Tarification du carbone: Trudeau a été «sauvé par des séparatistes», dit Poilievre

Michel Saba, La Presse Canadienne
Tarification du carbone: Trudeau a été «sauvé par des séparatistes», dit Poilievre

OTTAWA — La motion conservatrice visant à élargir la suspension de la tarification fédérale sur le carbone à toutes les formes de chauffage résidentiel, et pas seulement pour le mazout, a été défaite lundi, malgré l’appui surprenant du Nouveau Parti démocratique (NPD).

Le premier ministre Justin Trudeau a été «sauvé par des séparatistes» avec qui il est «entré dans une coalition coûteuse», a lancé le chef conservateur Pierre Poilievre après le vote.

«Ça coûte cher voter Bloc. Ça coûte très cher voter Bloc», a-t-il poursuivi lors d’une mêlée de presse où il n’a répondu à des questions que pendant à peine quatre minutes.

Le Bloc québécois a joué un rôle déterminant alors qu’il a annoncé quelques minutes avant la période des questions que ses troupes voteraient contre la motion, tout comme allaient le faire les libéraux.

D’entrée de jeu, le chef bloquiste Yves-François Blanchet a souligné aux journalistes que «la taxe carbone ne s’applique pas au Québec», étant donné le système de plafonnement et d’échange qui est en place depuis des années dans la province.

«Alors, nous, on s’est dit: »Ça ne nous touche pas terriblement, mais l’environnement oui». Donc, c’est une évidence pour nous autres que de dire qu’on ne soutiendra pas une manœuvre des conservateurs dont l’impact environnemental est négatif», a résumé M. Blanchet devant les journalistes.

Il a affirmé que quoi que disent ou fassent les bloquistes, les conservateurs continueront de répéter leurs slogans «démagogiques» alors que les changements climatiques coûtent, eux, «extrêmement chers» et qu’ils ne veulent pas vraiment s’y attaquer.

Pierre Poilievre estime plutôt que l’exemption temporaire sur le mazout annoncée il y a une dizaine de jours est source de discorde. Il soutient que le premier ministre Trudeau se livre au favoritisme régional dans le but d’inverser les résultats atones des libéraux dans les sondages dans le Canada atlantique.

M. Trudeau plaide cependant que le mazout est beaucoup plus cher à utiliser que le gaz naturel et qu’un nombre disproportionné de ménages du Canada atlantique utilisent encore du mazout et ont besoin de plus de temps pour remplacer leurs fournaises par des thermopompes électriques.

Les libéraux font valoir qu’il y a en fait plus de Canadiens à l’extérieur de la région de l’Atlantique qui utilisent du mazout résidentiel, mais que trois provinces de l’Atlantique ont adhéré à un programme visant à aider les utilisateurs de mazout à passer aux thermopompes électriques.

Appelé à présenter son plan pour lutter contre les changements climatiques, le chef conservateur a d’abord répondu aux journalistes qu’il le dévoilera «lorsque l’élection sur la taxe carbone aura lieu».

Il a ensuite indiqué que son «plan du gros bon sens» s’appuie sur la technologie et a refusé de s’engager à respecter les cibles prévues dans l’Accord de Paris sur le climat.

Le ministre des Affaires intergouvernementales, Dominic LeBlanc, a quant à lui balayé du revers de la main les commentaires du front uni de presque tous les premiers ministres provinciaux qui considèrent eux aussi que les changements apportés par Ottawa sont injustes.

«Que vous ayez (des) premiers ministres des provinces et des territoires qui se mettent ensemble puis qui décident de critiquer le gouvernement fédéral, ça ne devrait pas faire des nouvelles. C’est aussi ancien que la confédération elle-même», a-t-il envoyé.

Il a aussi expliqué que les politiques publiques sont «nécessairement adaptées à des réalités régionales». Et celles de son gouvernement sont, selon lui, «responsables, efficaces et équitables».

À la Chambre des communes, le lieutenant politique de M. Trudeau pour le Québec, Pablo Rodriguez, a accusé les conservateurs de vouloir ramener le Québec et l’ensemble du pays «à l’âge de pierre».

Et ce recul, a-t-il dit, est à la fois sur les changements climatiques, mais aussi «sur les droits fondamentaux, sur les droits de femmes (et) en remettant les armes d’assaut dans la rue».

À la période des questions, les conservateurs ont utilisé plusieurs de leurs interventions pour inviter Justin Trudeau à permettre aux députés libéraux de voter librement.

Les troupes de Pierre Poilievre ont tour à tour suggéré que certains élus libéraux aimeraient appuyer leur motion, qu’il s’agisse de députés du nord de l’Ontario, du Grand Toronto ou de la région d’Ottawa.

La ministre ontarienne Patty Hajdu s’est d’ailleurs levée, à un certain point, pour répliquer qu’elle est «tellement fière» d’être une députée du Nord, soutenant qu’elle «travaille auprès de ses commettants qui lui disent de prendre des actions plus rapidement en matière climatique». Elle n’a pas manqué de faire référence à la saison record des incendies de forêt qui a fait des ravages.

Les néo-démocrates jugent pour leur part tellement insupportable l’approche «divisive» des libéraux qu’ils ont choisi d’appuyer la motion conservatrice. Leur chef Jagmeet Singh s’est néanmoins dit «très mal à l’aise» de voter avec un parti «qui continue d’aider les super-riches (…) qui n’a pas de plan pour lutter contre la crise climatique».

Le NPD entend cependant présenter mardi un «plan» qui consiste à enlever la TPS sur le chauffage domestique. Cela permet de lutter contre les changements climatiques et de donner un coup de main à tous les Canadiens, plaide-t-on.

– Avec des informations d’Émilie Bergeron

Partager cet article
S'inscrire
Me notifier des
guest
0 Commentaires
Inline Feedbacks
Voir tous les commentaires