Trudeau défend sa tarification du carbone en ouverture du sommet Canada-UE

Émilie Bergeron, La Presse Canadienne
Trudeau défend sa tarification du carbone en ouverture du sommet Canada-UE

SAINT-JEAN, T.-N.-L. — La tarification du carbone a été abordée jeudi, au premier jour d’un sommet entre les leaders européens et le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, soit quelques semaines après l’ouverture d’une brèche dans la politique canadienne en la matière.

Dans une allocution prononcée en ouverture d’une réception de bienvenue pour les dignitaires, à Saint-Jean de Terre-Neuve, M. Trudeau a défendu sa politique environnementale présentée comme une pièce maîtresse du plan canadien de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

«Le fait que le Canada a un prix sur la pollution assure que nous serons capables de faire du commerce équitablement et ouvertement, et non pas en désavantage avec les pays à travers le monde comme ceux de l’Union européenne, qui agissent réellement pour lutter contre les changements climatiques», a-t-il déclaré.

Il a envoyé le message que le Canada et l’Union européenne (UE) préparent le terrain à de grands accords dans le cadre du Pacte vert sur lequel l’Europe travaille.

Mais d’abord, M. Trudeau a confirmé formellement qu’Ottawa se joint à un programme européen de recherche scientifique totalisant 100 milliards $, Horizon Europe.

Le président du Conseil européen, Charles Michel, a insisté sur ses liens personnels avec le premier ministre canadien, rappelant qu’ils ont négocié ensemble l’Accord économique et commercial global (AECG), une entente de libre-échange, lorsqu’il était à la tête du gouvernement belge.

«Je me souviens qu’en réalité je passais une partie de mes nuits avec Justin Trudeau à cause du décalage horaire», s’est-il remémoré tout haut. Il a présenté l’AECG comme une réussite en matière de commerce.

«On veut réussir ensemble la transition climatique, réussir cet équilibre entre dégager de la prospérité, améliorer les conditions de vie tout en veillant à respecter notre environnement (et) la nature», a poursuivi le dirigeant européen.

M. Trudeau a vanté son choix d’endroit pour ce sommet de deux jours, Terre-Neuve-et-Labrador, lançant des fleurs aux Terre-Neuviens qu’il considère parmi les Canadiens les plus accueillants.

«C’est logique un peu de se rassembler chez des amis», a lancé le premier ministre devant une salle comble de dignitaires rassemblés dans une brasserie locale.

Le parterre d’invités, rassemblant des entrepreneurs et politiciens, a été réchauffé par deux musiciens performant sur scène, à coup de morceaux traditionnels et de mélodies chaleureuses.

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a raconté aux convives une histoire personnelle qui la lie à Terre-Neuve-et-Labrador.

Elle a raconté que, le jour de l’attentat terroriste du 11 septembre 2001 aux États-Unis, elle a été rassurée d’apprendre que son époux avait été placé en sécurité et reçu avec hospitalité dans une petite localité terre-neuvienne.

Mme Von der Leyen doit s’entretenir vendredi avec Charles Michel et Justin Trudeau au cours d’une rencontre de travail officielle à trois.

Des entrepreneurs présents

Jeudi, des dirigeants d’entreprises canadiennes étaient présents pour tenter de tirer leur épingle du jeu.

L’un d’eux, Vasileios Tsianos, a indiqué à La Presse Canadienne qu’il aimerait entendre les leaders réaffirmer «l’engagement tant du Canada que de l’Union européenne dans le développement de chaînes d’approvisionnement transatlantiques pour les minéraux critiques (…) (et) le secteur de la construction automobile des véhicules électriques».

Celui qui est directeur du développement corporatif pour Neomaterials, une compagnie torontoise, a mentionné un partenariat dont les bases sont déjà en train d’être jetées en Estonie.

Gurjant Randhawa, président et directeur général de Cipher Neutron, une autre entreprise de la Ville Reine, a aussi partagé son enthousiasme envers l’événement.

Il espère que les discussions mèneront à un financement du secteur privé qui va au-delà de programmes revenant à égaler des fonds.

«Nous avons besoin de plus que ça», a résumé celui qui œuvre dans le domaine de l’hydrogène.

Environnement et tarification du carbone

La lutte aux changements climatiques et la tarification mondiale du carbone sont définitivement à l’agenda au cours du sommet.

Le mois dernier, le gouvernement Trudeau a annoncé qu’il effectuait une brèche temporaire dans sa politique phare de tarification du carbone.

La brèche consentie par Justin Trudeau aux Canadiens est, plus précisément, un sursis de trois ans de la taxation sur le carbone pour les propriétaires qui dépendent d’un système de chauffage au mazout. Les libéraux prévoient aussi un financement pour aider les gens à passer au chauffage électrique.

Les Canadiens les plus touchés par l’exemption temporaire sont ceux qui résident en Atlantique.

Le directeur de la recherche pour l’organisation Net Zero Altantic s’intéressant aux politiques énergétiques, Sven Scholtysik, compte surveiller de près les engagements que pourraient réaffirmer le Canada et l’Europe envers un partenariat florissant au chapitre de l’hydrogène.

«Je prêterais attention à un bon point focal sur le Canada Atlantique se présentant en tant que région et en tant que région la plus proche de l’Allemagne», a-t-il dit en entrevue.

M. Trudeau a signé l’an dernier une entente en matière d’hydrogène avec le chancelier allemand Olaf Scholz.

Dans les Maritimes, un projet mené par EverWind Fuels a déjà passé l’étape des évaluations environnementales en Nouvelle-Écosse. Une autre initiative, celle-ci de World Energy GH2, en est rendue aux derniers jalons d’un procédé similaire à Terre-Neuve-et-Labrador.

Dans le cas de ces deux entreprises, la production devrait commencer au cours des années à venir.

«Beaucoup doit survenir afin de (s’aligner avec) ces échéances, et je suis heureux que cette discussion se poursuive au niveau politique. C’est quelque chose qui nécessite une focalisation continue pour que ce soit réaliste», croit M. Scholtysik.

Guerres en Ukraine et au Proche-Orient

Durant le sommet Canada-UE,tout indique queles dirigeants européens profiteront de l’occasion pour réaffirmer leurvolonté de réduire la dépendance envers la Russie en matière énergétique.

Des discussions ont cours avec Ottawa depuis des mois sur les possibilités qu’offre l’exportation de gaz naturel liquéfié. Le manque d’infrastructures connectant le Canada à l’Europe est l’un des défis qui entrent en ligne de compte, ont rappelé les représentants de l’UE.

De façon plus générale, la guerre en Ukraine et ses multiples répercussions devraient figurer en tête de la liste de priorités durant le sommet.

Déjà, MM. Michel et Trudeau ont souligné leur soutien aux Ukrainiens.

L’UE s’attend aussi à ce que la flambée de violences au Proche-Orient domine, en bonne partie, les discussions entre alliés.

À son arrivée à Terre-Neuve, en après-midi, M. Trudeau s’est rendu à la rencontre d’étudiants d’une école de métiers située dans un quartier industriel de Mount Pearl, qui se trouve à environ huit kilomètres au sud-ouest de Saint-Jean.

Une quinzaine d’apprentis qui suivent une formation de tuyauteur ont montré au premier ministre, au moyen d’outils, ce qu’ils apprennent dans leur cours.

– Avec des informations de Sarah Smellie

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