Des patients pourraient perdre l’accès à leur médication en raison de la réforme Dubé

Ugo Giguère, La Presse Canadienne
Des patients pourraient perdre l’accès à leur médication en raison de la réforme Dubé

MONTRÉAL — Des patients atteints de maladies rares ou de cancers pourraient possiblement perdre l’accès à leur traitement en raison de certaines dispositions incluses dans la réforme du réseau de la santé proposée par le ministre Christian Dubé.

Des représentants de l’Association des conseils des médecins, dentistes et pharmaciens du Québec (ACMDPQ) ont lancé ce pavé dans la mare, jeudi, lors de leur passage en commission parlementaire.

Vers la fin de sa présentation, le président de l’association, le Dr Martin Arata, a affirmé que l’article 336 du projet de loi 15 «modifie l’accès aux médicaments» et qu’il aurait pour effet qu’un patient ne pourrait plus avoir accès à un traitement n’ayant «pas reçu une valeur thérapeutique autorisée par (l’Institut national d’excellence en santé et services sociaux)».

Il a ajouté que si cette disposition était actuellement en vigueur, «plusieurs patients n’auraient pas eu accès à des traitements de chimiothérapie, des traitements pour les maladies orphelines en pédiatrie», a-t-il donné en exemple. Le Dr Arata a estimé qu’au cours des deux dernières années, au CHU de Québec seulement, ce sont plus d’une quarantaine de patients atteints de cancers ou de maladies pédiatriques qui n’auraient pas eu accès à leur médication.

Au moment de réagir à la présentation et d’interroger les membres de l’ACMDPQ, le ministre de la Santé Christian Dubé n’a pas abordé le sujet. Il a plutôt interpellé les intervenants sur le rôle des médecins, l’organisation du travail et l’interdisciplinarité.

Quelques instants plus tard, à l’occasion d’un échange avec le député de Québec solidaire Vincent Marissal, le Dr Jean Beaubien a révélé qu’il venait tout juste de communiquer par courriel avec des collègues — alors que la commission accusait du retard — pour approuver la médication d’un patient atteint d’un lymphome.

«Il y avait une recommandation, un refus thérapeutique de l’INESSS, en 2021, sur ce médicament-là pour cette indication-là, a expliqué l’anesthésiste et vice-président de l’ACMDPQ. Depuis ce temps-là, il y a de la nouvelle littérature et il y a une indication ou une possibilité de le donner.»

Dans la pratique actuelle, si l’usage d’un médicament n’a pas été recommandé par l’INESSS, mais que le comité pharmacologique d’un hôpital a pris connaissance d’une nouvelle littérature scientifique favorable, il peut décider d’aller de l’avant et d’administrer le traitement au patient.

Selon ce que dénonce l’association, c’est l’ajout d’une seule phrase dans l’article 336 du projet de Loi visant à rendre le système de santé et de services sociaux plus efficace qui vient tout changer.

Dans la nouvelle mouture de la loi, on semble vouloir conserver cette marge de manœuvre accordée aux médecins et pharmaciens d’établissement, sauf qu’on peut lire à l’article 336 que:

«Le comité ne peut accorder son autorisation si l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux a, dans un avis au ministre, refusé de reconnaître la valeur thérapeutique du médicament pour l’indication thérapeutique faisant l’objet de la demande d’autorisation.»

C’est précisément ce nouveau passage que l’on souhaite voir disparaître, a confirmé le Dr Beaubien dans un courriel transmis à La Presse Canadienne.

«Si l’INESSS a émis un avis en 2020 par exemple et que de la nouvelle littérature scientifique supporte maintenant l’administration du médicament, le comité ne peut accorder l’autorisation», interprète-t-il.

Pour ses collègues et lui-même, il s’agit d’une perte d’agilité puisque la littérature scientifique est bonifiée chaque jour alors que les recommandations de l’INESSS ou de Santé Canada prennent beaucoup de temps.

Selon le Dr Beaubien, cette réalité s’observe surtout en oncologie, où la recherche évolue rapidement et où les manières de traiter les cancers sont de plus en plus personnalisées.

Au cabinet du ministre, on tient à rappeler que «le projet de loi est perfectible», comme l’a répété plusieurs fois Christian Dubé. On assure aussi que dans l’exemple soumis par le Dr Beaubien, un traitement faisant l’objet d’une nouvelle indication n’ayant pas été réévaluée par l’INESSS pourrait être prescrit.

La Presse Canadienne a tenté d’obtenir la position de l’Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec (APES), qui est directement concernée par ce changement. Dans une réponse écrite, l’association a indiqué qu’elle préférait réserver ses commentaires pour son témoignage prévu le 23 mai devant les parlementaires.

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