Québec réclame plus d’un milliard de dollars pour les demandeurs d’asile

Thomas Laberge, La Presse Canadienne
Québec réclame plus d’un milliard de dollars pour les demandeurs d’asile

Québec interpelle encore une fois Ottawa pour que soit freinée l’arrivée des demandeurs d’asile et pour qu’ils soient mieux répartis à travers le pays. Le gouvernement caquiste affirme que les coûts associés à l’accueil des réfugiés dépassent maintenant le milliard $ et continue de réclamer un remboursement de la part du fédéral. La situation est telle que le premier ministre François Legault envisage de rencontrer son homologue Justin Trudeau. 

«Le basta s’applique face à l’attentisme de la part du fédéral. Pour l’instant, je ne sens pas une urgence du côté fédéral à régler la situation», a lancé la ministre de l’Immigration, Christine Fréchette, en point de presse mardi à l’Assemblée nationale.

Elle était accompagnée par trois de ses collègues: Jean-François Roberge (Langue française), Bernard Drainville (Éducation) et Chantal Rouleau (Solidarité sociale). 

Les demandes de Québec avaient des airs de déjà vu. Par le passé, Québec a fait plusieurs sorties pour réclamer des actions de la part du fédéral pour mieux répartir les demandeurs d’asile.

La ministre Fréchette s’est défendue en affirmant qu’Ottawa répondait parfois positivement aux demandes de Québec. «J’aimerais rappeler qu’on a fait fermer le chemin Roxham. (…) Ensuite, l’année passée, à pareille date, on demandait à ce que les demandeurs d’asile qui arrivaient via Roxham soient répartis dans un ensemble d’États fédérés, et c’est ce qui a été fait. Et on demande de réactiver cette mécanique-là parce que, l’année passée, ça a donné beaucoup d’oxygène au Québec», a-t-elle dit.

Récemment, le fédéral a réservé une somme de 150 millions $ pour le Québec pour l’hébergement temporaire des demandeurs d’asile. Un montant jugé largement insuffisant par le gouvernement caquiste.

Le coût du panier de services offerts aux demandeurs d’asile s’élève à 576,9 millions $ pour l’année 2023, selon Québec. Cette somme s’ajoute aux 470 millions $ déjà réclamés au gouvernement fédéral pour les mêmes services publics offerts aux demandeurs d’asile en 2021 et en 2022, ce qui porte le coût total des services pour les trois années à plus d’un milliard $.

«On ne peut plus continuer comme ça. Je vais essayer de rencontrer M. Trudeau prochainement», a lancé le premier ministre François Legault alors qu’il se rendait à la période de questions mardi.

Vers une «crise humanitaire»?

Le ministre Roberge a affirmé que «c’était comme si la fermeture du chemin Roxham avait été remplacée par une passoire dans nos aéroports. C’est comme si le gouvernement fédéral avait perdu le contrôle de ses frontières».

«On s’approche d’une crise qui pourrait devenir une crise humanitaire, si on n’était plus capables de donner des services», a-t-il indiqué.

Questionné à savoir si l’identité québécoise pouvait être menacée par l’arrivée des demandeurs d’asile, Jean-François Roberge a répondu: «Ça pourrait arriver, si on accueille plus de personnes qu’on est capable de loger, mais aussi de franciser et d’intégrer à la société québécoise. On veut des gens qui viennent faire partie de la grande famille québécoise. (…) L’idée ce n’est pas de devenir multiculturaliste et de vivre les uns aux côtés des autres. C’est de vivre les uns avec les autres».

«Donc, oui, il y a des choses qui sont menacées, il y a des services qui sont menacés, il y a une manière de vivre qui est menacée lorsque les nombres sont trop grands, il faut le nommer», a-t-il ajouté.

Le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a soutenu que le système d’éducation subit une forte pression en raison des demandeurs d’asile qui doivent être francisés et scolarisés. Selon le ministre, il y a actuellement 1237 classes de francisation, ce qui est l’équivalent de 52 écoles primaires.

«Dans un contexte où nous vivons une importante pénurie d’enseignants, de personnels scolaires et de locaux, vous comprenez que ça met énormément de pression sur notre réseau. On s’approche du point de rupture», a-t-il dit.

Selon le gouvernement, la province accueille 55 % des demandeurs d’asile qui arrivent au Canada. Cela représente 160 651 réfugiés en 2023, toujours selon les chiffres de Québec.

Les demandes de Québec:

– Répartir plus équitablement les demandeurs d’asile sur l’ensemble du territoire canadien ;

– Freiner et diminuer l’afflux de demandeurs d’asile qui entrent au Canada en resserrant la politique canadienne d’octroi des visas;

– Fermer toute brèche qui permettrait à des groupes criminels de s’infiltrer au Canada;

– Rembourser la totalité des sommes liées à l’accueil des demandeurs d’asile de 2021 à 2023.

«Ottawa est déloyal envers le Québec»

Questionné à savoir s’il comptait rembourser le Québec et pourquoi il n’avait pas mieux réparti les demandeurs d’asile à travers le Canada, le premier ministre Justin Trudeau a évité de répondre. 

«Le gouvernement fédéral a été là avec des centaines de millions de dollars. Et on va continuer de travailler main dans la main avec Québec pour s’assurer qu’on puisse continuer d’avancer de la bonne façon. L’important, évidemment, c’est de rassurer tout le monde d’un bout à l’autre de ce pays qu’on a un système d’immigration fonctionnel, rigoureux, où les règles sont suivies. C’est pour ça d’ailleurs qu’on a pris des gestes concrets au niveau des étudiants internationaux. On est en train de regarder aussi avec différents pays sur les questions des demandeurs d’asile», a-t-il affirmé à Vancouver mardi. 

Le point de presse du gouvernement caquiste a fait réagir les partis d’opposition mardi matin. 

«La CAQ se ment à elle-même. Elle le sait que d’envoyer des lettres puis faire des demandes à genoux (au ministre de l’Immigration fédéral) Marc Miller, ça ne peut pas fonctionner parce qu’ils sont de mauvaise foi, ils sont déloyaux. Ottawa est déloyal envers le Québec», a lancé le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon. 

Le chef libéral Marc Tanguay trouve que l’utilisation de l’expression de «crise humanitaire» par M. Roberge est exagérée. «La CAQ est en train de dire que sous leur gouverne, c’est ce qu’on voit au Québec? Voyons donc! (…) Le risque de tenir des propos comme ça dans un contexte où ils discutaient de l’immigration, c’est de voir justement les nouveaux arrivants comme une menace», a-t-il soutenu. 

«Il y a beaucoup de demandeurs d’asile qui arrivent au Québec. Le fédéral doit en faire plus. Il faut, tout le monde, travailler ensemble pour que ça se passe bien. Pour ce qui est des ‘’points de rupture’’ et des ‘’crises’’, je laisse ça au gouvernement», a affirmé, pour sa part, le chef parlementaire solidaire Gabriel Nadeau-Dubois.  

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