Moins de meurtres à Montréal: la police l’attribue en partie à la prévention

Jacob Serebrin, La Presse Canadienne
Moins de meurtres à Montréal: la police l’attribue en partie à la prévention

MONTRÉAL — La police de Montréal affirme que la baisse du nombre d’homicides d’une année à l’autre dans la ville est un signe que les stratégies de prévention de la violence et de lutte à la criminalité portent leurs fruits.

L’an dernier, 33 homicides ont été signalés sur l’île de Montréal, incluant ceux des sept personnes qui ont trouvé la mort dans l’incendie criminel d’un immeuble du Vieux-Montréal, contre 41 en 2022.

Le commandant Jean-Sébastien Caron, qui dirige la brigade des crimes majeurs au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), attribue la baisse des meurtres à une combinaison d’arrestations, à une visibilité policière accrue dans les quartiers sujets à la violence et à des programmes de prévention par lesquels les agents travaillent avec des organismes communautaires pour offrir aux jeunes des alternatives au crime. «Il s’agit vraiment d’une stratégie globale qui semble fonctionner», a déclaré le commandant Caron lors d’une récente entrevue.

Il signale qu’à compter de la fin de 2022, la police avait procédé à une série d’arrestations en lien avec des affaires de meurtre et de tentative de meurtre, après avoir enquêté sur des membres de groupes criminels, en particulier des gangs de rue. En avril 2023, par exemple, la police a arrêté huit personnes qui, selon elle, étaient liées au meurtre d’un jeune de 18 ans lié à un gang.

À son avis, la série d’arrestations a «certainement eu un impact assez important, mais il ne faut pas oublier le travail qui a été fait au niveau communautaire, en prévention».

Entre 2011 et 2020, la police de Montréal a déclaré en moyenne 28,4 homicides par année ; il y a eu 25 homicides en 2021. Ce nombre est passé à 37 en 2021, avant de remonter l’année suivante. La police a attribué une grande partie de cette augmentation à la violence armée liée aux groupes criminels.

Une porte-parole du SPVM, Caroline Labelle, a souligné dans un courriel qu’en réponse à l’augmentation de la criminalité armée, la police a embauché en 2023 des conseillers en développement communautaire, dont le travail consiste à aider à orienter les personnes ayant des comportements à haut risque vers des organismes communautaires et des ressources institutionnelles. Ces conseillers rencontrent aussi les victimes afin de prévenir des représailles violentes.

De plus, les policiers ont commencé à participer à un programme appelé PIVOT, coordonné par une Régie régionale de la santé, qui vise à amener les jeunes contrevenants de deux arrondissements du nord-est de la ville, soit Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles et Montréal- Nord – pour retourner aux études, suivre des programmes de formation ou s’engager dans un traitement contre la toxicomanie.

Michelle Côté, directrice de recherche au Centre international pour la prévention du crime, basé à Montréal, soutient que la collaboration entre la police et les organismes communautaires est essentielle à la prévention de la violence. «Il faut faire de la prévention en amont pour pouvoir accompagner les jeunes, les familles en difficulté, avant qu’ils ne s’engagent pas dans des situations conflictuelles qui mènent à toutes sortes de crimes violents, dont des homicides».

Mme Côté, qui a passé 20 ans dans l’équipe de recherche et de planification du service de police, dirige aussi ce qui est appelé un «laboratoire de sécurité urbaine», financé par la Ville et le gouvernement du Québec, qui étudie la violence ; il fournit également une plateforme permettant à la police, aux fonctionnaires municipaux et aux représentants des systèmes de santé et d’éducation d’élaborer des plans stratégiques pour réduire la criminalité.

«Ce que je vois en ce moment est très encourageant», estime Michelle Côté en faisant référence à la collaboration entre ces différents acteurs.

Mais un programme comme PIVOT, signifie aux jeunes qu’ils sont surveillés par la police, a estimé Izara Gilbert, doctorante et chargée de cours à l’École de travail social de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). «On le présente comme un programme visant à prévenir et à répondre à la violence, mais il s’agit en fait d’un programme de répression», à son avis. «Une fois qu’un jeune aura un dossier dans le système, il sera beaucoup plus surveillé, il sera plus à risque de profilage, même s’il n’a commis aucune infraction», a-t-elle ajouté.

Mme Gilbert a rédigé son mémoire de maîtrise sur la stigmatisation des jeunes de l’arrondissement de Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles, dans le nord-est de Montréal. Elle a déclaré que de tels quartiers sont déconnectés des parties centrales de la ville, où se trouvent de bons emplois et des universités.

Elle s’est dite sceptique quant au fait que les programmes de la police aient rapidement conduit à une baisse importante de la violence.

Malgré l’augmentation des homicides en 2022, le taux d’homicides dans la grande région de Montréal cette année-là était de 1,49 pour 100 000 habitants — inférieur au taux de meurtres canadien de 2,25 pour 100 000, selon Statistique Canada, et inférieur à ceux observés dans de nombreuses autres villes canadiennes, dont Toronto, Vancouver, Calgary et Edmonton.

Une autre raison de la baisse des homicides en 2023, selon le commandant Caron, est la création à l’été 2022 d’une équipe de police spécialisée, connue sous l’acronyme ARRET, dont le but est d’assurer une grande visibilité policière dans les zones où des violences armées ont été signalées. Les membres de l’équipe signalent leur présence aux groupes criminels afin de les dissuader de commettre des infractions.

Jean-Sébastien Caron a noté que le nombre de meurtres commis avec des armes à feu à Montréal est passé de 20 en 2022 à neuf en 2023. De plus, aucune femme n’a été tuée à Montréal par son partenaire l’année dernière. «C’est aussi une belle réussite car ça n’arrive pas souvent».

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