Ports de la C.-B.: les syndicats mis en garde de ne pas changer d’avis à nouveau

Chuck Chiang, La Presse Canadienne
Ports de la C.-B.: les syndicats mis en garde de ne pas changer d’avis à nouveau

VANCOUVER — Le syndicat qui représente environ 7400 travailleurs dans le conflit portuaire de la Colombie-Britannique a été averti par le Conseil canadien des relations industrielles que changer d’avis sur une nouvelle entente pendant la ratification serait une «pratique de travail déloyale».

L’ordonnance du conseil rendue dimanche stipule également que l’International Longshore and Warehouse Union Canada (syndicat) doit tenir un vote de ratification sur l’accord avec les employeurs au plus tard vendredi, et empêche les deux parties de commenter l’affaire dans les médias, au-delà d’une seule déclaration conjointe annonçant l’accord.

Un expert en droit du travail estime que l’ordonnance montre la complexité de la résolution d’un différend impliquant des milliers de membres du syndicat répartis sur de vastes zones, qui peuvent avoir des priorités différentes.

«Certes, le syndicat essaie généralement d’éviter une situation où il y a un fossé entre les négociateurs et leurs dirigeants, mais il arrive souvent qu’il y ait un fossé entre ceux qui négocient une entente à la table de négociation et les membres eux-mêmes», explique Liam McHugh-Russell, qui est professeur adjoint à la Schulich School of Law de l’Université Dalhousie.

L’avertissement de dimanche à la direction du syndicat est intervenu après qu’un précédent contrat proposé a été soutenu par les négociateurs syndicaux, puis rejeté par les dirigeants avant de changer de cap et de le recommander aux membres – qui l’ont ensuite coulé lors d’un vote complet la semaine dernière.

«Il y a une tension fondamentale entre les travailleurs… et l’employeur, a déclaré M. McHugh-Russell. Mais il y a aussi une tension quant à ce que veulent les travailleurs eux-mêmes, et il est difficile pour le syndicat de s’assurer que toutes ces voix et tous ces intérêts soient représentés à la table.»

L’International Longshore and Warehouse Union Canada (syndicat) et la BC Maritime Employers Association (employeur) ont annoncé une percée tard dans la nuit dimanche, affirmant dans une déclaration commune qu’ils avaient conclu un nouvel accord négocié et qu’ils le recommanderaient à leurs membres.

La déclaration commune indique que le nouvel accord de principe a été conclu avec l’aide du conseil des relations industrielles.

L’ordonnance du conseil des relations industrielles, publiée en ligne, stipule également que le syndicat ne doit pas s’engager dans une activité de grève et que les employeurs ne doivent pas procéder à un lock-out tant que les résultats de la ratification ne seront pas connus.

Divergences

Le conflit de longue date a vu des travailleurs quitter le travail dans plus de 30 terminaux portuaires et autres sites pendant 13 jours au début de juillet, gelant le mouvement de milliards de dollars de marchandises dans certains des ports les plus achalandés du Canada.

M. McHugh-Russell a déclaré que bien que la déclaration conjointe semble prometteuse, le vote de tous les membres du syndicat pourrait rejeter la dernière proposition.

Selon lui, le défi du syndicat est maintenant de rassembler les voix et les priorités divergentes au sein de ses membres – ce qu’il n’a pas pu réaliser avant le vote de la semaine dernière sur le contrat proposé précédent.

«Il y a toujours des conflits et des tensions au sein des unités de négociation, détaille le professeur. Deux personnes ne veulent jamais exactement la même chose de leur employeur. Les employés avec enfants veulent souvent de meilleurs régimes dentaires, et les employés sans enfants pourraient préférer avoir une augmentation légèrement plus élevée.»

«Ce que nous voyons se jouer ici est un exemple de tensions internes d’un groupe de personnes, essayant toutes de négocier collectivement», a-t-il poursuivi.

Compte tenu des changements possibles dans le nouvel accord, M. McHugh-Russell envisage qu’il y a maintenant une faible possibilité que les employeurs individuels représentés par la BCMEA ne soient pas entièrement satisfaits, ce qui ajoute un autre niveau d’incertitude.

Il ajoute que chaque fois qu’un accord conclu à la table est rejeté par les membres du syndicat, cela nuit à la crédibilité des négociateurs et affaiblit finalement la position de négociation du syndicat.

«Cela rend plus difficile la conclusion d’un accord, car les deux parties ne peuvent pas être sûres que ce qu’elles disent à la table va tenir lorsqu’il s’agit de demander aux membres de l’approuver», explique le spécialiste.

L’intervention d’Ottawa souhaitée

L’avertissement de dimanche à la direction du syndicat intervient après qu’un précédent contrat proposé a été soutenu par les négociateurs syndicaux, puis rejeté par les dirigeants avant de changer de cap et de le recommander aux membres, qui l’ont coulé lors d’un vote complet la semaine dernière.

Après que cet accord a été rejeté par les membres du syndicat, le ministre du Travail Seamus O’Regan avait annoncé samedi qu’il chargeait le conseil des relations industrielles de déterminer si une fin négociée du conflit était encore possible, et sinon, d’imposer un accord ou un arbitrage définitif exécutoire.

La pression avait augmenté pour une intervention fédérale si un accord n’aboutissait pas.

Plusieurs instances, dont la première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, le Conseil canadien des affaires et la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, ont toutes exhorté le gouvernement fédéral à légiférer pour mettre fin au conflit s’il se poursuivait.

Lundi, le premier ministre Justin Trudeau s’est dit confiant de la fin du conflit de travail avec la nouvelle entente et souhaite que le tout se déroule sans l’intervention de son gouvernement. 

«On continue de croire profondément que les meilleurs accords ont toujours lieu à la table de négociation, a-t-il déclaré en mêlée de presse. On s’assure que les négociations continuent, car on sait à quel point un arrêt de travail a un impact sur l’économie du pays, sur les fermiers, les manufacturiers, les exportateurs et les importateurs.»

Le premier ministre en a profité pour décocher une flèche à l’endroit de ses opposants du Parti conservateur, après avoir reçu une lettre de son chef Pierre Poilievre qui s’inquiétait du conflit de travail et lui demandait de limoger le ministre O’Reagan.

«Pierre Poilievre n’a aucune crédibilité en matière de conflits de travail, a soutenu M. Trudeau. Rappelons-nous que Pierre Poilievre a été un acteur clé dans un gouvernement qui était connu pour ses positions antisyndicales.»

«Par contre, il n’a pas hésité à être aux côtés des manifestants du «convoi de la liberté» et même à les encourager», a avancé M. Trudeau.

«Notre gouvernement est sérieux et responsable, et nous allons continuer à faire le nécessaire pour nous assurer que l’économie va bien.»

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