FREDERICTON — Un Néo-Brunswickois condamné à tort qui a passé des décennies à tenter de blanchir son nom avant d’être déclaré innocent par un juge en janvier est décédé à l’âge de 80 ans.
Innocence Canada, l’organisme qui a mené la lutte juridique pour disculper Walter Gillespie et son ami Robert Mailman de leurs condamnations pour meurtre en 1984, affirme que M. Gillespie est décédé vendredi à son domicile de Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick.
James Lockyer, directeur et fondateur d’Innocence Canada, trouve triste le fait que M. Gillespie, qui a passé 21 ans en prison, soit décédé si peu de temps après que son nom ait été blanchi.
Les détails sur la cause du décès n’étaient pas immédiatement connus.
En janvier, la juge en chef de la Cour du Banc du Roi du Nouveau-Brunswick, Tracey DeWare, a acquitté MM. Gillespie et Mailman, 76 ans, du meurtre d’un homme de Saint John, George Leeman, en 1983 et a présenté ses excuses pour «l’erreur judiciaire».
Sa décision est intervenue après que le ministre fédéral de la Justice, Arif Virani, a ordonné un nouveau procès le 22 décembre, affirmant que des preuves avaient fait surface qui remettaient en question «l’équité du processus».
Ron Dalton, maintenant coprésident d’Innocence Canada, a défendu le cas de ces hommes alors qu’il luttait pour se libérer de sa propre condamnation injustifiée.
Il a qualifié M. Gillespie d’exemple «de force de caractère et d’amitié».
«Pendant 40 ans (M. Gillespie) a refusé d’impliquer faussement son ami, Robert Mailman, et a payé cher sa liberté, a affirmé M. Dalton. Une triste fin d’une vie difficile, mais honorable.»
Dans une entrevue en janvier, environ une semaine après avoir été officiellement disculpé, M. Gillespie a raconté l’offre de liberté qui lui avait été présentée un an après le meurtre de M. Leeman.
Il a déclaré que la police de Saint-Jean lui avait dit que s’il signait une déclaration contre M. Mailman, il serait accusé de complicité et ne risquerait que trois ans de prison.
«J’ai dit que je n’allais pas faire ça, a-t-il indiqué. (L’officier) a dit : « si vous voulez protéger (M. Mailman), vous allez tomber avec lui ».» Il a passé 21 ans en prison.
M. Gillespie est né le 31 août 1943 à Saint-Jean et a fait une scolarité de 6e année. La plupart des membres de sa famille immédiate sont morts dans l’incendie de sa maison alors qu’il avait environ 20 ans.
Son amitié avec M. Mailman était antérieure à leur épreuve juridique commune. Les deux hommes ont déclaré à La Presse Canadienne qu’ils s’étaient rencontrés en 1961, M. Gillespie plaisantant sur le fait que M. Mailman reluquait sa petite amie de l’époque lors de l’une de leurs premières rencontres.
Ils sont devenus inséparables après leurs condamnations injustifiées, se parlant quotidiennement pendant des décennies.
«Nous sommes unis depuis plus de 40 ans grâce à cela. Et il est comme un frère», a souligné M. Mailman, à propos de son ami.
M. Mailman n’était pas disponible pour commenter la mort de M. Gillespie samedi, mais il a déclaré par l’intermédiaire de M. Dalton qu’il n’avait pas réussi à bien dormir après avoir appris la nouvelle.
Dans une entrevue précédente, M. Mailman a décrit l’ami qu’il appelait Wally comme un homme de peu de mots.
«On ne dérange jamais un chien de casse endormi», a-t-il illustré, en riant.
M. Gillespie laisse dans le deuil sa fille, avec qui il a repris contact récemment.
«Nous n’avons pas été en contact depuis presque 40 ans, a-t-il affirmé, peu après que son nom ait été blanchi. J’espère pouvoir l’aider si nous pouvons obtenir de l’argent ou quelque chose comme ça. J’ai pas mal parlé avec elle ces derniers jours. Oh, ça fait du bien.»
Le gouvernement du Nouveau-Brunswick a conclu un règlement avec les deux hommes le 1er mars pour un montant non divulgué.
Une libération ardue
Pendant sa libération conditionnelle, M. Gillespie vivait dans une maison de transition où il s’occupait aussi de l’entretien ménager pendant 15 heures par semaine.
Après avoir été déclaré innocent, il a déménagé dans un appartement à Saint-Jean pour lequel il payait 800 $ par mois. L’ancienne chambre d’hôtel, qu’il a décrite comme une cellule de prison, était à l’étroit même avec ses quelques effets personnels, égayée uniquement par ses propres toiles colorées ainsi que l’ensemble de serviettes blanches et une bouilloire à thé blanche que M. Mailman lui avait offerts en cadeau de pendaison de crémaillère.
«Wally ne devrait pas avoir à sortir de prison et d’une maison de transition pendant toutes ces années, pour se retrouver dans un endroit encore pire que celui qu’il a laissé derrière lui», a déclaré M. Mailman à propos des logements austères de son ami.
Lorsque M. Mailman a reçu un diagnostic de cancer en phase terminale en novembre dernier, M. Gillespie a été la première personne qu’il a appelée.
M. Gillespie a quitté la maison de transition pour une journée et l’a passée avec son ami lorsqu’il a appris le diagnostic qui a changé sa vie.
Outre sa conviction tranquille et sa force de caractère, M. Dalton a rappelé l’amour de M. Gillespie pour les westerns de l’auteur américain Zane Grey et ses habitudes de lecture voraces. Il se souvient également du sens de la mode de M. Gillespie, notant son penchant pour les couleurs vives et les chaussures noires vernies qu’il avait réservées pour une occasion spéciale, et qu’il a finalement portées au tribunal le jour où son nom a été blanchi.
Mais il a souligné que l’impact le plus durable de M. Gillespie provenait de ses efforts pour faire respecter la justice dans le système correctionnel canadien.
«M. Gillespie a contribué à faire prendre conscience des condamnations injustifiées dans ce pays et cela fera partie de son héritage.»