Les Ukrainiens titulaires d’un visa canadien doivent prendre une décision angoissante

Laura Osman, La Presse Canadienne
Les Ukrainiens titulaires d’un visa canadien doivent prendre une décision angoissante

OTTAWA — Les Ukrainiens ont jusqu’à dimanche pour faire valoir leur visa d’urgence pour venir au Canada. 

Le Canada a accordé quelque 960 000 visas d’urgence aux Ukrainiens à la suite de l’invasion russe de 2022.

Le Canada semble avoir constaté une forte augmentation du nombre de nouveaux arrivants ukrainiens au cours du mois précédant cette date limite. À la fin du mois de février, 248 726 Ukrainiens avaient fait le voyage vers le Canada, mais on ne sait pas exactement combien y sont restés.

Le ministre de l’Immigration, Marc Miller, estimait que le nombre de nouveaux arrivants devait avoisiner les 300 000 d’ici la fin du mois de mars. 

Bien que le visa qui permet aux Ukrainiens de travailler et d’étudier au Canada soit temporaire, la grande majorité de ceux qui sont venus au Canada et qui y sont restés ont signalé leur intention de s’établir de façon permanente.

Avec l’expiration du visa dimanche, de nombreux Ukrainiens sont confrontés à des décisions difficiles quant à savoir où leur avenir les mènera et s’ils envisagent un jour de rentrer chez eux. C’est le cas pour Lilyia Dvornichenko.

Il était 4h40 du matin lorsque des bombes ont commencé à tomber sur Kharkiv, la ville natale de Mme Dvornichenko en Ukraine, située à seulement une heure de la frontière russe.

Elle avait la mâchoire serrée et le ton neutre lorsqu’elle a décrit les premiers moments terrifiants d’il y a deux ans, lorsque la Russie a lancé une invasion à grande échelle de son pays.

«Tout le monde pensait que ce serait fini le lendemain. Le lendemain. Le lendemain, ce serait fini», a-t-elle dit, se remémorant son voyage, assise dans un café d’un hôtel à Varsovie, en Pologne. «C’était de pis en pis.»

Avec un rire triste, elle a décrit l’effet du stress sur son corps, à quel point elle ressemblait à un squelette après seulement quelques jours.

Mme Dvornichenko a aidé à organiser un convoi de véhicules pour emmener les membres de sa famille à travers le pays et a dormi dans une école maternelle abandonnée où ils n’étaient pas autorisés à allumer les lumières de peur d’être visés par des frappes aériennes.

Elle n’a pu franchir la frontière qu’en brandissant un pied de biche pour empêcher les autres voitures de leur barrer le chemin sur une route anarchique, alors que des millions de personnes se dirigeaient vers la sécurité de la Pologne. 

Elle parlait avec un air calme et sobre en racontant ces jours terribles. Ce n’est que lorsqu’elle évoque sa décision de ne pas retourner en Ukraine que sa voix s’est mise à trembler et qu’elle s’est caché le visage.

«La chose patriotiquement correcte serait de revenir en arrière, n’est-ce pas ? Créer des emplois, prendre des emplois, payer des impôts, restaurer, a-t-elle affirmé. Mais j’ai un peu perdu la foi que c’était réparable.»

Rares sont ceux qui entreprennent un voyage coûteux au Canada à la légère. Même si de nombreux membres de la famille de Mme Dvornichenko ont obtenu le visa, ils ont tous pris des décisions différentes quant à la marche à suivre. Tandis qu’une nièce a choisi de venir au Canada, d’autres membres de la famille ont arrêté leur voyage en Pologne, tandis que d’autres restent encore en Ukraine.

En tant que professionnelle célibataire parlant couramment l’anglais, Mme Dvornichenko a indiqué que le Canada offrait une option intéressante, car elle a de bonnes chances d’obtenir éventuellement la résidence permanente. Mais elle soutient également ses parents, qui n’obtiendront probablement jamais la citoyenneté canadienne.

«Je peux les traîner dans un pays complètement étranger pendant trois ans, puis les renvoyer ?, affirme-t-elle. Je ne peux pas… C’est absolument inutile.»

Elle ne pense pas non plus pouvoir rentrer chez elle elle-même.

Comme beaucoup d’Ukrainiens au Canada, elle prévoit continuer à collecter des fonds et à soutenir l’effort de guerre à l’étranger.

Avec l’appartement détruit de ses parents à Kharkiv, ainsi que tout ce qu’ils possédaient en Ukraine, l’idée d’y retourner, même après la fin de la guerre, semble peu probable.

«Je comprends que j’ai des raisons, n’est-ce pas ? Mais en même temps, j’aimerais que ce soit différent. Vraiment», a-t-elle soutenu.

L’agence des Nations unies pour les réfugiés affirme que 6,5 millions d’Ukrainiens étaient inscrits sur la liste des réfugiés dans le monde en février 2024.

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