Projet de loi sur les Métis: la légitimité de certains groupes n’a pas été validée

Alessia Passafiume, La Presse Canadienne
Projet de loi sur les Métis: la légitimité de certains groupes n’a pas été validée

OTTAWA — Un haut fonctionnaire fédéral affirme que le gouvernement canadien n’a pas vérifié la légitimité des communautés métisses contestées en Ontario, qui se trouvent au cœur d’un débat houleux sur un projet de loi du gouvernement visant à leur reconnaître des droits.

Martin Reiher, sous-ministre adjoint principal au ministère des Relations Couronne-Autochtones, a déclaré que le projet de loi C-53 ne reconnaît que les organisations métisses provinciales qui gouvernent. Il a ajouté que le gouvernement n’est pas tenu de fouiller dans la légitimité de communautés spécifiques.

Le gouvernement n’est pas tenu de s’interroger sur la légitimité de communautés spécifiques elles-mêmes, a-t-il déclaré.

«Le gouvernement du Canada n’a joué aucun rôle à cet égard», a-t-il affirmé devant un comité parlementaire, où les dirigeants autochtones ont débattu avec véhémence d’un projet de loi qui reconnaîtrait l’autonomie gouvernementale des Métis en Ontario, en Alberta et en Saskatchewan.

Les chefs de l’Ontario et d’autres groupes des Premières Nations ont fait valoir que l’existence des six nouvelles communautés au sein de la Nation métisse de l’Ontario, que le gouvernement provincial a reconnues en 2017, n’a aucune base historique.

Inquiétudes et déception

La députée néo-démocrate Lori Idlout a demandé à M. Reiher pourquoi il pense qu’il y a eu «tant d’inquiétudes soulevées» concernant la composition du groupe ontarien et s’il y avait suffisamment de freins et de contrepoids en place.

Il a répondu en disant que l’organisation avait travaillé dur sur un registre de membres et a noté qu’elle avait supprimé quelque 6000 membres avec des profils incomplets en juin. Il a ajouté qu’il avait une «obligation» de fournir des informations vérifiables.

Mme Idlout a déclaré vendredi dans une entrevue qu’elle n’était pas satisfaite des réponses du sous-ministre.

«Ils ne font pas leurs devoirs pour s’assurer d’entendre les bonnes personnes, a-t-elle déploré. Et je peux comprendre pourquoi les Premières Nations de l’Ontario seraient grandement préoccupées par ce qui se passe.»

Mme Idlout n’a pas voulu dire si son caucus envisageait de voter en faveur du projet de loi. Elle a déclaré qu’ils travaillaient sur des amendements qui contribueraient à apaiser les inquiétudes de certains de ceux qui ont témoigné.

Un autre député néo-démocrate, Charlie Angus, a fait part de ses inquiétudes sur les réseaux sociaux jeudi soir.

Il a déclaré que le ministre des Relations Couronne-Autochtones, Gary Anandasangaree, qui avait témoigné devant le comité plus tôt dans la journée, devrait «quitter son bureau» et se rendre sur les territoires de la Nation Nishnawbe Aski et de la Nation Anishinabek.

«Il doit expliquer comment ce projet de loi fonctionnera réellement sur le terrain», a déclaré M. Angus.

M. Anandasangaree a déclaré lors de son témoignage que les Métis ont dû écouter les gens qui tentent de « nier leur existence », et il estime que les préoccupations soulevées sont fondées sur des idées fausses.

La Presse Canadienne a contacté la Métis Nation of Ontario pour obtenir ses commentaires.

Le chef de la Première Nation de Nipissing, Scott McLeod, affirme que les commentaires du sous-ministre constituent un autre exemple du manque de diligence raisonnable du gouvernement fédéral et que l’adoption du projet de loi serait une pente glissante qui pourrait nuire aux droits des Premières Nations.

Et même si la loi elle-même ne précise pas quelles communautés relèvent de la compétence de la Nation métisse de l’Ontario, elle leur accorde essentiellement une reconnaissance, a déclaré M. McLeod, lors d’une entrevue vendredi.

«Il est ridicule que cela soit légiféré à partir de rien», a-t-il avancé, ajoutant que l’adoption du projet de loi serait une pente glissante qui pourrait nuire aux droits des Premières Nations.

Le retrait de la loi demandé

L’Assemblée des Premières Nations, qui représente 630 Premières Nations à travers le Canada, demande le retrait complet du projet de loi.

D’autres organisations métisses du Manitoba, de la Saskatchewan et de la Colombie-Britannique ont fait part de leurs propres préoccupations.

Mais la présidente du Ralliement national des Métis, Cassidy Caron, a déclaré la semaine dernière aux députés qu’elle appuyait le projet de loi.

Et les dirigeants des organisations métisses directement touchées par cette loi ont déclaré que la loi ouvrirait des opportunités et favoriserait une nouvelle relation avec Ottawa.

Ils ont souligné que la reconnaissance de leurs droits à l’autonomie gouvernementale ne ferait rien pour nuire aux autres groupes autochtones.

Alors que le projet de loi pourrait ouvrir la porte à l’octroi de droits de terre ou de récolte aux Métis, M. Anandasangaree a souligné jeudi que ce n’est pas ce que fait la législation, même si de futurs traités pourraient être négociés.

Mme Idlout a déclaré qu’elle souhaitait que cela soit écrit, car la formulation actuelle du projet de loi laisse planer des incertitudes.

«Si l’intention est qu’il n’y ait pas de violation des droits sur les terres ou les ressources, alors indiquez-le clairement», a-t-elle demandé.

Elle a ajouté qu’elle croit que la façon dont les libéraux ont traité le projet de loi a approfondi les divisions qu’il expose.

«Je ne sais pas ce qu’ils ont fait de bien, parce que tout ce que j’ai entendu, c’est ce qu’ils ont fait de mal», a avancé Mme Idlout.

«Cela n’atténue pas les inquiétudes des Premières Nations ni celles des autres Métis (…) Tous ceux qui ont témoigné nous ont donné beaucoup de matière à réflexion.»

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