Extorsion: des communautés sud-asiatiques sont visées dans trois provinces

Darryl Greer, La Presse Canadienne
Extorsion: des communautés sud-asiatiques sont visées dans trois provinces

VANCOUVER — Cela a commencé par un message vocal exigeant un paiement quelconque, puis une série d’appels téléphoniques manqués, puis des coups de feu visant la maison d’un propriétaire d’entreprise de la région métropolitaine de Vancouver dont la famille et la communauté sont maintenant saisies par la peur.

L’homme d’affaires, qui s’est exprimé sous couvert d’anonymat, a déclaré que le message original exigeait un paiement, sans quoi «il y aurait des conséquences», a-t-il indiqué.

Au début, cela ressemblait à une sorte de «canular», et il n’a pas pris les appels au sérieux, mais il a rappelé les soient-disant extorsionnistes.

«Nous voyons que vous réussissez bien en affaires, vous devez donc nous payer», lui ont-ils dit.

La police d’au moins trois provinces mène des enquêtes similaires sur des stratagèmes d’extorsion visant des propriétaires d’entreprises dans les communautés sud-asiatiques, une tactique qui, selon les enquêteurs, est couramment employée par les groupes du crime organisé dans l’État indien du Pendjab.

Début décembre 2023, la police d’Abbotsford, en Colombie-Britannique, a révélé que des lettres d’extorsion circulaient parmi les entreprises de la ville et que sa principale unité criminelle enquêtait sur elles.

La police d’Abbotsford avait déclaré à l’époque que les publications sur les réseaux sociaux décrivant une lettre d’extorsion correspondaient à ce qu’elle avait déjà vu.

L’unité de police a également indiqué qu’il enquêtait sur la fuite d’une communication de la police «réservée aux forces de l’ordre» selon laquelle les enquêteurs se penchaient sur une «extorsion en cours» qui serait liée à deux fusillades aux domiciles des victimes et à un incendie criminel.

Elle indiquait que les suspects seraient liés à un gang basé en Inde dirigé par un homme nommé Lawrence Bishnoi, et que le stratagème cible «les membres aisés de la communauté sud-asiatique».

Le message indique que les suspects parlant hindi utilisent le service de messagerie WhatsApp pour contacter les victimes et les menacer de violence après avoir «exigé de grandes quantités de devises».

Dans un communiqué, le porte-parole de la police d’Abbotsford, le sergent Art Stele, a déclaré que la police n’avait pas confirmé que les «lettres étaient liées à des incidents de violence».

«Cependant, toutes les voies et pistes possibles sont étudiées, indique le communiqué. Comme l’enquête comporte de nombreux éléments évolutifs, nous ne pouvons pas répondre à toutes les questions afin de ne pas entraver l’enquête en cours, mais nous communiquerons ce que nous pouvons pour garantir que le public est informé.»

Des stratagèmes répandus dans d’autres provinces

D’autres services de police sont maintenant impliqués dans une enquête multijuridictionnelle en Colombie-Britannique, et la police affirme que des stratagèmes d’extorsion similaires en Ontario et en Alberta font également l’objet d’une enquête.

Le mois dernier, la police régionale de Peel, en Ontario, a annoncé le lancement d’un groupe de travail d’enquête sur l’extorsion après l’arrestation, le 8 décembre, d’un homme de 23 ans d’Abbotsford, en Colombie-Britannique.

La police de Peel avait mentionné à l’époque que neuf cas faisaient l’objet d’une enquête et que les menaces d’extorsion avaient «causé de graves problèmes de sûreté et de sécurité» parmi les membres de la communauté.

À Surrey, en Colombie-Britannique, la capitaine Sarbjit Sangha a déclaré dans une entrevue que des rapports similaires faisant état de tentatives d’extorsion se sont produits dans leur juridiction, à Edmonton, à West Vancouver et à White Rock, en Colombie-Britannique.

Mme Sangha a précisé que ces types de tentatives d’extorsion impliquant des personnes cherchant «de l’argent pour se protéger» auprès des propriétaires d’entreprises sont courants en Inde, et la police «pense que le même élément a refait surface au Canada».

Mme Sangha a mentionné que les personnes qui reçoivent ces menaces devraient appeler la police de leur juridiction «immédiatement» et «ne pas céder aux demandes de ces personnes, qu’elles demandent de l’argent ou autre chose.

«Ils essaient de semer la peur dans le monde des affaires et ils ciblent uniquement les gens dont ils savent qu’ils sont aisés et qu’ils ont de l’argent», a-t-elle affirmé.

«Nous travaillons en très étroite collaboration avec toutes les autres juridictions confrontées à des incidents similaires», a ajouté Mme Sangha.

Le 28 décembre, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) de Surrey a arrêté deux personnes qui, selon elle, seraient liées à des tentatives d’extorsion, mais les deux hommes ont été libérés pendant que les accusations étaient examinées par le service des poursuites de la Colombie-Britannique.

Le 3 janvier, la police d’Edmonton a annoncé qu’elle enquêtait sur 18 incidents d’extorsion dans la région qui, selon elle, sont liés à une série d’incendies criminels et de fusillades au volant d’un véhicule.

La police d’Edmonton a fait savoir cette semaine que six jeunes hommes avaient été arrêtés en lien avec des tentatives d’extorsion, des fusillades et des incendies criminels, et qu’elle recherchait un autre suspect potentiel dans une affaire d’incendie criminel survenu le 29 décembre.

Incompréhension des individus visés

Le président du temple hindou de Surrey, Satish Kumar, a déclaré que la maison familiale de son propre fils avait été visée par des coups de feu à la fin du mois dernier.

M. Kumar a soutenu que lui et les membres de sa famille n’avaient reçu aucun appel ni aucune lettre d’extorsion, mais que l’escalade de la violence mettait les gens sur les nerfs.

«La communauté est très ébranlée en ce moment», a déclaré M. Kumar dans une entrevue.

M. Kumar, président du temple Lakshmi Narayan Mandir de Surrey, a indiqué qu’un forum de la communauté pour discuter des incidents de violence et d’extorsion se déroulerait au Reflection Banquet Hall le 6 janvier.

Il a dit que lui et d’autres essayaient toujours de comprendre pourquoi ils étaient ciblés.

«Nous n’avons aucun ennemi, aucun problème avec quoi que ce soit, a-t-il assuré. Vous savez, nous sommes des hommes d’affaires.»

L’incident a ébranlé ce chef d’entreprise de la région de Vancouver, qui n’a toujours pas surmonté la fusillade survenue à son domicile, et cela l’encourage à participer au forum qui se tiendra prochainement à Surrey.

«Mes enfants ont peur, ma mère et mon père ont très peur, vous savez, ils ne veulent pas que je quitte la maison», a-t-il raconté.

Les récentes arrestations annoncées par la GRC de Surrey n’ont pas apporté beaucoup de réconfort, a-t-il déclaré.

«En fin de compte, pour nous, jusqu’à ce que quelqu’un soit réellement détenu, jugé responsable et inculpé, je veux dire, cela ne fait pas grand-chose d’arrêter quelqu’un et de le laisser partir, a-t-il souligné. Je veux dire, ces gars sont dans la rue.»

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