Des chercheurs montréalais sont sur la piste d’un «mini foie»

Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne
Des chercheurs montréalais sont sur la piste d’un «mini foie»

MONTRÉAL — Des chercheurs montréalais sont sur la piste d’un «mini foie» qui, dans quelques années, pourrait permettre à certains patients de survivre assez longtemps pour permettre à leur foie de guérir, voire de carrément éviter la greffe d’un nouvel organe.

Ce dispositif, a précisé le docteur Massimiliano Paganelli, s’adresse principalement aux patients qui présentent une insuffisance hépatique aiguë (IHA), à savoir des patients généralement en santé, mais dont le foie a été endommagé pour une raison quelconque.

Ces patients, a-t-il ajouté, ont simplement besoin de temps pour permettre à leur foie de se remettre, ce que l’organe a une capacité spectaculaire à faire.

«Le problème qu’on a avec l’insuffisance hépatique, c’est que le corps va mourir avant que le foie puisse se régénérer, et le foie va se régénérer presque toujours, a dit le docteur Paganelli, qui est hépatologue pédiatre et directeur du laboratoire de génie tissulaire et thérapie cellulaire hépatique au CHU Sainte-Justine.

«(Avec notre dispositif), on soutient le foie, on le remplace et on lui donne le temps de se régénérer. En plus, c’est très efficace pour accélérer la régénération du foie du patient.»

Après plusieurs années de travaux, le docteur Paganelli et son équipe de Sainte-Justine et de l’Université de Montréal ont développé ce qu’on pourrait appeler un «mini foie» qui est implanté aux patients en soutien au foie malade.

Un tissu hépatique qui ressemble à un timbre d’environ dix centimètres sur dix centimètres est généré en laboratoire à partir de cellules souches. Le «mini foie» est ensuite placé dans une capsule de biomatériaux novateurs ― ce qui le protège du système immunitaire et évite le recours aux immunosuppresseurs ― et implanté dans l’abdomen du patient par laparoscopie.

Une fois en place, le «mini foie» épaule le foie malade, permettant au patient de survivre assez longtemps pour que l’organe malade puisse se régénérer.

«Le foie a une capacité de régénération très bonne et dans les trois ou quatre semaines, il est même capable de doubler sa dimension, a expliqué le docteur Paganelli. Donc c’est très rapide, et c’est le temps dont on a besoin pour que le foie puisse se régénérer et revenir à sa fonction autonome.»

Une fois le foie guéri, le timbre serait retiré et le patient reprendrait sa vie normale, sans devoir prendre de médicaments ou risquer d’avoir besoin d’une nouvelle chirurgie.

Greffe rapide

L’insuffisance hépatique aiguë empêche l’organe d’éliminer les toxines de l’organisme et nécessite souvent qu’une greffe de foie soit réalisée très rapidement ― ce qui n’est clairement pas toujours possible, a rappelé le chercheur.

«Je vis dans la frustration quotidienne de ne pas avoir beaucoup de traitements disponibles pour mes enfants avec une maladie du foie, et c’est la même chose pour les adultes, a dit le docteur Paganelli. La transplantation du foie fonctionne très bien, mais c’est clair qu’on n’a pas assez de foies pour tout le monde.»

Le dispositif qu’il a mis au point avec son équipe permet en revanche de générer du tissu hépatique qui peut être congelé et utilisé en cas de besoin. Il pourrait donc être disponible en seulement quelques heures pour les patients atteints d’une IHA, ce qui serait infiniment plus rapide qu’une greffe.

Si les premiers résultats sont confirmés par les essais cliniques à plus grande échelle qui seront réalisés prochainement, il pourrait un jour être possible de «traiter des dizaines de milliers de patients chaque année dans le monde entier» et d’éviter jusqu’à 80 % des greffes de foie requises par les patients atteints d’une IHA, a prédit le chercheur.

«Ça pourrait être pour la majorité des patients atteints d’insuffisance hépatique, a dit le docteur Paganelli. Il y aura toujours des cas qui auront besoin d’une greffe, mais ce sera clairement une minorité.»

Plusieurs années de travaux attendent encore le docteur Paganelli et son équipe. Un essai clinique sur des adultes atteints d’IHA devrait débuter en 2026 et le docteur Paganelli espère que des patients pourront bénéficier du traitement l’année suivante.

Le développement du nouveau dispositif se poursuit depuis 2018 au sein de Morphocell Technologies, une entreprise que le docteur Paganelli et ses collègues ont fondé à cette fin et qui a récemment obtenu un financement de 50 millions $ provenant de fonds privés.

Partager cet article
S'inscrire
Me notifier des
guest
0 Commentaires
Inline Feedbacks
Voir tous les commentaires