombreuses étapes nécessaires, et cela ne fera aucune différence en matière de braconnage au cours de la saison 2024.»

M. King fait partie d’un groupe de pêcheurs commerciaux qui souhaitent davantage de mesures coercitives et des sanctions plus sévères pour la saison à venir. 

Les autorités fédérales ont fermé la pêche en 2023 le 15 avril après des informations faisant état de violences et d’intimidations le long des rivières côtières de certaines parties de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick.

M. King a comparu devant un comité de la Chambre des communes plus tôt ce mois-ci, où il a décrit les problèmes qui affligent le secteur de la pêche, notamment l’influence croissante du crime organisé et des acheteurs chinois dans l’exportation illégale du poisson.

Il a expliqué que cette activité illégale est alimentée par la demande croissante des bébés anguilles qui sont vendues vivantes aux exploitations aquacoles sur les marchés asiatiques comme la Chine et le Japon. En 2022, les prix ont atteint 5000 $ le kilogramme, alors que les sources d’approvisionnement en espèces de poissons en péril commençaient à se tarir en Europe et en Asie.

Les données des services douaniers d’Asie de l’Est utilisées dans un rapport publié le mois dernier dans la revue Marine Policy indiquent qu’en 2022, les importations en provenance des Amériques représentaient 89 % de toutes les importations d’anguilles vivantes dans la région, Hong Kong étant le principal importateur.

Co-écrit par Hiromi Shiraishi, chercheuse à l’Université Chuo de Tokyo, le rapport indique que Hong Kong a importé 43,3 tonnes d’anguilles vivantes du Canada cette année-là. Cela représente plus de quatre fois le quota de capture annuel total du Canada, fixé à un peu moins de 10 tonnes depuis 2005.

«Si les données sont exactes, ces chiffres sont plutôt alarmants», a affirmé M. King.

Dans un courriel, Mme Shiraishi a déclaré que l’élevage d’anguilles n’est pas encore commercialement viable, ce qui signifie que la plupart des anguilles consommées ont commencé leur vie sous forme de civelles sauvages.

L’espèce canadienne, connue sous le nom d’anguille d’Amérique, a été désignée comme espèce menacée en 2012 par le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada.

Mme Shiraishi a souligné que la plupart des consommateurs n’ont aucune idée de l’espèce d’anguille qu’ils mangent ni d’où elle vient. Ils ne sont pas non plus conscients des problèmes causés par le commerce illégal dans des pays comme le Canada. Elle aimerait voir ce changement.

Elle a dit qu’il n’existe aucune donnée permettant d’établir où les anguilles capturées au Canada ou ailleurs sont éventuellement consommées une fois qu’elles ont atteint une taille suffisamment grande. «Pour sensibiliser, nous pensons qu’il est important d’abord de faire savoir à la société ce qu’elle mange, c’est pourquoi nous prévoyons de faire une analyse ADN des produits à base d’anguille vendus au Japon l’année prochaine», a-t-elle indiqué. 

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