La crise des surdoses atteint un paroxysme à Belleville: 17 cas en 24 heures

Sonja Puzic, La Presse Canadienne
La crise des surdoses atteint un paroxysme à Belleville: 17 cas en 24 heures

BELLEVILLE, ONT. — La semaine dernière, les équipes d’urgence de Belleville ont répondu à 17 surdoses au centre-ville en seulement 24 heures. 

Aucun décès n’a été signalé, mais les responsables ont déclaré que la vague d’intoxications par des drogues illicites faisait partie d’une tendance qui s’aggravait et qui devait être combattue avec l’aide d’autres ordres de gouvernement.

Le maire de la ville a demandé un financement provincial tout en soulignant l’immense pression que la crise locale de toxicomanie, de santé mentale et d’itinérance a exercée sur les services locaux. Le premier ministre de l’Ontario avait promis son soutien.

Alors que la neige s’accumulait dans les rues autour de lui, John Green se demandait où il trouverait de la chaleur pour la nuit.

L’homme de 48 ans et son partenaire faisaient partie de ceux qui se sont rassemblés cette semaine devant une église du centre-ville de Belleville, au sud-est de l’Ontario qui a récemment déclaré l’état d’urgence à la suite d’une augmentation des surdoses.

L’église de Bridge Street, qui attire des rassemblements quotidiens de ceux qui recherchent de la nourriture, de la chaleur et d’autres soutiens, est une des preuves de certains des défis auxquels la ville est confrontée.

«J’ai besoin d’une maison, d’un foyer», a affirmé John Green, exprimant son inquiétude quant à ce qui arriverait aux personnes rassemblées sur le trottoir à l’extérieur de l’église unie de Bridge Street une fois son programme d’accueil fermé pour la soirée.

M. Green a déclaré qu’il était itinérant depuis «neuf hivers», à la suite d’un divorce et d’une grave blessure au dos qui l’avait empêché de travailler. Il a déclaré avoir consommé des drogues telles que le fentanyl et avoir subi des surdoses, mais ses amis ont pu intervenir et le sauver.

D’autres n’ont pas eu autant de chance.

«Je suis allé à 19 funérailles l’année dernière», a regretté John Green, qui a ajouté que lui et d’autres personnes vivant dans la rue étaient là parce qu’ils n’avaient nulle part où aller.

«Il fait froid. Nous sommes seuls. C’est triste.»

Des actes quotidiens de gentillesse

Plusieurs individus pouvaient être vus se frottant les mains nues par une journée extrêmement froide, d’autres blottis sur des chaises de fortune adossées à une clôture. Une femme âgée enveloppée dans des couvertures et assise au milieu du trottoir a fait une scène à propos de son besoin de logement.

«Est-ce que je l’aurai avant de mourir ?» a-t-elle crié, apparemment en direction de deux femmes qui montaient dans une voiture à proximité.

À côté d’elle, un homme tirait une bouffée de cigarette et râlait, sans viser personne en particulier.

Le dimanche, les membres d’un groupe de bénévoles local appelé Not Alone Team – Quinte s’arrêtent à l’église et ouvrent le coffre de leur voiture pour distribuer des repas chauds et des friandises sucrées.

La bénévole Georgina Lee-Swift a déclaré qu’elle adorait livrer de la nourriture, des mitaines et des chaussettes aux gens, même si ce n’était qu’une «goutte d’eau dans l’océan».

«S’il y a beaucoup de gouttes dans le seau, nous pouvons certainement faire des vagues», a-t-elle lancé.

La fondatrice du groupe, Debbie Lee Pike, 48 ans, a déclaré qu’il n’était pas inhabituel que son téléphone portable sonne à 2 heures du matin pour demander de l’aide pour quelqu’un qui a besoin de nourriture, d’argent ou d’un abri temporaire.

«Ce sont des gens, tout comme vous et moi, et beaucoup d’entre eux viennent d’un milieu très (traumatique), a raconté Mme Pike, une enseignante d’école primaire qui dirige le groupe d’environ 35 bénévoles. Sans gentillesse et sans aide, ils ne verront pas la lumière au bout du tunnel.»

Les actes quotidiens de gentillesse et de sensibilisation sont certainement utiles, disent les défenseurs, mais les problèmes sous-jacents qui contribuent aux surdoses, aux dépendances et à l’itinérance doivent également être abordés.

Les responsables de la santé publique de Belleville et d’autres villes ont averti que l’approvisionnement en drogues illicites pouvait être mêlé à de la xylazine, un tranquillisant utilisé en médecine vétérinaire qui peut abaisser le rythme cardiaque, la tension artérielle et la respiration.

Hastings Prince Edward Public Health, qui dessert Belleville, a déclaré qu’un échantillon de drogue prélevé par la police au moment des surdoses observées dans la ville la semaine dernière a montré la présence d’un opioïde, de xylazine et d’une benzodiazépine, qui peuvent provoquer une sédation importante.

Les benzodiazépines sont généralement mélangées aux opioïdes vendus dans la rue, a détaillé Stephanie McFaul, responsable de la santé sexuelle et de la réduction des méfaits à Hastings Prince Edward Public Health.

«Vous ne pouvez pas vous fier à ce que vous pensez acheter, a-t-elle insisté. Le phénomène de ces intoxications médicamenteuses s’accentue avec le temps.»

Un tableau de bord en ligne contenant des données de Hastings Prince Edward Public Health montre que les services paramédicaux de Hastings-Quinte ont répondu à 371 appels liés aux opioïdes en 2023.

Il y a eu 252 visites aux urgences liées à des intoxications aux opioïdes au cours de cette période et 50 décès présumés liés à la drogue.

On peut craindre que de nombreuses intoxications médicamenteuses dans la communauté ne soient pas signalées lorsque les utilisateurs les traitent en privé, a ajouté Stephanie McFaul.

«C’est vraiment un échantillon représentatif de l’humanité»

Les situations d’urgence liées à la toxicomanie peuvent survenir dans n’importe quel milieu, y compris chez les personnes qui ont un emploi, un logement et une famille qui les soutient, selon les experts.

«C’est vraiment un échantillon représentatif de l’humanité. Des gens de tous horizons socio-économiques s’inscrivent à un traitement par agonistes opiacés», a déclaré Kate Johnston, qui gère des cliniques ontariennes administrées par des centres canadiens de traitement de la toxicomanie, dont une à Belleville offrant des services de traitement de la toxicomanie couverts par le Régime d’assurance-maladie de l’Ontario.

«Si vous pensez aux facteurs déterminants des troubles liés à la consommation d’opiacés ou à la dépendance, cela pourrait être des antécédents de traumatisme, de santé mentale et il y a tellement de facteurs qui contribuent à la douleur chronique. Personne n’est donc exempté de ces expériences.»

Les objectifs du traitement sont différents pour chaque patient, a déclaré Kate Johnston, mais ils ne sont pas basés sur l’abstinence. Et lorsque les patients reçoivent une dose thérapeutique stable de médicaments contre la toxicomanie, les surdoses peuvent être évitées, a-t-elle précisé.

Malgré la disponibilité de traitements et de programmes contre la toxicomanie qui fournissent des produits essentiels tels que la naloxone, un médicament permettant d’inverser les surdoses d’opioïdes, et du matériel d’injection sécurisé, les experts et les bénévoles en sensibilisation ont déclaré que de réels progrès seront difficiles, à moins que la crise du logement locale – et nationale – ne soit résolue.

Le maire a déclaré que la ville de 55 000 habitants comptait environ 200 itinérants, même si ce chiffre est probablement sous-estimé.

Mme Pike, qui dirige le groupe de bénévoles local, a raconté qu’elle ne pense pas que la récente demande de financement provincial du maire pour établir un nouveau centre de santé et de services sociaux et un centre de désintoxication dans la communauté soit suffisante.

«La réalité est que tant que (les gens) ne seront pas logés, les envoyer en cure de désintoxication ne résoudra pas le problème, a-t-elle avancé. Parce qu’ils les renvoient simplement dans une rue où ils trouveront le même approvisionnement.»

– Avec l’aide de Chris Young.

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