Trudeau refuse de reporter la hausse annuelle de la tarification sur le carbone

Stephanie Taylor, La Presse Canadienne
Trudeau refuse de reporter la hausse annuelle de la tarification sur le carbone

OTTAWA — La plupart des premiers ministres des provinces préfèrent se plaindre et «tirer des avantages politiques» du programme fédéral de tarification du carbone plutôt que de présenter une solution de rechange viable dans le but de réduire les émissions, a déclaré lundi Justin Trudeau, alors que son gouvernement a ignoré les appels à renoncer à la plus récente hausse annuelle.

M. Trudeau a eu ces commentaires après que le premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador, Andrew Furey, a écrit dimanche une lettre l’exhortant à convoquer «d’urgence» une rencontre fédérale-provinciale, effort de dernière minute des provinces pour empêcher la hausse annuelle entrée en vigueur lundi. 

M. Furey, un libéral, fait partie des sept premiers ministres provinciaux — les autres sont conservateurs — qui avaient demandé à M. Trudeau de renoncer à l’augmentation annuelle de 15 $ la tonne du taux de la tarification du carbone, entrée en vigueur lundi 1er avril.

Plusieurs des premiers ministres conservateurs au pays s’opposent depuis longtemps à cette tarification sur le carbone, mais ils estiment maintenant que la hausse du coût de la vie qui frappe les Canadiens devrait inciter Ottawa à renoncer à tout le moins à cette augmentation annuelle du taux.

Le premier ministre néo-démocrate du Manitoba, Wab Kinew, a lui aussi confirmé la semaine dernière qu’il préparait une demande d’exemption pour sa province.

Mais M. Trudeau affirme que l’augmentation se traduira également par des remises plus importantes, que les familles devraient recevoir à partir du 15 avril, pour compenser le coût plus élevé des combustibles. Il affirme aussi que les premiers ministres des provinces n’ont pas proposé de solutions de rechange à cette mesure.

«Tous ces premiers ministres qui s’affairent à se plaindre du prix sur la pollution, mais qui ne proposent pas d’autres solutions concrètes qui seraient meilleures pour leurs communautés, ils ne font que de la politique», a-t-il déclaré en conférence de presse, lundi, à Toronto.

Dans sa lettre à M. Trudeau, partagée sur les réseaux sociaux, M. Furey défend les mesures prises jusqu’ici par sa province pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

«La menace du changement climatique est pressante, admet-il. Il existe un large consensus sur le fait que la décarbonisation est impérative; il n’y a plus aucun contre-argument sérieux. La seule question est de savoir comment, à l’heure actuelle, y parvenir au mieux.»

M. Furey soutient que le gouvernement fédéral devra faire un «investissement stratégique plus important» s’il espère avoir «un impact significatif» sur les émissions de carbone du Canada.

Moe appelle à se débarrasser de Trudeau

Dans les jours précédant l’augmentation annuelle de lundi, les quatre premiers ministres des provinces de l’Atlantique et ceux de la Saskatchewan, de l’Alberta et de l’Ontario avaient tous demandé à M. Trudeau de réévaluer la hausse annuelle de 15 $ du taux de la tarification fédérale sur le carbone, qui est passé lundi à 80 $ la tonne d’émissions.

Le premier ministre de la Saskatchewan, Scott Moe, qui a témoigné la semaine dernière devant un comité parlementaire au sujet de son opposition à l’augmentation, a écrit lundi sur le média social X que la seule façon d’empêcher de futures augmentations est de changer de gouvernement à Ottawa.

Le chef conservateur fédéral, Pierre Poilievre, a déjà mis M. Trudeau au défi de faire de cette tarification la «question de l’urne». Les prochaines élections fédérales doivent avoir lieu au plus tard le 20 octobre 2025.

M. Poilievre a également passé le mois dernier à organiser des rassemblements au pays sur le slogan «Axe the tax» (Abolir la taxe) — un slogan qui devient en français «Réduire les impôts».

La tarification fédérale ne s’applique pas au Québec, qui dispose d’un système de plafonnement et d’échange de droits d’émissions («bourse du carbone») qui est considéré par Ottawa comme équivalent. La tarification fédérale ne s’applique pas non plus en Colombie-Britannique et dans les Territoires du Nord-Ouest, qui disposent de leur propre tarification, très similaire à la mesure d’Ottawa. 

S’adressant aux journalistes lundi, avant un rassemblement prévu à Nanaimo, en Colombie-Britannique, M. Poilievre a promis qu’un futur gouvernement conservateur «réduirait les émissions et les coûts» grâce à une approche différente en matière d’environnement. «L’approche (de M. Trudeau) est la fiscalité, la mienne, c’est la technologie», a-t-il dit.

Même si M. Poilievre a promis de «supprimer la taxe», il a été moins clair quant à son intention de modifier la tarification pour les gros émetteurs industriels.

Manifestations lundi

S’adressant aux journalistes lundi, avant un rassemblement prévu à Nanaimo, en Colombie-Britannique, M. Poilievre a promis qu’un futur gouvernement conservateur «réduirait les émissions et les coûts» grâce à une approche différente en matière d’environnement. «L’approche (de M. Trudeau) est la fiscalité, la mienne, c’est la technologie», a-t-il dit.

Même si M. Poilievre a promis de «supprimer la taxe», il a été moins clair quant à son intention de modifier la tarification pour les gros émetteurs industriels.

Manifestations lundi

Des manifestants se sont rassemblés lundi dans plusieurs villes du pays, faisant écho à l’appel de M. Poilievre de «supprimer la taxe».

Vers midi, des dizaines de manifestants étaient rassemblés sur la colline du Parlement, certains brandissant des pancartes où l’on pouvait lire «Axe the tax» ou des injures à l’endroit du premier ministre, tandis que d’autres se drapaient de l’unifolié.  

Cette manifestation, organisée par un groupe appelé «Nationwide Protest Against Carbon Tax», était l’un des 15 événements organisés à travers le pays.

Des manifestations ont également eu lieu à diverses frontières interprovinciales. Les manifestants ont ainsi temporairement bloqué une partie de la route transcanadienne reliant la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick, le Manitoba et la Saskatchewan, ainsi que la Saskatchewan et l’Alberta.

En Alberta, lundi, des klaxons ont retenti le long de la route transcanadienne à l’ouest de Calgary, alors que des manifestations contre l’entrée en vigueur de la hausse du taux ont ralenti la circulation.

Les Albertains ont été frappés par une autre hausse, lundi, alors que le gouvernement provincial a entièrement rétabli sa taxe sur le carburant, ce qui signifie une augmentation de quatre cents le litre. La taxe de 13 cents le litre avait été suspendue pour toute l’année 2023 puis partiellement rétablie en janvier dernier.

«Je suis ici parce que notre pays s’effondre et que notre gouvernement nous écrase et que ça doit tout simplement cesser», a déclaré sur le bord de l’autoroute l’ancien combattant Gary Lambert, d’Innisfail. «Il ne s’agit pas seulement d’abolir la taxe: il s’agit de libertés. Il s’agit de notre droit à la liberté d’expression.»

Changer le nom de la remise

M. Trudeau et d’autres partisans de la tarification du carbone affirment que les opposants oublient le fait que les familles canadiennes reçoivent des chèques de remise trimestriels, plus généreux pour les ménages à faible revenu, afin de les aider à compenser pour la hausse initiale.

Ils soulignent également les coûts bien concrets du changement climatique pour les Canadiens en raison de catastrophes telles que les incendies de forêt ou les inondations.

La semaine dernière, quelque 200 économistes et universitaires de partout au pays ont publié une lettre ouverte défendant la tarification du carbone comme le moyen le moins coûteux de réduire les émissions, par opposition à l’imposition de réglementations plus strictes.

Le Parti libéral du Canada a fait circuler lundi une pétition sur les réseaux sociaux accusant M. Poilievre de vouloir «supprimer» ces chèques, qui varient de 760 $ à près de 1800 $ par année, selon l’endroit de résidence.

M. Trudeau a accusé la semaine dernière les premiers ministres conservateurs de mentir sur l’impact de cette politique sur l’inflation et il a mis ses détracteurs provinciaux au défi de présenter d’autres propositions pour réduire les émissions.

Depuis des mois, ses ministres et lui ont du mal à trouver du soutien pour cette politique mise en place en 2019, alors que les Canadiens se retrouvent à payer des prix plus élevés pour la nourriture et le logement, et que M. Poilievre mène une campagne musclée contre la «taxe carbone».

Dans le but de renforcer le soutien populaire à cette mesure, le gouvernement fédéral a rebaptisé en février le «Paiement de l’incitatif à agir pour le climat» pour l’appeler «Remise canadienne sur le carbone».

Partager cet article
S'inscrire
Me notifier des
guest
0 Commentaires
Inline Feedbacks
Voir tous les commentaires