La mairesse de Gatineau, France Bélisle, annonce sa démission

Vicky Fragasso-Marquis, La Presse Canadienne
La mairesse de Gatineau, France Bélisle, annonce sa démission

MONTRÉAL — La mairesse de Gatineau, France Bélisle, en a surpris plus d’un en annonçant jeudi sa démission, qu’elle a expliquée entre autres par le climat politique difficile pour les politiciens municipaux. 

«Je me suis beaucoup questionnée sur le prix à payer pour accomplir ce travail exigeant, dans un contexte, disons-le, qui est souvent hostile», a-t-elle déclaré aux journalistes, la voix étranglée par l’émotion.

Mme Bélisle quitte son poste dès maintenant. C’est le conseiller municipal Daniel Champagne qui la remplacera pour l’instant. 

Dans une longue déclaration pour expliquer sa décision, prise visiblement à contrecoeur, Mme Bélisle a affirmé qu’elle avait fait ce choix pour «préserver (sa) santé pour l’avenir» et «préserver son intégrité».

Mme Bélisle dit avoir été «témoin de propos et de façons de faire qui (la) préoccupent».

«Des attaques personnelles qui dépassent la critique, des élus qui ne jouent pas leur rôle à la bonne place ni au bon moment, des menaces de mort par certains membres du public.»

L’ex-mairesse a aussi évoqué des décisions à venir prochainement auxquelles elle ne veut pas être associée.

«Être mairesse, c’est le plus merveilleux travail que j’ai eu et le plus grand honneur qu’on m’ait fait, mais c’est aussi le travail le plus difficile que j’ai eu», a-t-elle ajouté.

Difficultés des élus municipaux

Mme Bélisle a d’ailleurs invité le gouvernement du Québec à réfléchir «sur cet exode des élus municipaux, mais aussi sur toutes les élections par acclamation».

«Je pense qu’il faut toutes et tous s’inquiéter d’un service public qui n’a plus la cote», a-t-elle souligné.

L’ex-mairesse n’a d’ailleurs pas manqué de mentionner plusieurs exemples de la problématique, dont la démission de la jeune mairesse de Chapais, Isabelle Lessard, et le retrait temporaire de la mairesse de Sherbrooke, Évelyne Beaudin, pour des raisons de santé.

France Bélisle avait été élue mairesse de Gatineau pour la première fois en novembre 2021, devenant la première femme à assumer ce poste.

Elle avait fait beaucoup parler d’elle l’automne dernier, lorsqu’elle avait interpellé le gouvernement du Québec sur le problème de l’itinérance dans sa ville. Mme Bélisle avait dénoncé le manque d’investissements de Québec et avait dit qu’elle devait faire la «job» du ministre responsable des Services sociaux, Lionel Carmant. 

La ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, a dit accueillir «avec regret» la démission de Mme Bélisle, mais elle a été vraisemblablement piquée au vif par ses propos, énonçant tout ce que son gouvernement avait fait pour aider les politiciens du secteur municipal.

«Notre gouvernement fait sa part pour soutenir les élus dans leurs fonctions. Maintenant, il est important que certains changements s’opèrent de l’intérieur des conseils avec une volonté sincère et au bénéfice des citoyens», a-t-elle soutenu sur la plateforme X.

«J’ai la ferme intention de continuer le travail en partenariat avec le milieu municipal afin que nos élus puissent accomplir leur mandat essentiel.»

Un parcours salué

Dans un communiqué, l’Union des municipalités du Québec (UMQ) a rendu hommage à Mme Bélisle.

«France est une personne déterminée, animée par le devoir d’engagement et dotée de profondes valeurs», a affirmé par communiqué le président de l’UMQ, Martin Damphousse.

«Son ouverture et sa grande empathie en font une figure marquante du monde municipal, toujours prête à apporter des changements et à défendre les valeurs d’égalité et les causes sociales, même dans les contextes les plus difficiles.»

Le premier ministre François Legault a aussi salué l’ex-mairesse. «Je veux remercier France Bélisle pour ses années de service à titre de mairesse de Gatineau. Je lui souhaite le meilleur pour la suite», a-t-il écrit sur X.

André Fortin, le député libéral de Pontiac, en Outaouais, a témoigné son respect et son admiration pour Mme Bélisle.

«Elle a fait progresser notre ville. Bien qu’elle quitte le cœur gros, elle peut aussi quitter la tête haute», a-t-il soutenu sur X.

Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, a dit que Mme Bélisle avait fait un «témoignage percutant».

«La politique peut être un milieu ingrat et difficile, particulièrement pour les femmes. L’intimidation à laquelle les élus font de plus en plus face doit être dénoncée, sans retenue», a-t-il déclaré sur les réseaux sociaux.

Le porte-parole de Québec solidaire pour les affaires municipales, Étienne Grandmont, a pour sa part affirmé que «ce départ malheureux s’ajoute à une trop longue liste de démissions d’élu-es municipaux depuis 2021».

«Si la CAQ faisait vraiment sa part pour soutenir les élu-es municipaux comme l’a dit la ministre Laforest, 741 personnes n’auraient pas démissionné au cours du présent mandat. (…) La situation doit changer et rapidement: nous vivons en ce moment une épidémie de départs qui sont le symptôme d’un laisser-aller sur la question du harcèlement et de l’intimidation et qui constitue un risque important pour notre démocratie», a-t-il ajouté dans une déclaration écrite.

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