Le fédéral réduit l’argent octroyé aux entreprises grâce à la tarification du carbone

Mia Rabson, La Presse Canadienne
Le fédéral réduit l’argent octroyé aux entreprises grâce à la tarification du carbone

OTTAWA — Le gouvernement fédéral réduit le montant d’argent que les petites et moyennes entreprises recevront grâce aux revenus de la tarification du carbone, afin de pouvoir augmenter le montant des remises aux familles rurales.

Et ce, alors que le gouvernement doit encore aux entreprises 2,5 milliards $ de recettes issues de la tarification du carbone pour les cinq premières années du programme.

Les petites entreprises payaient déjà plus que ce qu’elles recevaient, et le changement aggravera encore ce manque à gagner, a déclaré Dan Kelly, président de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI).

«C’est profondément injuste», a soutenu M. Kelly.

«Je m’attends à ce que le niveau d’indignation des petites entreprises à l’égard de cette taxe augmente une fois que les propriétaires d’entreprise découvriront que cette mauvaise taxe constitue une arnaque encore plus importante.»

La FCEI estime que les petites entreprises contribuent jusqu’à 40 % aux revenus globaux du gouvernement liés à la tarification du carbone. Clean Prosperity, un groupe de réflexion sur l’économie et les changements climatiques, estime que ce chiffre est plus proche de 25 %.

Mais il n’a jamais été prévu qu’elles récupèrent plus de 7 % des recettes, et ce pourcentage tombe aujourd’hui à 5 %.

Les informations publiées sur le site web du gouvernement fédéral la semaine dernière montrent qu’Ottawa a l’intention de restituer aux entreprises 623 millions $ de revenus issus de la tarification du carbone pour l’année 2024-2025.

En 2023-2024, le gouvernement a alloué près de 935 millions $ aux petites entreprises, soit 50 % de plus que lorsque le prix du carbone lui-même était de 15 $ de moins par tonne.

Cela se produit alors que le gouvernement fédéral augmente les remboursements versés aux ménages ruraux, qui bénéficiaient initialement d’un supplément de 10 % au remboursement des émissions de carbone pour les ménages. À partir du 1er avril, ce pourcentage passera à 20 %.

Le premier ministre Justin Trudeau a annoncé cette décision l’automne dernier, en même temps qu’il promettait une exemption de trois ans de la tarification du carbone pour le mazout.

Il a déclaré que le gouvernement a aidé et continuera d’aider les petites entreprises à «transformer» leurs opérations pour économiser l’énergie, mais il a reconnu que les fonds supplémentaires destinés aux remises rurales devaient venir de quelque part.

«Dans chaque politique, nous devons faire des choix», a souligné M. Trudeau, en octobre dernier.

Les questions posées à Environnement et Changement climatique Canada ainsi qu’à Finances Canada au sujet du changement sont jusqu’à présent restées sans réponse.

Ce changement survient également alors qu’Ottawa n’a versé qu’une petite fraction de ce qu’il avait déjà promis aux petites entreprises.

Le prix du carbone a été conçu de manière à ce que 90 % de l’argent collecté auprès des consommateurs et des petites entreprises soit reversé aux ménages individuels sous la forme d’une remise.

Les petites et moyennes entreprises – celles qui n’ont pas d’empreinte carbone majeure – devaient récupérer environ 7 % grâce à divers programmes de subventions conçus pour encourager les investissements dans des équipements, des appareils électroménagers ou des rénovations de bâtiments plus économes en énergie.

Le reste devait être partagé entre les communautés autochtones, les municipalités, les hôpitaux et les écoles, encore une fois par le biais d’une myriade de programmes visant à contribuer à l’amélioration de l’efficacité énergétique.

Les remises carbone ont été versées aux ménages comme promis, mais divers problèmes, notamment la pandémie de COVID-19, ont fait trébucher les autres programmes dès le départ.

Jusqu’à présent, un peu plus de 100 millions $ ont été restitués grâce aux programmes, dont 35 millions $ aux petites entreprises, 60 millions $ aux écoles et environ 6 millions $ aux communautés autochtones.

Cet échec a incité la ministre des Finances, Chrystia Freeland, à promettre un nouveau système de distribution des 2,5 milliards $ dus aux petites entreprises pour les cinq premières années de la tarification du carbone.

Ce plan, annoncé en 2022, visait à cibler les entreprises des «secteurs à forte intensité d’émissions et exposés au commerce», mais ceux-ci doivent encore être définis. Au-delà de la diminution de la part du gâteau, aucun détail supplémentaire n’a été publié.

Environnement Canada n’a fourni aucun détail lorsqu’il a été interrogé sur la promesse de 2,5 milliards $ plus tôt ce mois-ci.

«Le gouvernement du Canada travaille dur pour lancer ces programmes de restitution des redevances sur les carburants», a affirmé le ministère, dans une déclaration envoyée par courriel. 

Non seulement ce changement est injuste, mais il va à l’encontre de l’objectif même de la tarification du carbone, a soutenu M. Kelly.

«Le principe même d’une taxe carbone est de taxer les activités basées sur le carbone et de restituer l’argent afin que les gens prennent ensuite la décision d’utiliser ce montant dans des activités à faible émission de carbone», a-t-il déclaré.

«Tout le concept ne fonctionne pas si vous ne restituez pas l’argent.»

Michael Bernstein, directeur exécutif de Clean Prosperity, a indiqué qu’il ne pensait pas que la réduction soit justifiée.

«Je pense qu’il y a là une préoccupation légitime.»

M. Bernstein a dit qu’il avait conseillé au gouvernement d’offrir aux entreprises un crédit d’impôt pour compenser ce qu’elles paient en tarification du carbone.

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