Près de 12 000 pétitionnaires contre un Bureau du Québec en Israël

Patrice Bergeron, La Presse Canadienne
Près de 12 000 pétitionnaires contre un Bureau du Québec en Israël

Québec solidaire (QS) a déposé jeudi deux pétitions totalisant près de 12 000 signatures contre l’ouverture d’un Bureau du Québec en Israël, au moment où son député Haroun Bouazzi accuse la Coalition avenir Québec (CAQ) d’être «complice» de «crimes contre l’Humanité» et de «nettoyages ethniques».

Le Centre consultatif des relations juives et israéliennes (CIJA) a dénoncé ces propos du député Haroun Bouazzi en les qualifiant de faux, tandis que le leader parlementaire adjoint du gouvernement, Mathieu Lévesque, a demandé au co-porte-parole de QS, Gabriel Nadeau-Dubois, s’il cautionnait la déclaration.

La ministre des Relations internationales, Martine Biron, a pour sa part fait savoir que la représentation diplomatique du Québec à Tel-Aviv est déjà «fonctionnelle» et que le gouvernement n’a pas l’intention de la fermer.

Dans un message sur le réseau X en soirée, elle a tenu à rétablir les faits, dit-elle, en circonscrivant la responsabilité de son gouvernement: «notre rôle est d’accompagner les Québécois qui font affaires à l’étranger», a-t-elle écrit, «laissons les instances internationales juger de cette guerre».

«Processus génocidaire»

Dans son message sur le réseau X, M. Bouazzi a affirmé qu’en ouvrant un Bureau pour faire des affaires en Israël, la CAQ «nous rend complices d’un gouvernement d’extrême-droite qui accumule les crimes de guerre, les crimes contre l’Humanité, les nettoyages ethniques et qui a démarré un processus génocidaire depuis quelques mois».

En conférence de presse jeudi pour présenter les pétitions qu’elle a déposées, sa collègue de QS, la députée Ruba Ghazal, elle-même d’origine palestinienne, a dit qu’elle n’avait pas lu le message de M. Bouazzi, mais qu’il «exprime l’émotion qu’il ressent face à cette situation-là».

«Il ne faut pas que le Québec participe de façon directe ou indirecte à un risque de génocide», a-t-elle plaidé.

Leur collègue, le député Guillaume Simard-Cliche, a dit ne pas comprendre pourquoi la ministre jugeait il y a quelques mois opportun de retarder l’ouverture du Bureau à Tel-Aviv, mais qu’elle l’ouvre après 28 000 morts dans le conflit et une décision accablante de la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye.

«Je pense qu’elle a des réponses à donner», a-t-il soutenu en rappelant que la CIJ «reconnaît un risque plausible de violation du droit des Palestiniens d’être protégés contre un génocide».

Une «fixation» sur le seul État juif

Le CIJA, qui représente la communauté juive institutionnelle du Canada, a interpellé QS.

«Pourquoi font-ils une fixation sur l’ouverture d’un bureau dans la seule démocratie au Moyen-Orient?», a demandé le CIJA dans un message publié sur le réseau X.

L’organisme reproche à Québec solidaire de ne pas avoir dénoncé au même titre l’ouverture d’un Bureau du Québec à Cuba, pourtant une dictature.

«Cela relève au mieux de l’hypocrisie ou au pire d’une fixation sur le seul État juif au monde. L’accuser de génocide ou de nettoyage ethnique est non seulement faux, mais dangereux», en raison des actes antisémites qui ont cours, écrit-on, et le CIJA demande à M. Nadeau-Dubois et sa collègue Émilise Lessard-Therrien de rappeler à l’ordre M. Bouazzi.

Voix juives indépendantes

En contrepartie, le Collectif de Québec pour la paix et Voix juives indépendantes, qui ont moussé la pétition, ont secondé QS.

«Ce gouvernement a choisi un État qualifié d’apartheid, un État soupçonné de génocide, pour ouvrir une porte sur le Proche-Orient», a dit Nezih Belhaj, de Collectif de Québec pour la paix.

«Ça envoie un mauvais message au monde», a dit Jesse Greener, de Voix juives indépendantes.

Les signataires réclament d’annuler l’ouverture de cette représentation diplomatique à Tel-Aviv «tant et aussi longtemps que le gouvernement israélien renie ses obligations imposées par le droit international envers le peuple palestinien et qu’il enfreint les résolutions des Nations-Unies et les accords de paix».

«La ministre devrait prendre en compte l’impact de cette décision dans les rapports du Québec avec le Moyen-Orient et les conséquences sur l’image du Québec» dans le monde, a déploré M. Simard-Cliche.

Un Bureau à partir de… Montréal

Mme Biron a confirmé que le Bureau est actuellement «ouvert et fonctionnel», mais le chef de Bureau fait son travail à partir de… Montréal, pas encore à Tel-Aviv. Elle a justifié l’utilité de cette présence du Québec en Israël.

«Il faut savoir que ce Bureau, c’est la porte d’entrée du Moyen-Orient» et il va aussi couvrir les pays voisins, a fait valoir la ministre.

«La raison pour laquelle il a été basé en Israël, c’est qu’au Québec, nous avons des relations avec la communauté juive depuis un peu plus de 60 ans.»

Le gouvernement Legault avait annoncé en août dernier l’ouverture de ce Bureau dans l’État hébreu. La ministre devait aller inaugurer le Bureau en octobre, mais juste avant, le 7 octobre, le conflit a éclaté avec l’attaque des militants armés du Hamas en Israël.

Puis, en novembre, la ministre avait laissé planer l’incertitude sur l’avenir du Bureau, en écartant une ouverture à court ou moyen terme.

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Michaël Lessard
Michaël Lessard
2 mois

Clarification : c’est une pétition issue du Collectif de Québec pour la paix et de Voix juives indépendantes, c’est-à-dire que ces organismes n’ont pas appuyé QS, mais plutôt QS a appuyé ces citoyen-nes.

Nommez le crime comme vous le voulez, mais l’eau fut coupée (!!!), les denrées civiles sont bloquées (!!), l’aide humanitaire est sévèrement limitée par le blocus imposé par Israël, incluant des camions de l’UNICEF et du PAM (et ce, depuis 16 années!), les infrastructures civiles sont ravagées massivement dont les hôpitaux, les gens sont présentement sous-alimentés dans le sud de Gaza et se meurent de faim dans le nord, etc. Cette réalité est patente, visible. Annuler ou fermer ledit bureau se veut un moyen de pression contre cet horreur actuel. J’invite les associations pro-Israël à reconnaître qu’il y a des limites humanitaires à respecter et qui sont clairement transgressées en ce moment.

  • Michaël Lessard, membre du Collectif de Québec pour la paix