Les travaux d’un comité des Communes sur la gouvernance métisse sont prolongés

Alessia Passafiume, La Presse Canadienne
Les travaux d’un comité des Communes sur la gouvernance métisse sont prolongés

OTTAWA — Un comité des Communes a prolongé au moins jusqu’en février l’étude d’un projet de loi plutôt délicat qui reconnaîtrait des gouvernements métis dans trois provinces.

Les audiences du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord sur le projet de loi C-53 ont permis jusqu’ici d’entendre 65 témoins et de recevoir 274 mémoires. Ces interventions ont plaidé vigoureusement pour ou contre la reconnaissance de certains gouvernements métis en Alberta, en Ontario et en Saskatchewan.

Certains groupes des Premières Nations s’opposent au projet de loi et ils exhortent les députés à voter contre, car ils estiment qu’il pourrait éroder leurs propres droits. Mais le projet de loi bénéficie du soutien des organismes qui en seraient les bénéficiaires directs et de groupes plus larges, notamment le Ralliement national des Métis.

Les députés membres du comité des Communes ont débattu récemment de détails du projet de loi lors de réunions consacrées à l’examen article par article. Sept de ces réunions ont eu lieu jusqu’à présent, ce qui représente des heures de débats. Ce processus devrait reprendre à la reprise des travaux en Chambre après les vacances d’hiver, le 29 janvier.

Un point de friction a été de savoir si le projet de loi devrait utiliser le terme «corps dirigeant autochtone» en référence à la reconnaissance du fait que les organisations seraient autorisées à agir au nom des Métis, et que cela affirme leur droit inhérent à l’autonomie gouvernementale tel qu’affirmé par la Constitution.

Le terme est inclus dans le texte original du projet de loi, mais il n’y est pas défini. Il a été utilisé et spécifiquement défini dans d’autres projets de loi régissant la protection des enfants autochtones et dans un nouveau Conseil national de réconciliation.

Les groupes métis visés par la loi ont déclaré que le fait de retirer le terme de «corps dirigeant autochtone» affaiblirait l’intention du projet de loi et ses avantages.

Mais certains politiciens, notamment des députés conservateurs et néo-démocrates, ont exprimé leurs inquiétudes quant au fait que son inclusion pourrait affecter d’autres groupes métis dans les mêmes provinces, qui pourraient ne pas vouloir être gouvernés par les organismes inclus dans la future loi.

«Processus législatif qui s’éternise»

La présidente de la Nation métisse de l’Ontario, Margaret Froh, affirme que les Métis se battent pour leurs droits depuis des générations et que l’adoption du projet de loi contribuerait à le reconnaître. Mais les délais ont été «décourageants», a-t-elle déploré dans une récente entrevue.

«Nos dirigeants se sont battus et sont morts pour la reconnaissance de l’autodétermination des Métis, et nous sommes enfin dans une situation où nous avons la possibilité d’aller de l’avant.»

Le Ralliement national des Métis a voté à l’unanimité le mois dernier en faveur d’une résolution appelant les politiciens à adopter le projet de loi sans délai.

L’ampleur de l’étude du comité est «sans précédent» et «établit une nouvelle norme négative à laquelle toutes les futures lois sur l’autonomie gouvernementale autochtone seront soumises», indique la résolution présentée par Margaret Froh.

«Le processus législatif qui s’éternise a entraîné l’amplification de mensonges toxiques, de désinformation et de violence latérale douloureuse qui ont eu un impact négatif sur les jeunes et les aînés métis.»

Des dirigeants des Premières Nations, en particulier en Ontario, ont fait part de leurs inquiétudes au comité et dans des déclarations publiques concernant ce qu’ils considèrent comme les conséquences de l’adoption du projet de loi.

L’organisation «Chiefs of Ontario», qui représente environ 130 Premières Nations de cette province, a souligné que les chefs s’inquiètent de l’inclusion dans une loi de la Nation métisse de l’Ontario. Leurs préoccupations se concentrent principalement sur six nouvelles communautés reconnues par la Nation métisse de l’Ontario et la province en 2017, et dont l’existence, selon eux, n’a aucun fondement historique.

Des Métis en Ontario?

Lors d’une audience du comité en novembre, un haut fonctionnaire fédéral a déclaré qu’Ottawa n’avait pas vérifié la légitimité des communautés métisses contestées ni l’adhésion plus large à l’organisation provinciale, expliquant que le gouvernement n’était pas tenu de le faire.

«Ils ne font pas leurs devoirs pour s’assurer d’entendre les bonnes personnes, a dénoncé peu après la députée néo-démocrate Lori Idlout. Et je peux comprendre pourquoi les Premières Nations de l’Ontario seraient grandement préoccupées par ce qui se passe.»

L’une des critiques les plus cinglantes du projet de loi — et de la Nation métisse de l’Ontario — a été rédigée par Darryl Leroux, professeur d’études politiques à l’Université d’Ottawa.

Dans son mémoire de six pages soumis au comité des Communes, M. Leroux a expliqué comment ses recherches – souvent menées en partenariat avec les Premières Nations – n’ont jamais réussi à prouver l’existence des six communautés métisses contestées en Ontario.

Mais dans une récente entrevue, Margaret Froh, de la Nation métisse de l’Ontario, trouve «malheureux» que certains construisent un récit selon lequel les Métis n’existeraient qu’autour de la rivière Rouge, au Manitoba. «La position avancée par certains ne reconnaît pas les incroyables et belles histoires métisses de nombreuses autres communautés – dont certaines ont un lien avec la rivière Rouge, mais d’autres pas», a-t-elle déclaré. «Ils sont autonomes et doivent être respectés par eux-mêmes.»

Jason Madden, citoyen métis et avocat, a indiqué au comité en novembre que «ce n’est pas parce que quelqu’un lance que les communautés métisses n’existent pas ou ne peuvent pas exister sans sa permission qu’elles n’existent pas dans les faits».

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