Statistique Canada rapporte une hausse de l’exploitation sexuelle d’enfants en ligne

Coralie Laplante, La Presse Canadienne
Statistique Canada rapporte une hausse de l’exploitation sexuelle d’enfants en ligne

MONTRÉAL — Le nombre d’infractions sexuelles contre des enfants en ligne a augmenté de plus de 200 % de 2014 à 2022 au Canada, a dévoilé Statistique Canada. Et l’ampleur du phénomène pourrait être encore plus importante que ce que laissent percevoir les chiffres, selon le Centre canadien de protection de l’enfance. 

Dans un article publié mardi, Statistique Canada indique que le taux global d’affaires d’infractions sexuelles contre des enfants en ligne, incluant les infractions liées à la pornographie juvénile, a augmenté de 217 % depuis 2014. 

Ce taux est passé de 50 affaires pour 100 000 enfants de 0 à 17 ans en 2014, à 160 affaires en 2022. En ce qui concerne le taux de pornographie juvénile, il a presque quadruplé de 2014 à 2022, selon l’organisme fédéral, passant de 32 cas pour 100 000 enfants et jeunes à 125 cas. 

Ces données ne surprennent pas René Morin, porte-parole du Centre canadien de protection de l’enfance, l’organisme qui a mis sur pied le programme Cyberaide.ca, soit la centrale canadienne de signalement des cas d’exploitation et d’abus sexuels d’enfants sur internet. 

«C’est quelque chose qu’on observe, année après année. Les crimes contre les enfants sur internet ne cessent d’augmenter, et c’est pour ça qu’on a autant insisté pendant autant d’années pour que le gouvernement fédéral prenne cet enjeu-là au sérieux», affirme-t-il. 

M. Morin estime que la législation n’est pas suffisante actuellement pour protéger les enfants en ligne, mais se réjouit du dépôt du projet de loi sur les préjudices en ligne, effectué à la fin du mois de février par le ministre de la Justice, Arif Virani. 

Il ajoute que les chiffres présentés dans le rapport de Statistique Canada pourraient être inférieurs aux crimes qui sont commis en réalité. 

«Les chiffres que vous voyez, ce sont les incidents qui sont déclarés par la police, explique M. Morin. La réalité, c’est pire que ça, parce qu’on sait très bien que les crimes de nature sexuelle sont largement sous-signalés.»

Statistique Canada estime que cette hausse des crimes sexuels contre des enfants en ligne peut s’expliquer, outre que par la réelle augmentation de ces types de crime, par une augmentation de la sensibilisation au sein de la population, par davantage de ressources et de formation de la police ou par une combinaison de tous ces facteurs.

M. Morin croit qu’effectivement, la population est mieux sensibilisée qu’auparavant à cet enjeu et aux ressources vers lesquelles elle peut se tourner. 

«Le nombre de signalements que l’on reçoit ne cesse d’augmenter d’année en année», souligne M. Morin, en parlant de Cyberaide.ca, qui traite des signalements concernant l’exploitation sexuelle d’enfants sur le web. 

Le porte-parole indique que l’augmentation des cas peut aussi s’expliquer par les outils technologiques plus performants de la police pour s’attaquer à ces crimes. 

Toutefois, le rapport de Statistique Canada indique que deux affaires d’infractions sexuelles contre des enfants en ligne sur cinq sont résolues par la police. Des affaires peuvent demeurer non classées en raison d’une preuve insuffisante pour effectuer une mise en accusation, précise le document. 

Selon M. Morin, cela met en lumière l’importance que tous les acteurs entourant la publication d’images illicites se mobilisent pour protéger les jeunes en ligne. 

«Pour qu’une image se retrouve sur internet, ça ne dépend pas que de la personne qui la publie sur internet. Ça dépend du serveur qui va héberger l’image, ça va dépendre de l’entreprise qui met l’espace du serveur à disposition, ça va dépendre, au bout du compte, de toutes les entités qui procurent la connexion internet à ce serveur», détaille-t-il. 

«Le problème est beaucoup là: comment on force ces acteurs-là à prendre le problème au sérieux, à faire passer la sécurité des enfants avant les profits», ajoute-t-il. 

Parmi les affaires résolues par la police, 74 % ont amené à un dépôt ou à la recommandation d’accusations. Le tiers des accusations d’exploitation sexuelle des enfants en ligne mène à un verdict de culpabilité, peut-on lire dans le rapport de Statistique Canada. 

L’importance de signaler

M. Morin indique qu’il est primordial que les parents aient régulièrement des conversations avec leurs enfants sur la sécurité en ligne. 

«Nos enfants sont en danger dans l’espace numérique parce qu’ils y passent beaucoup de temps, et parce que fort malheureusement, il y a beaucoup de personnes malintentionnées sur internet qui ont des penchants pédosexuels, les chiffres le montrent», explique-t-il. 

Il estime qu’il faut que les enfants aient le réflexe de se tourner vers un adulte de confiance pour obtenir de l’aide s’ils se font prendre au piège par un criminel sur le web. M. Morin insiste aussi sur l’importance d’effectuer un signalement. 

«Les auteurs d’infractions criminelles contre des enfants sur internet s’en prennent rarement à un seul enfant à la fois, souvent ils vont s’en prendre à des dizaines, voire à des centaines d’enfants à la fois. À partir du moment où on fait un signalement, tout de suite il y a un processus qui s’enclenche, les autorités policières sont informées.»

M. Morin précise que Cyberaide.ca comporte aussi une équipe de soutien pour venir en aide aux parents et aux enfants qui doivent composer avec de telles situations, et que l’organisation possède des technologies pour essayer de supprimer des images qui sont en circulation sur le web. 

Le rapport de Statistique Canada affirme également que la majorité des auteurs présumés de violence sexuelle envers des enfants en ligne sont des hommes et des garçons. L’article indique que «la plupart des affaires d’incitation à des contacts sexuels (97 %), de leurre d’enfants (96 %) et de possession de pornographie juvénile ou d’accès à de la pornographie juvénile (90 %) impliquaient un auteur présumé de genre masculin». 

En ce qui concerne les affaires de distribution non consensuelles d’images intimes, 86 % des victimes étaient des filles.

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