Des groupes exhortent Ottawa à en faire davantage pour le conflit au Soudan

Dylan Robertson, La Presse Canadienne
Des groupes exhortent Ottawa à en faire davantage pour le conflit au Soudan

OTTAWA — Le Canada n’a pas encore réuni une seule famille avec des proches qui tentent de fuir le conflit au Soudan et des groupes de la diaspora exigent que le gouvernement fédéral en fasse davantage pour mettre fin à une guerre civile qui dure depuis un an.

Les combats qui ont éclaté en avril dernier entre des milices de ce pays du nord-est de l’Afrique ont forcé au moins 8,5 millions de personnes à fuir — ce que les Nations unies considèrent comme la plus grande crise de déplacement interne dans le monde.

Et jusqu’à présent, le Canada n’a pas fait grand-chose pour l’arrêter, selon Imad Satti, directeur de l’Association des communautés soudanaises canadiennes, établie à Edmonton.

«Nous n’avons rien fait, nous avons simplement exprimé notre inquiétude, ce qui ne résout aucun problème, a-t-il souligné. Il n’y a pas assez de pression de la part du comité international, y compris du Canada, pour mettre fin à cette guerre.»

Le Soudan est aux prises avec une «situation catastrophique» et est au bord d’une famine d’origine humaine, a déclaré le mois dernier Edem Wosornu, porte-parole de l’ONU, au Conseil de sécurité.

«Des informations font état de charniers, de viols collectifs, d’attaques aveugles et choquantes dans des zones densément peuplées et de bien d’autres horreurs, a-t-elle déploré. Nous laissons tomber le peuple soudanais.»

Le Canada a exprimé son inquiétude quant à la situation sécuritaire au printemps dernier et a transporté ses citoyens par avion. La ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, s’est rendue au Kenya pour soutenir les pays voisins dans leurs efforts pour la paix.

Mais depuis, le Canada a évité de sanctionner les chefs de guerre ou de dénoncer publiquement les pays qui ont contribué à alimenter le conflit. M. Satti veut que le Canada fasse les deux — et même qu’il interpelle l’ONU pour qu’elle intervienne dans l’espoir de rétablir l’ordre.

Affaires mondiales Canada affirme qu’Ottawa demande constamment à toutes les parties de mettre fin à la guerre.

«Les responsables canadiens continuent d’évoquer la crise dans les discussions avec leurs partenaires dans la région et à l’échelle internationale à tous les niveaux», a écrit la porte-parole Marilyne Guèvremont. «Avec nos partenaires, nous explorons toutes les options pour garantir que les responsables de violations des droits de la personne soient tenus responsables.»

Le Canada s’est plutôt concentré sur l’aide humanitaire, en réservant l’été dernier 165 millions $ au Soudan et aux pays voisins accueillant des réfugiés.

Ottawa affirme qu’une partie de ce financement parvient à des groupes locaux qui ont comblé le vide laissé par les grandes organisations humanitaires que les milices soudanaises ont empêchées d’aider les citoyens. L’un des principaux objectifs de l’aide est de répondre aux violences sexuelles et d’aider les femmes fuyant les conflits.

«Le Canada a soutenu le Fonds humanitaire pour le Soudan, qui met des fonds directement à la disposition des partenaires humanitaires travaillant sur le terrain afin qu’ils puissent fournir une aide vitale rapide et efficace aux personnes les plus vulnérables dans le besoin», a écrit Mme Guèvremont.

Programme de réunification critiqué

Le ministre fédéral de l’Immigration, Marc Miller, a annoncé à la fin de l’année dernière un programme de réunification familiale afin de permettre aux personnes fuyant le Soudan de rejoindre leur famille au Canada avec les moyens de leur apporter un soutien financier.

Les familles affirment cependant que le programme exige des formalités administratives impossibles à rassembler dans une zone de guerre et que les parrains doivent disposer de 18 100 $ en espèces plus un revenu annuel minimum de 51 128 $ pour parrainer une famille de quatre personnes.

M. Satti, dont l’organisation représente des groupes soudanais à travers le Canada, a relaté que certaines personnes avaient de l’argent liquide inutilisé sur un compte bancaire pendant qu’elles essayaient d’aider leurs proches à remplir leurs formalités administratives. D’autres, a-t-il expliqué, envoient de l’argent pour aider leurs proches à rester en vie, épuisant ainsi leurs économies.

Ottawa a modifié le programme pour permettre le contrôle biométrique, comme la prise d’empreintes digitales, après l’acceptation des demandes des personnes, mais selon M. Satti, il est toujours coûteux et souvent dangereux d’atteindre l’un des pays voisins du Soudan pour visiter un consulat canadien.

Le programme a commencé à accepter les candidatures le 27 février et Ottawa a déclaré qu’en date du 25 mars, il avait reçu 680 candidatures impliquant environ 1500 personnes qui satisfont aux critères de traitement.

Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada n’a pas précisé combien de demandes le ministère avait reçues qui n’avaient pas encore passé les «contrôles d’exhaustivité» et a ajouté qu’il n’avait encore approuvé aucune demande.

Le ministre Miller a dit que le programme, qui acceptera jusqu’à 3250 candidatures, avait été conçu avec des groupes de la diaspora soudanaise, et qu’il est ouvert à des améliorations. Il ne s’attend pas non plus à ce que quiconque arrive au Canada de sitôt.

«Nous envisageons d’accueillir les Soudanais fuyant la guerre à la fin de cette année ou au début de l’année prochaine, a-t-il indiqué le 27 mars. Il est très important de parler de ce qui est devenu une guerre oubliée pour beaucoup d’entre nous.»

Manque de signes d’intérêt de la part du Canada

Les néo-démocrates estiment que le gouvernement avance beaucoup trop lentement dans ce qu’Ottawa considère déjà comme un effort humanitaire visant à sauver les gens d’une situation d’urgence.

«Ces personnes devraient être la priorité du Canada, surtout dans les cas où des enfants mineurs ont été séparés de leur famille», a écrit la députée Heather McPherson dans une lettre adressée aux ministres libéraux le mois dernier.

Mme McPherson a également exhorté Ottawa à intensifier ses pressions diplomatiques et sa réponse humanitaire.

L’ancien ambassadeur d’Ottawa au Soudan, Nicholas Coghlan, soutient depuis des mois que le Canada devrait suivre ses pairs américains et européens en sanctionnant les réseaux économiques sur lesquels comptent les seigneurs de guerre du Soudan.

Le Canada n’a pas nommé de diplomate de haut rang pour rester dans la région et recueillir des renseignements sur la meilleure façon dont Ottawa pourrait utiliser au mieux son poids humanitaire et diplomatique, a noté M. Coghlan dans un éditorial publié par le Conseil international canadien.

«À moins que cette omission ne soit corrigée, nous ne sommes pas en mesure d’envisager de jouer ne serait-ce qu’un rôle de second plan pour mettre un terme aux combats», a-t-il écrit.

Le Canada n’a pas publié de déclaration sur la crise depuis juin 2023, a ajouté M. Coghlan. «Les signes d’intérêt du Canada – sans parler de son engagement – sont malheureusement rares.»

Les analystes attendent de voir si le Canada participera à un sommet à Paris la semaine prochaine visant à apporter davantage d’aide étrangère au Soudan et à ouvrir la voie à la fin du conflit.

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