Une ingérence de faible niveau de la Chine dans les élections canadiennes de 2019

Jim Bronskill et Laura Osman, La Presse Canadienne
Une ingérence de faible niveau de la Chine dans les élections canadiennes de 2019

OTTAWA — L’ancienne ministre des Institutions démocratiques affirme qu’on lui a dit après les élections fédérales d’octobre 2019 que l’agence d’espionnage canadienne avait constaté des activités d’ingérence étrangère de faible niveau de la part de la Chine.

Karina Gould, qui a occupé ce portefeuille du début 2017 à novembre 2019 et qui est actuellement en congé de maternité, a déclaré le mois dernier dans une entrevue classifiée que les activités étaient similaires à ce qui avait été vu dans le passé et n’avaient pas compromis les élections.

«Cette ingérence étrangère n’a pas affecté la capacité des Canadiens à organiser des élections libres et équitables», peut-on lire dans un résumé public de l’entretien de Mme Gould, divulgué mercredi lors de l’enquête fédérale sur l’ingérence étrangère dans les élections canadiennes de 2019 et de 2021, où elle a témoigné publiquement.

En tant que ministre des Institutions démocratiques, elle a supervisé la conception d’un processus visant à protéger les élections générales canadiennes de l’ingérence étrangère.

En vertu d’un protocole fédéral, les responsables de la sécurité nationale devaient informer un groupe spécial composé de cinq hauts fonctionnaires d’une tentative d’ingérence en période électorale.

Il y aurait eu une annonce publique si le comité avait déterminé qu’un incident – ou une accumulation d’incidents – menaçait la capacité du Canada à organiser des élections libres et équitables.

Il n’y a cependant eu aucune annonce de ce genre concernant les élections de 2019 ou de 2021. Lors de ces deux scrutins, les libéraux ont été réélus au gouvernement avec des mandats minoritaires, tandis que les conservateurs formaient l’opposition officielle.

Les allégations d’ingérence étrangère dans ces élections – suggestions alimentées par des fuites anonymes dans les médias – ont donné lieu à une série d’appels à une enquête publique.

Celle-ci a permis d’apprendre que la Chine et d’autres acteurs étatiques avaient tenté d’intervenir, mais il existe jusqu’à présent peu de preuves permettant de savoir si ces tentatives ont réussi.

Mme Gould a affirmé mercredi aux enquêteurs que si les Canadiens sont informés «qu’un acteur étranger s’est immiscé dans nos élections, le seuil doit être élevé».

Avant toute annonce publique du comité, «ils doivent être certains qu’il s’agit d’un sujet suffisamment important» pour l’intérêt national pour que cela soit rendu public, a-t-elle déclaré.

Mme Gould a ajouté que le processus a été conçu pour permettre une annonce publique en cas d’ingérence au niveau national ou de «quelque chose qui se produit dans une circonscription unique».

«Cela pourrait être l’un ou l’autre, a-t-elle spécifié. Au Canada, nous n’avons pas d’élections nationales, nous avons 338 élections individuelles qui constituent un événement électoral. Tout dépend donc du contexte.»

Aucune autre preuve corroborante

Dominic LeBlanc a succédé à Mme Gould en tant que ministre responsable des institutions démocratiques après le retour au pouvoir des libéraux en 2019.

Il lui a été demandé d’examiner comment les mesures qu’elle avait mises en œuvre ont fonctionné dans la pratique.

Dans ce rôle, il recevait rarement des renseignements classifiés, mais il a affirmé mercredi avoir reçu une compréhension «suffisamment précise» du «paysage des menaces» de la part du Bureau du Conseil privé, qui a travaillé avec les agences de sécurité nationale.

«J’étais convaincu d’avoir toutes les informations dont j’avais besoin», a-t-il déclaré à l’enquête.

Selon lui, le plan mis en place par Mme Gould a fonctionné.

Sa prédécesseure n’a pas été informée des irrégularités survenues lors de la course à l’investiture de 2019 dans la circonscription torontoise de Don Valley-Nord, où Han Dong a été nommé candidat libéral. Elle a déclaré à la commission que cela ne relevait pas de sa compétence en tant que ministre des Institutions démocratiques.

M. Dong a quitté le caucus libéral l’année dernière à la suite de reportages dans les médias faisant état d’allégations selon lesquelles il aurait volontairement participé à l’ingérence chinoise et aurait remporté son siège en 2019 avec l’aide de Pékin. Il nie cependant cette affirmation. 

Bill Blair a été informé des irrégularités survenues après les élections dans son rôle de ministre de la Sécurité publique à l’époque, mais il a déclaré dans un entretien classifié avec la commission qu’il «n’était pas préoccupé».

Lors des audiences publiques de mercredi, M. Blair a soutenu que les responsables de la sécurité ne disposaient d’aucune information supplémentaire à l’appui. «Ils m’ont indiqué qu’ils n’avaient, à ce moment-là, aucune autre preuve corroborante pour étayer cela», a-t-il dit. 

M. Blair, aujourd’hui ministre de la Défense, a également affirmé lors de l’enquête que le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) n’avait pas indiqué que M. Dong avait eu connaissance de ces irrégularités. Il a fait confiance à l’agence de renseignement pour prendre les mesures appropriées, a-t-il laissé savoir. 

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