Sport: le Canada est dénoncé pour son incapacité à déclencher une enquête publique

Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne
Sport: le Canada est dénoncé pour son incapacité à déclencher une enquête publique

MONTRÉAL — Le Canada a le douteux honneur d’être en nomination pour le «Prix ignoble» du Centre d’intégrité sportive de l’Université de New Haven, au Connecticut, pour son refus de tenir une enquête publique sur les abus dans le sport, comme le réclament le Bloc québécois et le Nouveau Parti démocratique depuis des mois.

Ce prix sera décerné ce jeudi par Rosemarie Aquilina, cette juge américaine qui a condamné Larry Nassar pour agression sexuelle envers plusieurs gymnastes aux États-Unis. La juge Aquilina avait témoigné devant le Comité du patrimoine, aux Communes en juin dernier, pour encourager le Canada à déclencher une enquête judiciaire sur les abus dévoilés dans certaines fédérations sportives, dans la foulée du scandale de l’étouffement d’agressions sexuelles par Hockey Canada.

Outre le Canada, les directeurs du PGA Tour, dans le monde du golf, sont aussi en nomination pour avoir conclu une entente avec le circuit concurrent LIV de l’Arabie saoudite sans avertir les joueurs ou les familles des victimes des attentats du 11 septembre 2001, dont ils avaient pourtant obtenu l’appui pour s’opposer à la création du circuit saoudien.

La troisième nomination pour ce prix peu enviable vise les criminels basés dans les Balkans qui ont mis sur pied un véritable réseau de trucage d’événements sportifs sur tous les continents.

«Ça nous a fait sourire»

«Ça nous a fait sourire, a reconnu le député bloquiste Sébastien Lemire, qui porte le dossier des abus dans le sport pour la formation politique aux Communes. Cette nouvelle nous permet de remettre à l’avant-plan un engagement très formel de la ministre St-Onge (Pascale St-Onge, ex-ministre des Sports, aujourd’hui ministre du Patrimoine) au nom du gouvernement du Canada de lancer, déclencher une enquête publique et indépendante sur les abus dans le sport pour rendre le sport enfin sain et sécuritaire pour nos enfants.»

Il rappelle qu’à la suite du scandale qui avait ébranlé Hockey Canada, «il y a eu tellement de fédérations sportives du Canada qui sont sorties pour dénoncer des situations de maltraitance que des athlètes ont vécu dans plusieurs disciplines sportives».

Selon lui, malgré «une certaine empathie» démontrée par le gouvernement Trudeau, celui-ci «a continué à faire la sourde oreille et n’est jamais passé à l’action», bien que les premiers scandales aient été révélés il y a plus d’un an et demi.

Une promesse qui traîne

Il y a maintenant quatre mois que la ministre St-Onge a promis une enquête dont elle n’avait toujours pas précisé les modalités à l’époque, promesse à laquelle sa successeure aux Sports, Carla Qualtrough, n’a pas encore donné suite non plus.

«Elle doit passer à l’action, martèle Sébastien Lemire. Mais quatre mois plus tard, on sent que ce n’est plus dans les cartons du gouvernement.» Il reproche à Mme Qualtrough d’avoir laissé sous-entendre dans ses différentes interventions publiques «qu’elle va dans une autre direction et que les gens n’ont pas à s’inquiéter par rapport à ça. Moi, entendre cela, et de nombreux groupes d’athlètes aussi, ça nous rend au contraire particulièrement inquiets». 

Dans ces conditions, même si une enquête publique a été promise, «cette inaction en ce moment devient pour moi effectivement un refus d’agir», comme le reproche la formulation de la mise en nomination du Canada pour le «Prix ignoble».

«Pendant qu’on réfléchit à comment faire ou pas cette enquête, il y a des gens qui souffrent. Il y a des gens qui sont allés faire des témoignages tellement vibrants, tant lors des différentes audiences des comités de la condition féminine que du patrimoine», plaide-t-il.

Le bureau de la ministre Qualtrough n’avait pas encore répondu aux demandes de La Presse Canadienne de préciser ses intentions au moment d’écrire ces lignes.

Les plus méritants

Ce «Prix ignoble» est une contrepartie du prix, plus convoité celui-là, de «Noble objectif pour favoriser l’intégrité dans le sport» décerné par l’Université de New Haven. Trois athlètes sont en nomination pour ce prix, soit le joueur de soccer Vinicius Junior, du Real Madrid, qui s’est dressé seul pour confronter une foule hostile de milliers de supporters hurlant des quolibets racistes.

La joueuse de tennis Martina Navratilova, gagnante du plus grand nombre de titres de grand chelem de l’histoire, militante pour l’équité envers les femmes dans le sport, est également en nomination, tout comme le militant des droits de la personne et lanceur d’alerte Malcolm Bidali, qui a été emprisonné au Qatar après avoir révélé les graves abus de droit vécus par les travailleurs ayant participé à la construction des installations de la Coupe du monde de soccer dans ce pays.

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