Un ex-diplomate suggère au Canada d’intervenir pour la paix au Soudan

Dylan Robertson, La Presse Canadienne
Un ex-diplomate suggère au Canada d’intervenir pour la paix au Soudan

OTTAWA — Le Canada a un rôle à jouer dans la direction d’un effort mondial visant à mettre fin à une guerre civile brutale qui a entraîné le déplacement de bien plus de personnes que les conflits en Ukraine et au Moyen-Orient, a déclaré un ancien ambassadeur du Canada au Soudan.

«Franchement, nous en sommes à presque zéro [sanctions]», a déclaré Nicholas Coghlan, soulignant qu’Ottawa était à la traîne de ses alliés dans l’imposition de sanctions à ceux qui soutiennent les seigneurs de guerre en conflit.

«Si nous envisageons sérieusement de nous réengager avec l’Afrique, ce conflit est absolument crucial, car il s’étend non seulement à l’Afrique (mais) aussi au Moyen-Orient.»

Le Soudan a été dirigé par des chefs militaires pendant la majeure partie de son histoire récente, et les négociations visant à instaurer un régime civil ont échoué en avril dernier, lorsque deux généraux impopulaires se sont battus pour leur influence.

Des affrontements entre les forces armées soudanaises et un groupe paramilitaire connu sous le nom de Forces de soutien rapide (RSF) ont commencé à Khartoum, une capitale de cinq millions d’habitants.

Les combats se sont étendus à de vastes étendues de ce pays d’Afrique de l’Est, entraînant l’effondrement des systèmes de santé et scolaires.

Les agences des Nations Unies affirment que la guerre a provoqué la pire crise de déplacement de la planète, forçant 7,5 millions de personnes à quitter leurs foyers, risquant un nouveau génocide au Darfour et provoquant des épidémies de choléra et une famine généralisée.

Pendant des décennies, le Soudan a été confronté à des tensions ethniques entre les groupes du nord et du sud, ce qui a conduit à la création du Soudan du Sud en 2021.

M. Coghlan a déclaré que le Canada avait joué «un rôle secondaire très constructif» entre la fin des années 1990 et le milieu des années 2000 en demandant aux soldats de la paix de superviser la scission.

Ottawa a également contribué à enrayer le génocide perpétré contre la population ethnique du Darfour dans la région, à l’ouest du pays, il y a environ vingt ans.

Les efforts occidentaux visant à instaurer la stabilité dans la région ont été principalement menés par les États-Unis, le Royaume-Uni et la Norvège, de concert avec un bloc de gouvernements d’Afrique de l’Est.

Pas encore de sanctions

Lorsque le conflit actuel au Soudan a commencé en avril dernier, la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, s’est rendue au Kenya, pays voisin pour rencontrer des responsables du même groupe régional de six pays, connu sous le nom d’Autorité intergouvernementale pour le développement.

Alors que les combats engloutissaient Khartoum, le Canada et d’autres pays étrangers ont évacué leurs citoyens via des ponts aériens et des convois routiers dangereux vers le port principal du pays. Le Canada a depuis alloué 71 millions $ en aide humanitaire et a appelé à la paix.

Mais le gouvernement fédéral n’a pas encore imposé de sanctions à toute personne ou entreprise accusée de soutenir la guerre au Soudan, même si les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Union européenne l’ont tous fait.

Affaires mondiales Canada n’a pas répondu, la semaine dernière, aux questions sur les raisons pour lesquelles Ottawa n’a pas pris une telle décision.

«Nous ne sommes pas dans le coup comme le sont, par exemple (le) Royaume-Uni, la Norvège, les pays nordiques, l’UE, etc.», a déclaré Nicholas Coghlan.

«Il semble que nous croyons aux sanctions. Et pourtant, si vous regardez la liste (d’individus sanctionnés par le Canada), il y en a des centaines pour la Biélorussie, des centaines pour le Zimbabwe, des centaines pour la Russie, pour l’Iran, etc., mais pas une pour le Soudan.»

De nouveaux rapports suggèrent que le conflit s’étend. Les médias rapportent que l’Égypte et l’Iran ont envoyé des drones aux forces armées soudanaises, tandis que les Émirats arabes unis ont démenti les informations selon lesquelles ils armaient les RSF rivales. «Le potentiel d’escalade est vraiment très important», a déclaré M. Coghlan.

Également , le Canada se retrouve actuellement sans ambassadeur au Soudan.

Des envoyés d’autres pays occidentaux ont quitté le pays, mais restent chargés de surveiller les événements au Soudan, cependant le gouvernement canadien a réaffecté son ancien ambassadeur au Soudan à un tout autre rôle.

M. Coghlan a affirmé que le Canada devrait nommer un envoyé principal pour soutenir les initiatives de paix à petite échelle dans la région et rallier d’autres pays avec des déclarations et des sanctions qui pourraient faire pression sur les chefs de guerre, pour qu’ils mettent fin à la violence.

Il a ajouté qu’il n’y avait actuellement aucune place pour les négociateurs de paix dans ce conflit «insoluble» et qu’il n’existait pas de groupe civil largement soutenu qui pourrait diriger le pays.

Mais il a précisé qu’un tel envoyé pourrait fournir des renseignements en temps réel aux responsables canadiens et trouver des projets de paix et humanitaires qui méritent d’être soutenus.

Soutenir les organisations locales pour des résultats tangibles

Marv Koop, un Canadien retraité après des décennies de travail de développement au Soudan, conseille désormais des organisations soudanaises à but non lucratif dirigées par des femmes et des jeunes.

Il a confirmé qu’un envoyé spécial contribuerait à faire progresser les droits de la personne, et le Canada est déjà connu pour lutter vigoureusement contre les tactiques en jeu dans le conflit, notamment l’utilisation d’enfants soldats et la violence sexuelle.

«Le tissu social d’un pays est complètement déchiré sous les yeux de tout le monde, sauf que personne ne le regarde», a déclaré lundi M. Koop depuis l’Ouganda voisin.

«Le Canada devrait être potentiellement intéressé et pourrait faire une différence sur la scène mondiale, car ce sont des valeurs canadiennes.»

Certains groupes locaux, qui se font appeler «salles de réponse d’urgence», fournissent une aide humanitaire, notamment de la nourriture, des logements et des fournitures médicales de base, dans les zones où le gouvernement soudanais ou des groupes militants entravent le mouvement d’organisations plus importantes, telles que les organismes des Nations Unies.

Omima Omer Jabal Yagwb, qui dirige une telle organisation dans la région de Jabal Awliya, au sud de Khartoum, affirme que son groupe a démarré lorsque les gens ont manqué de nourriture, d’électricité et d’eau potable un mois après le début du conflit.

«Nous avons dû marcher des kilomètres, juste pour trouver la nourriture nécessaire pour offrir un repas ou deux aux gens (de nos) quartiers», a-t-elle déclaré la semaine dernière, lors d’une table ronde organisée par l’Institut américain pour la paix.

«Avec ce budget très serré, nous devions parfois choisir entre sauver des vies ou fournir de la nourriture. Vous auriez de la chance si vous preniez deux repas par jour ; vous auriez beaucoup de chance.»

MM. Koop et Coghlan ont soutenu que de tels efforts peuvent apporter des résultats tangibles pour les personnes disposant d’un financement minimal, même si la logistique du suivi de ces dollars pourrait être compliquée.

M. Coghlan a déclaré qu’au-delà de trouver des moyens de soutenir de tels groupes, l’objectif à long terme pourrait être que le Canada utilise sa présidence du G7 l’année prochaine pour amener ses alliés à pousser les seigneurs de guerre vers un cessez-le-feu et une solution politique.

La crise au Soudan devrait occuper une place importante lors des audiences que tiendra le comité sénatorial des affaires étrangères sur l’engagement du Canada avec l’Afrique, qui accueillera ses premiers témoins non gouvernementaux mercredi.

À la fin de 2022, des sénateurs, dont Peter Harder et Amina Gerba, ont averti le gouvernement que le Canada prenait du retard, par rapport à ses pairs, dans l’élaboration de stratégies de commerce et de développement avec un continent qui devrait presque doubler sa population d’ici 2050.

Les libéraux promettent depuis des années une stratégie pour l’Afrique. Le document, attendu depuis longtemps, a été décrit l’année dernière comme un cadre et n’a pas encore été publié.

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