Des Premières Nations intentent une action collective contre le gouvernement fédéral

Jeremy Simes, La Presse Canadienne
Des Premières Nations intentent une action collective contre le gouvernement fédéral

REGINA — Lynn Acoose dit emprunter la route que les Anciens et les dirigeants du passé de sa communauté ont toujours hésité à parcourir.

La cheffe de la nation Zagime Anishinabek, qui compte de nombreuses réserves dans le sud-est de la Saskatchewan, a intenté une action collective contre le gouvernement fédéral. Elle reproche à Ottawa de ne pas avoir versé les annuités dues en vertu du Traité no 4 signé il y a environ 150 ans.

Le chef Derek Nepinak de la nation Minegoziibe Anishinabe, dans le centre-ouest du Manitoba, fait aussi partie de la poursuite récemment déposée devant la Cour fédérale. Le chef Murray Clearsky de la nation Waywayseecappo a intenté une action collective semblable devant la Cour du Banc du Roi du Manitoba.

«Nous faisons quelque chose dont nos Anciens nous ont conseillé de ne pas faire, dit Mme Acoose. Ils ne souhaitent pas que l’esprit et l’objectif du traité soient coulés dans le béton. Je sens que je prends un grand risque, mais c’est un risque que je suis prête à prendre.»

Les allégations n’ont pas encore été prouvées devant les tribunaux. Le gouvernement fédéral n’a pas présenté sa défense.

En septembre 1874, le Canada a signé le traité no 4 avec des tribus indiennes des Cris et des Saulteux de Fort Qu’Appelle, en Saskatchewan. Cela permettait au gouvernement d’utiliser et d’occuper 195 000 kilomètres carrés d’un territoire qui recouvre aujourd’hui le sud-est de l’Alberta, le sud de la Saskatchewan et le centre-ouest du Manitoba.

En échange Ottawa devait créer des réserves et verser 750 $ par année en munitions et en ficelle. Le gouvernement fédéral devait aussi bâtir une école, céder des outils et autres approvisionnements.

Et il devait s’engager à verser annuellement et à perpétuité un montant de 5$ à chaque homme, femme et enfant de chacune des bandes.

Les plaignants reprochent au gouvernement d’avoir contrevenu à ses obligations en n’augmentant pas ce montant.

Selon eux, les annuités n’ont jamais suivi le rythme de l’inflation. Les Premières Nations estiment qu’elles devraient avoir le même pouvoir d’achat qu’il y a 150 ans. 

Les plaignants allègent que les signataires ne savaient que la valeur réelle des annuités diminuerait avec le temps.

«Ces cinq dollars, ce n’était pas une somme symbolique, lance Mme Acoose. Pourquoi aurions-nous accepté cela ? Nos ancêtres savaient ce qu’ils donnaient.»

Elle raconte que tous ceux qui ont participé aux négociations menant au traité savaient que les annuités devaient permettre aux membres des bandes autochtones d’acheter des biens qui les aideraient à survivre.

«Notre argument juridique est le suivant: l’esprit et l’objectif du traité étaient qu’il demeure équitable au fil des ans. Il y a une grande différence entre ce qui est écrit dans le libellé du traité et les promesses qui ont été formulées. Une promesse orale est aussi bonne qu’un document juridique.»

Les plaignants réclament 100 millions $ au gouvernement fédéral à titre de dommages punitifs, ou le montant que la Cour jugera approprié. 

Et le gouvernement doit aussi monter les annuités.

Le ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord est au courant des actions collectives qui ont été intentées, reconnaît un porte-parole. Le gouvernement est en train d’examiner les documents avant de prendre une décision à ce sujet.

Respecter les traités et travailler en partenariat sont des éléments clés de la réconciliation.

«Le Canada reconnaît qu’il faut en faire davantage pour renouveler les traités. Il demeure ouvert à examiner des façons pour faire progresser cet important travail», peut-on lire dans la déclaration écrite.

L’été dernier, les gouvernements canadien et ontarien avaient offert un projet de règlement de 10 milliards aux Premières Nations du traité Robinson-Huron signé en 1850. Le gouvernement de ce qui était à l’époque le Canada-Uni, une colonie britannique, devait verser à ces groupes une annuité annuelle attachée aux revenus provenant des ressources naturelles de leur territoire.

Les annuités n’ont augmenté qu’une seule fois en 1875 lorsqu’elles sont passées de 1,70 $ par personne à 4 $ par personne. Le montant est demeuré le même depuis cette époque.

Mme Acoose dit que sa communauté n’a pas intenté des poursuites pendant plusieurs années parce que ses dirigeants hésitaient à miser les droits issus des traités devant les tribunaux.

«C’est une discussion qui existe depuis plusieurs générations, avance-t-elle. Mais nous entrons dans l’une des pires périodes que nous avons vécues depuis des années sur le plan économique. Nous croyons que nous ne devons pas être la population la plus pauvre de notre propre territoire.»

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